En bonne compagnie

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 20 septembre 2024

 

CRITIQUE
Élie Castiel

★ ★ ★

Les silences

conflictuels

Pour saisir la portée du premier long métrage de Silvia Munt, force est de souligner la disparition de Franco, deux ans avant l’année où le récit a lieu. L’Espagne culturelle est alors atteinte du germe de la liberté d’où jaillira très bientôt la célèbre movida, cette mouvance dans le milieu des arts qui explose et étonne le monde. Entre parenthèses, citons que c’est à ce moment qu’un certain Pedro Almodóvar commet les célèbres outrances cinématographiques de ses débuts d’où émergeront des films indiscutablement admirables, en plus de quelques faux pas qu’on peut lui pardonner.

La femme, point central de ce récit qui parle d’avortement(s), de relations familiales avec absence du père, d’homosexualité féminine, autrefois totalement bannie de la pensée, de politique bien entendu, puisque les balises du pays changent de cap.

L’avortement est le thème qui inaugure En bonne compagnie, reléguant les autres en tant qu’appuis pour renforcer le principal propos. Les femmes s’émancipent, les hommes, ceux d’autres générations sont mis au placard, ou presque. Leur souveraineté sexuelle n’est plus à l’ordre du jour, ou du moins Munt le montre tel quel. Pas si loin de notre époque actuelle qui tente tant bien que mal d’obtempérer à un certain statu quo révolu avec les résultats parfois déconcertants que l’on sait.

Une multitude de thèmes, d’idées de liberté, de comportements, de gestes posés, à la fois choses appréciables, mais en voulant toucher à tout, le récit s’enlise dans des voies de garage, des résultantes peu probables.

Bea, c’est la jeune actrice Alicia Falcó, physionomie androgyne où l’on sait depuis qu’elle apparaît la première fois à l’écran qu’il sera question d’une relation lesbienne avec sa meilleure amie, tombée enceinte et qui hésitera entre garder l’enfant ou se faire avorter.

Bea est la fille d’une femme de la classe ouvrière, père absent. Son entrée de la fin de l’adolescence à l’âge adulte passe, époque oblige, par le militantisme, quel que soit où l’on se retrouve en Espagne. Le mai 68 français n’est pas si loin. Au tour de la péninsule ibérique d’entrer dans la modernité, toutes disciplines confondues. Entre prise de positions politico-sociales et histoire intime, En bonne compagnie oscille entre deux genres, les mêlant souvent maladroitement, faisant oublier par moment l’un ou l’autre.

Film de femmes, absence d’hommes ou presque, militantisme assuré, portait d’époque parfois un peu nébuleux, mais tout compte fait, un film étrange qui manque parfois de subtilités, même si la réalisatrice sent sincèrement le besoin d’y remédier. Sauf que…

La dernière séquence qui montre Bea en voiture, assise dans la banquette arrière, sa mère conduisant, et sa copine, au siège gauche avant, à peine sorti de la clinique d’avortement, quelque part dans la grande ville, est l’un des plus touchants du film alors que la mère (très efficace Itziar Ituno) fait une déclaration sentie sur la maternité et l’exil soudain des enfants.

Film de femmes, absence d’hommes ou presque, militantisme assuré, portait d’époque parfois un peu nébuleux, mais tout compte fait, un film étrange qui manque parfois de subtilités, même si la réalisatrice sent sincèrement le besoin d’y remédier. Sauf que…

C’est parfois dans les silences que s’affichent les plus beaux moments. Comme si l’ère franquiste ne s’était pas totalement évaporée.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Silvia Munt

Scénario : Silvia Munt, Gil Munarriz
Direction photo : Gorka Gómez Andreu
Montage : Bernat Aragonés
Musique : Paula Daz

Genre(s)
Drame
Origine(s)
Espagne / France
Année : 2023 – Durée : 1 h 35 min
Langue(s)
V.o. : espagnol; s.-t.f.
La buenas compañias

Dist. [ Contact ] @
A-Z Films
[ Filmax ]

Diffusion @
Cinéma Beaubien
Cineplex

Classement
Visa GÉNÉRAL

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]