Fantasia 2022
… II
ÉVÉNEMENT.
[ Festival ]
texte
Élie Castiel
Un plaisir de retrouver le cinéma en salle, non seulement pour apprécier les films à leur juste valeur, mais retrouver un public pré-confinement toujours aussi alerte et jouissivement indiscipliné. Bon an, mal an, on retrouve ce qui nous agresse, nous provoque, nous épate. On aime toujours être du côté des Bad Guys (Les méchants) car eux seuls peuvent transgresser les tabous, violer l’ordre public, accepter entièrement leur destin, tel qu’ils se présente. Pour les cinéastes, enfreindre les codes de la narration, de la continuité, inventer de nouvelles règles de conduite, de comportements. Le tout en parfaite cohésion avec la mission d’une manifestation cinématographique inusitée qui, depuis ses débuts, attirent ceux et celles qui n’osent pas extérioriser leurs fors intérieurs, voire angoisses, soubresauts existentiels, peurs face à l’inconnu. Fantasia ou la possibilité du défoulement extrême. Nous avons glaner selon nos attirances pour un premier jet non pas critique, mais en accord avec ce à quoi on peut s’attendre à voir dans ce festival depuis 26 ans déjà.
Au hasard du côté international
Point négatif pour commencer cependant : que fait Maigret, de Patrice Leconte, dans la programmation. En toute franchise, c’est le produit-même du feu Festival des films du monde de Montréal. Dans ce cas-ci, le film ne sert que de rampe de lancement, une sorte de service prévente avant la sortie en salle, très prochainement. On y reviendra dans nos Primeurs en temps et lieu. N’empêche que l’atmosphère que crée Leconte et les dialogues à la « Audiard » ou « Simenon » laisse un goût étrange de tableau cinématographique savamment exécuté. Et puis, Depardieu. Bon, assez dit.
Idem pour Denis Côté et sa « gang de filles » bien décidées à parler de sexe. Les critiques dits « sérieux » ont trippé sur Un été comme ça (en compétition à la récente Berlinale). Depuis quelques années, la formule est claire dans un certain milieu cinématographique qui semble, sans s’en rendre compte, ou est-ce bien le cas, à réinventer les critères des cinémas qui comptent. Guerre déclarée (comme toujours) entre le public « ordinaire » et le branché. Comme en politique, le centrisme n’est pas possible, les extrêmes tiennent à leur supériorité. Même chose que pour Maigret, nous y reviendrons lors de sa sortie, en août, avec plus de sérieux.
Coupez!, et que les instances ukrainiennes ont demandé aux auteurs de changer le titre original, Z (Comme Z). Ce nouvel opus de Michel Hazanavicius a ouvert le festival le plus prestigieux de la planète-cinéma, Cannes. Assez pour le programmer à Fantasia même s’il s’inscrit dans les cordes de ce festival. Satire sur le cinéma, sur le tournage de cinéma de genre, sur les rapports entre les non-vedettes et les cinéastes, et surtout sur la possibilité de filmer n’importe comment. Se détacher délibérément de toutes contraintes morales (sujet tabou de nos jours) pour, oh joie!, foutre le bordel, se permettre tous genres d’affronts face aux institutions et… Encore une fois, nous y reviendrons à sa sortie.
En tout cas, Legions (Legiones) de l’Argentin Fabián Forte, ne trouvera certainement pas de distributeur. Anachronismes, sorcelleries, magies et messes noires se succèdent dans ce film fantasieux où, encore une fois, il faut absolument ne pas croire aux règles de la logique pour y adhérer. Bons effets graphiques, sens de l’effet-choc, enthousiasme d’une équipe de tournage en plein délire. Même si par moments, on s’y perd en cours de route. Mais bon!
Même son de cloche pour les Espagnols Raúl Cerezo et Fernando Gónzález Gómez avec The Elderly (Viejos). En fait, après mûre réflexion, même si dans leur Q&A, ça n’a pas été mentionné, ni par l’animateur, ni par les cinéastes, ni dans les questions de l’auditoire, plus que l’illustration d’un guerre intergénérationnelle, c’est surtout celle de l’époque franquiste qui est visée (boléros qu’on soulève avec insistance au générique de début et au cours du film). Point de réconciliation. Trois générations qui s’affrontent, se confrontent et finissent par éclater. Pour les cinéastes, une sorte de « point de non-retour » qui laissera certains spectateurs désemparés. Bien entendu, on peut compter sur la qualité de la mise en scène, intentionnellement chaotique, les effets spéciaux de bonne allure et une bande de comédiennes et de comédiens incomparables, autant les jeunes que les vieux.
Et puis, l’incontournable Quentin Dupieux avec Incroyable mais vrai, autre produit de Cannes. Déception devant cet OFNI (objet filmique non identifié) qui permet à des vedettes de talent de proposer un exercice d’auto-dérision qui fait plus de mal que de bien. De Dupieux, on a vu beaucoup mieux.
Bien entendu, on ne reviendra pas sur la présence du français à Fantasia. À ma connaissance, aucun film en langue anglaise n’est sous-titré dans la langue de Molière. Le contraire est de mise. L’affaire semble une fois pour toutes conclue. On ne revient pas sur la question. Ça n’a jamais était dit, mais on l’a bien compris.