Fantasia 2024
« VI »

 ÉVÈNEMENT
 [ Cinéma de genre ]

texte : Élie Castiel

Un bilan en

chapeau de roue

Très étrangement, le prix « Cheval Noir » fut attribué au Comte de Monte-Cristo de Mathieu Delaporte et Alexandre de La Patellière – qui sort d’ailleurs très bientôt – nous interrogeant sérieusement sur sa présence dans ce festival. Toutes les raisons à ce sujet sont permises. Toujours est-il que ce film n’a rien à voir avec la programmation naturelle de cet évènement cinématographique annuel essentiel consacré aux films de genre, comme à ses débuts. Mais bon, les choses étant ce qu’elles sont de nos jours, tout est possible dans le monde de plus en plus intrigant des festivals cinématographiques. Un bilan tout de même quasi positif que cette 28e édition de Fantasia, à condition de faire plus attention l’an prochain.

Párvulos

Du Mexicain Isaac Ezban, Párvulos – Los hijos del apocalipsis (Les enfants de l’apocalypse) nous a agréablement surpris. Par sa mise en scène intentionnellement survoltée, ses ruptures de ton surprenantes, sa direction d’acteurs, notamment les jeunes, souveraine ; ce mélange aussi de noir et blanc et de couleur non par snobisme maladroit, mais en fonction des thèmes abordés. Et surtout le mise en images d’un monde décomposé qui propose une fin inattendue, chose rare de nos jours. Un cinéaste à suivre.

Electrophilia

La Chilienne Lucía Puenzo, avec Electrophilia (Los impactados), propose un regard vitriolique sur le pouvoir de la science, sur les nouvelles technologies qui y sont associées, mais surtout sur l’influence qu’elles exercent sur les individus. Les références à Cronenberg (père) sont évidentes et totalement assumées. Puenzo, en conteuse surréaliste, établit admirablement bien les parallèles nébuleux entre narration et esthétique.

Rita

Même constat dans le cas du Guatémaltèque Jayro Bustamante dans Rita, une œuvre audacieuse, parsemée d’embûches ‘surmontables’ en ce qui a trait à la réalisation, un film limpide dans son traitement, une démarche courageuse tenant compte que le Guatémala produit très peu de films. Mais surtout et avant tout, la présence de 300 jeunes filles admirables, dont les principales reflètent un talent remarquable pour le jeu, la présence, le charisme indiscutable et un rapport à la caméra des plus complices. On dit que Rita évoque Del Toro. À juste titre, mais allant plus loin dans une originalité qui a pour vocable, enthousiasme.

Nos consœurs et confrères d’Amérique latine seraient-ils en voie de devenir les nouveaux garants du cinéma de genre, toutes tendances confondues ? À moins que ce ne soit déjà fait.

The Dead Thing

Des États-Unis, Eric Kane nous déçoit à première vue avec The Dead Thing. Après nette réflexion, on s’aperçoit qu’il a dû sans doute faire référence à certains films des débuts d’Abel Ferrara. Une atmosphère, effet filmique dont plusieurs ne font pas attention, un jeu chromatique des plus sophistiqués, un rapport aux relations affectives d’aujourd’hui, particulièrement en Occident, où les enjeux de plus en plus compliqués, constituent une raison d’abandon de soi, de liens étriqués avec le réel, de soumission face à l’inconnu. Des thèmes d’aujourd’hui qui font de ce premier long métrage un film inusité. Un film merveilleusement nocturne.

Quelques autres productions nous ont déplu pour diverses raisons, mais nous ne citerons qu’une seule. Des États-Unis, le faussement ‘queer’ Haze, de Matthew Fifer parce qu’il oublie en cours de route quel est son véritable sujet ; Le mangeur d’âmes, des Français Alexandre Bustillo et Julien Maury, plus enclins aux effets horrifiques qu’à une logique narrative. Il y a aussi Pendant ce temps sur terre, du Français Jérémy Clapin, film brouillon malgré la présence saisissante de Megan Northam et puis, Timestalker, de la Britannique Alice Lowe, plus pot-pourri d’époques qu’un film sur la réincarnation. Peut-être également en raison de son genre, tout de même assumé, la comédie.

Si nous avons préféré le menu 2023 à celui de cette année, force est de souhaiter un meilleur équilibre l’an prochain.