Fantasia 2023
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ÉVÈNEMENT
[ Festival ]
texte : Pascal Grenier
La 27e édition du festival Fantasia débute demain. Malgré l’absence de certaines vedettes américaines annoncées précédemment en raison de la grève de la SAG-AFTRA (acteurs et actrices) et des scénaristes de la WGA (Writer’s Guild of America), le festival accueillera de nombreux autres invités internationaux. Mais outre leur présence on va à Fantasia pour, surtout, voir des films. C’est l’éclectisme de la programmation qui a permis au fil des ans au festival de grandir et d’atteindre la réputation internationale d’être uns des plus importantes manifestations cinématographiques de genre à l’échelle internationale
Avant de se plonger dès demain soir dans les primeurs nord-américaines et mondiales, le festival propose cette année une très belle sélection dans son volet « Fantasia Retro ». Nous vous proposons une liste de quelques incontournables à ne pas manquer pour les nostalgiques et pour ceux qui découvriront quelques oeuvres phares des dernières années.
De la Corée du Sud, Peppermint Candy de l’excellent Lee Chand-Dong (Burning) est un des films coréens les plus importants de son histoire. Avec sa structure narrative à rebours et identique à celle de Memento de Christopher Nolan (ironiquement les deux films sont sortis la même année soit en 2000), ce drame émouvant relate de manière émotionnelle un pan l’histoire de la Corée des deux dernières décennies du siècle dernier à travers le parcours d’un homme brisé qui se ferme délibérément à toute velléité d’humanisme. Une belle occasion de découvrir ou revoir ce grand film désespéré où brille l’acteur Sol Kyung-gu dans cette réflexion puissante sur les conséquences du passé sur le présent et sur l’importance de la rédemption personnelle.
Également, du même pays, les moins connus A Good Lawyer’s Wife et The President’s Last Bang d’Im Sang-soo valent aussi leur pesant d’or. Bien qu’il ne jouisse pas de la réputation de certains de ses pairs comme Boon Jong-ho ou Park Chan-wook, Im Sang-soo est un des réalisateurs importants de la nouvelle vague coréenne du 21e siècle. Tourné en 2003, A Good Lawyer’s Wife remet en question les normes sociales traditionnelles avec son mélange de drame psychologique et de film érotique sulfureux et abordent des sujets tabous avec intelligence avec un soupçon de provocation.
Encore plus audacieux, The President’s Last Bang relate la dernière soirée du président de la République de Corée Park Chun-hee et la fin de son règne dictatorial lors de son assassinat en octobre 1979. Un huis-clos anxiogène et subversif à souhait où l’ancien dictateur est présenté comme un homme à femmes alcoolique et mélancolique. Le film a suscité une controverse significative lors de sa sortie en raison de sa représentation provocatrice et satirique de l’ex-président qui a conduit à des batailles juridiques prolongées et à des débats sur la liberté d’expression et la censure dans le pays. Malgré toute la controverse engendrée, ça demeure une oeuvre forte et iconoclaste qui marie avec intelligence l’humour noir, le drame politique et qui se termine dans un jouissif bain de sang.
Le cinéma hongkongais a connu ses belles années avant la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997. Le festival propose cette année de revoir trois oeuvres significatives de ce cinéma aussi innovateur qu’énergique. Il y a d’abord le classique A Chinese Ghost Story de Ching Siu Tung. Produit par Tsui Hark, ce drame fantastique offre une combinaison unique de comédie, d’horreur et d’action comme seul le cinéma hongkongais en connaissait la recette. Dans un monde où les esprits et les créatures mystiques se côtoient, le film offre un divertissement haut de gamme servi par des effets spéciaux innovateurs et un rythme à couper le souffle. Une très belle occasion de revoir ce chef-d’oeuvre du genre en copie 35 mm avec la belle Joey Wong venir envoûter un jeune Leslie Cheung en inspecteur d’impôts timide.
Également de Hong Kong, l’immense My Heart Is That Eternal Rose est un des musts dans ce volet Retro. Ce film de 1989 de Patrick Tam (le mentor de Wong Kar-wai) est un grand film d’amour tragique qui s’inscrit dans la foulée des films du genre heroic bloodshed popularisé par John Woo; aussi, A Better Tomorrow . La lumière de Christopher Doyle (qui va atteindre la notoriété avec son travail à la direction photo chez Wong Kar-wai) ajoute une touche sombre et poétique qui distingue le film de Tam du reste des films de genre criminels de l’époque. On retrouve à nouveau Joey Wong qui se trouve tiraillée entre trois hommes pour une histoire d’amour complexe et captivante qui se culmine dans un des plus beaux gunfights de l’histoire du cinéma.
Enfin, lors de sa toute première édition en 1996, le festival Fantasia a permis entre autres de faire découvrir au public montréalais deux vedettes moins connues à l’époque, soit la vedette martiale Jet Li de même que le roi de la comédie hongkongaise Stephen Chow (Shaolin Soccer et Kung Fu Hustle). On retrouve ce dernier dans The God of Cookery, de lui-même où ce dernier incarne un chef cuisinier célèbre dans cette satire hilarante du monde de la cuisine et de la célébrité. Ce qui fait le charme de ce film, ce sont ses personnages excentriques et ses scènes comiques où Chow excelle avec ce type d’humour qui se gave de non-sens et de la démesure pour un film coloré et plein de créativité.
Fantasia 2023
du 20 juillet au 9 août