Ferrari
PRIMEUR
Sortie
Lundi 25 décembre 2023
Au cours de l’été 1957, Enzo Ferrari, ancien pilote automobile, est en crise. La faillite guette l’entreprise que lui et sa femme, Laura, ont créée à partir de rien dix ans plus tôt. Pour tenter d’assurer leur survie, il jette les dés sur une course à travers l’Italie, l’emblématique Mille Miglia.
Le FILM
de la semaine
CRITIQUE
Élie Castiel
★★★★
Pistes
irréconciliables
Nonobstant la trame différente des films de ses (presque) contemporains, Sydney Lumet et Sydney Pollack, Michael Mann, dans « son » Ferrari, recèle un certain néant face à l’adversité, qu’on retrouve chez le premier, celui de Dog Day Afternoon (Un après-midi de chien) et la mélancolie ineffable, quasi indescriptible, manifeste dans This Property is Condemned (Propriété interdite), de Pollack.
Ici, Enzo Ferrari (Adam Driver) est de presque tous les plans. L’acteur se donne entièrement à ce jeu de tractations psychologiques qui le gardent indemne grâce à son sang-froid, sa détermination, un regard sur la vie qui se résume aux bolides et aux courses, cachant pour ainsi dire le vide existentiel de la perte (on ne vous dit pas plus).
Une leçon de vie auto-administrée qui renvoit à l’enfance, à son statut de coureur professionnel – bel exemple de premiers plans en noir et blanc filmés comme des actualités où le grain attribué à un certain cinéma du milieu du XXe siècle résonne avec une acuité déconcertante – une longue parenthèse qui ne perd pas son temps à établir la véritable passion du principal intéressé.
Et sa femme – l’une des plus belles prestations de Penélope Cruz, effacée dans sa position d’épouse abandonnée, mais encore combative dans ses prises de position.
Mann réussit un beau travail multi-narratif en, d’une part, participer à jeu de couple en rupture d’amour (bonne raison pour la tragédie qu’elle autant que lui ont vécue). Comme soin palliatif à ces soubresauts, une amante, Lina Lardi (convaincante Shailene Woodley), qu’il aime d’un profond amour et que, par la suite…
Entre ses joutes familiales et infidèles, la course, rien que la course, pour gagner seulement. Donnant pour ainsi dire les plus belles séquences du film alors que l’objectif du directeur photo Erik Messerschmidt (entre autres, du très beau et incompris Mank) joue la carte du ratio 2.39:1 signalant avec une précision tamisée le cadre comme geôlier d’une existence.
Sociologiquement, Michael Mann établit le processus qui consiste à intégrer dans le même parcours narratif aussi bien le couple dans la poursuite du rêve fixé que les divers enjeux économiques qui s’ensuivent, les courses elles-mêmes, de nouveaux joueurs (coureurs) qui tentent leur chance de s’intégrer à l’écurie par tous les moyens.
La piste emportée de la vie, celle des courses, celle existentielle, la personnelle aussi bien que la collective, tout cela intégré dans un même film qui peut donner le vertige, mais qui, malgré les quelques failles relatives à la mise en place d’une certaine italianité, réussit tout de même à susciter un certain engouement.
Mais plus que tout, Ferrari est un film d’acteur, certes, tous les comédiens impliqués, elles aussi bien qu’eux, mais surtout Adam Driver, totalement absorbé par son personnage : comportement, gestuel, expressions du visage, parler, intonation, attitude. C’est à un jeu explosif que nous avons droit et l’acteur, l’un des plus beaux spécimens de sa génération, en est tout à fait conscient. Il compte les moments, sait en profiter, se retient lorsqu’il le faut.
C’est sans doute au montage adroit de Pietro Scalia que le personnage déploie ses moments les plus forts : couper les moments inutiles, insister sur d’autres, faire des transitions adroites qui ne minent pas la continuité du récit. Et le son fait partie de ce film bruyant qui fracasse tout sur son passage – un accident de parcours dans un chemin de campagne habité demeure l’un des moments les plus insoutenables du film.
La piste emportée de la vie, celle des courses, celle existentielle, la personnelle aussi bien que la collective, tout cela intégré dans un même film qui peut donner le vertige, mais qui, malgré les quelques failles relatives à la mise en place d’une certaine italianité, réussit tout de même à susciter un certain engouement.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Michael Mann
Scénario
Troy Kennedy.
D’après le livre de Brock Yates,
Enzo Ferrari : The Man, The Cars,
The Races, The Machine
Direction photo
Erik Messerschmidt
Montage
Pietro Scalia
Musique
Daniel Pemberton
Genre
Drame biographique
Origines
États-Unis / Italie
Grande-Bretagne / Chine
Année : 2023 – Durée : 2 h 11 min
Langue
V.o. : anglais / Version française
Ferrari
Dist. [ Contact ] @
Entract Films
[ Elevation Pictures ]
Diffusion @
Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]