Fantasia 2023
< IV >

ÉVÈNEMENT
[ Festival ]

texte : Pascal Grenier

 

Des

propositions

audacieuses

La 27e édition de Fantasia bat son plein présentement et si on se fie aux nombreuses foules et files d’attente, on peut dire, jusqu’à maintenant, que cette édition semble à ce jour être un succès commercial. Pour cet exercice de mi-parcours, voici quelques films qui ont valu le détour.

The Roundup: No Way Out

On débute avec une valeur sûre soit The Roundup: No Way Out du réalisateur Lee Sang-yong. Ce troisième volet de la série de films Beomjoedesi (après The Outlaws en 2017 et The Roundup l’an dernier) mettant en vedette le populaire acteur Ma Dong-seok. Également connu en Occident sous le nom de Don Lee, cet imposant acteur reprend son rôle de l’inspecteur Ma Seok-do où lui et son équipe sont promus au sein de la Metropolitan Investigation Unit dans une nouvelle aventure impliquant un cartel de drogue et des yakuza. Plus que jamais ce troisième volet tourne autour de l’imposante présence physique et le charisme de Lee. Et ce dernier (un genre de Bud Spencer en plus violent) s’en donne à coeur joie avec un déferlement de taloches et de coups de poing où les malfrats en prennent pour leur rhume. Comme les deux volets précédents, ça déménage et c’est bien rythmé avec une pointe d’humour et c’est diablement efficace et divertissant pour le genre. Vivement qu’on nous amène le quatrième volet déjà en chantier.

River

Également de la Corée du Sud, mais dans un tout autre registre, Ms. Apocalypse est un drame sentimental dont l’action se déroule en 1999 à l’aube du millénaire. Ce second long métrage de la cinéaste Lim Sun-ae (An Old Lady) est une belle réflexion sur la société coréenne de l’époque, ainsi qu’une étude de mœurs contemporaine. La réalisatrice ne craint guère de s’aventurer dans des avenues inhabituelles avec une sous-intrigue de fraude et on passe du noir et blanc sombre à la couleur. La luminosité va petit à petit s’imprégner dans le coeur des protagonistes et leurs secrets se dévoiler. Ça souffre parfois de longueurs, mais le dénouement est satisfaisant et la chaleur humaine qui se dégage de l’ensemble est contagieuse. 

Ms. Apocalypse

De la Malaisie, Tiger Stripes de la jeune réalisatrice Amanda Neil Eu a récemment remporté le Grand Prix de la Semaine de la Critique à Cannes en mai dernier. À travers ce récit de passage à l’âge adulte pour une jeune fillette de douze ans qui découvre la puberté et provoque une crise d’hystérie collective dans son école d’une petite communauté rurale, la réalisatrice propose une oeuvre vivante et singulière. C’est un véritable cri de rage contre les valeurs traditionnelles et ancestrales dans ce joyau cinématographique alors que la cinéaste y ajoute des éléments d’horreur corporelle et une bonne dose d’humour à son récit pour une oeuvre à la fois audacieuse et fascinante que ne renierait pas le grand Apichatpong Weerasethakul.

Du Bangladesh, l’étonnant Pett Kata Shaw de Nuhash Humayun est une anthologie sous forme de films à sketches dont les quatre segments tournent autour de mythes et légendes appartenant au folklore traditionnel du Bangladesh. D’abord conçus comme une série Web, ces segments rapiécés forment un tout homogène et l’emballage est une rare incursion dans le cinéma d’horreur de ce pays dont les films sont rarement exportés internationalement. D’une valeur inégale, chaque segment demeure intéressant dans sa façon d’aborder avec modernité des histoires d’antan auxquels on est peu habitués. Visuellement époustouflant dans sa façon de dépeindre la beauté naturelle des paysages de son pays, le second et quatrième segment sont les éléments forts de cette intéressante anthologie horrifico-folklorique.

Un des films les plus attendus de cette édition est sans contesté River, le second long métrage du cinéaste japonais Junta Yamaguchi (Beyond the Infinite Two Minutes). L’action se situe dans une petite auberge dans la ville de Kibune alors que les employés et les visiteurs se retrouvent malheureusement confinés dans une boucle de temps sans fin de deux minutes. Cet exercice de style propose une quarantaine de plans-séquences de deux minutes qui sont des variantes assez astucieuses où les protagonistes cherchent à comprendre et se départir de cette fâcheuse impasse sans fin. Le réalisateur fait preuve d’humour et d’intelligence dans sa démonstration avec cette caméra fluide qui suit l’action et ses nombreux rebondissements. En revanche, ça finit par s’essouffler un peu à force de répétitions même si au final on passe un bon moment.

 

Marry My Dead Body

Enfin, Marry My Dead Body marque un changement de registre pour le réalisateur taiwanais Cheng Wei-Hao (The Tag-Along, Who Killed Cock Robin) dont les films précédents étaient ancrés dans le suspense et l’horreur. Ce dernier film est assez inclassable et s’apparente au genre comédie policière surnaturelle très à la vogue dans le cinéma hongkongais de la fin des années 1980 et début des années 90 avec des oeuvres comme Look Out, Officer! ou encore Haunted Cop Shop. En y ajoutant des éléments de mélodrames et du cinéma queer, ce nouveau film va encore plus loin dans sa proposition de mélange de genres. Il en résulte un film très fourre-tout rempli de scènes savoureuses et de séquences hilarantes au possible qui finissent par remporter l’adhésion.

 

Fantasia 2023
du 20 juillet au 9 août