Fantasia 2024
« III »
ÉVÈNEMENT
[ Cinéma de genre ]
texte : Luc Chaput
Animation 1
Ombre et
lumière
au Japon
Dans un bâtiment en partie détruit par un récent tremblement de terre, il se passe des choses étranges. Araragi s’y rend et se trouve ainsi happé dans une histoire de vampires.
Comme à l’habitude, ce festival donne la part belle à l’animation tant dans ses programmes de courts que ses longs. Les récents honneurs décernés à Ghibli ont confirmé pour ceux qui n’en connaissaient pas encore l’existence, l’importance de ce studio dans la conception et la production d’œuvres à la fois très belles et complexes dont nous avons parlé par ailleurs – voir ici.
Nisio Isin est le pseudonyme palindromique d’un auteur de mangas aux dialogues très fournis, aux jeux de mots multiples dont certains sont assurément intraduisibles et aux patronymes hyper-longs de plusieurs de ces personnages dont celui de la blonde vampire que je ne m’astreindrai pas à reproduire ici.
Le long Wound Story: Koyomi Vamp (Kizumonogatari: Koyomi Vamp), présenté cette année est une compilation raccourcie d’une trilogie : Tekketsu, Nekketsu et Reiketsu. La mise en images de Tatsuya Oishi nous fait naviguer dans de nombreux lieux dans lesquels des adolescents tentent de prendre leur place dans la société. Koyomi Araragi est tiraillé entre deux de ses consœurs d’école secondaire, la brune première de classe et la blonde dont il n’a plus de nouvelles. Une chute fracassante le mènera sur sa piste et se posera alors la question pour notre héros, être ou ne pas être un vampire. Dans ce monde d’ombres dans lequel les photons du soleil peuvent vous évaporer, les combats qui s’en suivent sont littéralement à l’emporte-pièce et souvent plus que sanguinaires. L’humour noir, les sarcasmes fusent dans des séquences rythmées par des intertitres dont certains sont écrits étonnamment en français comme Noir ou Rouge. Des références au christianisme s’immiscent dans le récit dont une immense croix en métal ornée de pierreries qui sert d’arme à un des antagonistes. Le parcours chaotique par moments, à cause des raccourcis inhérents à une compilation, contient suffisamment de bons moments et des affrontements dans des édifices mythiques comme le stade de Tokyo pour assouvir la soif d’aventures d’un public désirant connaître les mangas.
Dans le programme Anime No bento, du deuxième volet String Dance de TAISU une anthologie nippo-chinoise encore en construction, démontre la facilité de Shuhei Morita à échafauder un monde qui, malgré ses ressemblances avec des classiques de Ghibli ou de Kurosawa (Ran) nous entraîne à la rencontre de deux jeunes personnes issues de milieux bien différents et qui se découvrent des atomes crochus inattendus. L’animation est riche en découvertes et en arrière-plans et ce court pourrait servir de point de départ à un long.
The True Shape of a Daisy (Yoruwohiraite) est une adaptation chatoyante d’un conte de fées de l’auteur chrétien britannique George MacDonald par Naoki Arata. Deux enfants élevés par une sorcière dans des endroits diamétralement opposés se rencontrent inopinément et s’entraident. Le message est bien inséré dans cette opposition entre le sombre et le clair dans lequel des irisations annoncent le passage à un autre univers.
Le court First Line nous place au sein d’un petit studio de cinéma où l’animation sur papier continue à fleurir. Mito, un nouvel employé, a des relations difficiles avec son vieux patron bougon au gros nez aviné. La réalisatrice Tina (a.k.a. China Sui) se remémore peut-être ainsi ses années d’apprentissage dans ce métier dans lequel le crayon, la ligne et la gomme à effacer sont un trio infernal qu’il faut apprivoiser. Ce programme montre de nouveau la variété d’approches et la qualité artistique des productions du pays du Soleil levant.