Festival International
du Film sur l’Art 2025
ÉVÈNEMENT
[ Cinéma ]
Luc Chaput
De la multiple
beauté des mondes
Dans une section du Louvre, un artiste autochtone costumé danse en recherchant une sculpture de son peuple, la trouve et lui rend hommage. C’est dans cette relation entre lieux éloignés et arts diversifiés que le 43e FIFA de Montréal nous a proposé une relecture de notre monde.
Chuna McIntyre est un membre de la nation Yup’ik de l’Alaska. Dans So Surreal, Behind the Masks, il prend part à la recherche de masques et autres objets d’arts de ces peuples qui ont été subtilisés puis vendus et qui ont été reconnus comme sources de beauté et de réflexion critique par les surréalistes. Le long métrage de Neil Diamond et Joanne Robertson nous convie à une visite chez ces nations de l’extrême ouest de l’Amérique du Nord pour comprendre le lien primordial de passeur de rêves que ces objets occupaient dans leurs sociétés et dans certaines cérémonies fondatrices. Les voyages ont dans leurs parties new-yorkaises et parisiennes un air de déjà vu qu’atténuent les réactions de ces créateurs en face de ces monuments retrouvés. Ce cours ludique dans sa manière, sur un pan peu connu d’histoire de l’art, s’est mérité la mention du Meilleur film canadien.
Les reprises de possession dans un musée par l’activiste africain Mwazulu Diyabanza ont une portée plus spectaculaire que les actions dans Surreal mais elles sont intégrées par le réalisateur néerlandais Festus Toll de The Story of Ne Kuko dans une explication de l’importance comme instrument de pouvoir de cette statue bardée de clous pour ce mini-royaume de la région de Boma dans l’est du Congo-Kinshasa encore dévastée en ce moment par des guerres pour le contrôle de minéraux rares. L’emploi judicieux d’archives assoit les témoignages des contemporains. Ce court s’est mérité le Prix international devant la performance très motivée du danseur sud-africain Gregory Maqoma dans la Maison des Esclaves de Gorée au Sénégal que captent avec finesse les réalisatrices américaines Suzanne Smith et Sylvia Solf.
Le festival s’était ouvert avec la présentation de Michel Gondry, Do It Yourself de son ami et ancien assistant François Nemeta. Ce parcours personnel et truffé de moments plus intimes sur les souvenirs douloureux du cinéaste a reçu le prix du Meilleur portrait. L’étendue des productions visuelles de ce cinéaste était dénombrée avec alacrité mais un hommage un peu plus grand au grand-père inventeur Constant Martin eut été souhaitable.
L’importance grandissante des filouteries sur Internet trouvait un exemple étonnant dans The Tirana Conspiracy du réalisateur italien Manfredi Lucibello. La fin du régime communiste en Albanie, les attentats du 11 septembre et les recherches effrénées pour trouver le prochain Basquiat ou Banksy constituaient les fils d’une histoire dans lequel un artiste-blagueur aux multiples avatars dévoilait avec des instruments informatiques simples la vanité de certains pans du commerce de l’art contemporain. Le ton ironique employé par le cinéaste et les mises en abyme ont permis à ce documentaire de remporter avec raison le Prix du jury.
Une jeune cinéaste réussit à s’immiscer dans le cercle fermé et clandestin des fabricants d’immenses montgolfières en papier qui sont une forme d’art public dans les grandes villes du Brésil. Certains se méfient de l’accès de cette étrangère à leur milieu et la voient comme une auxiliaire cachée des autorités. Pour sa captation de longue haleine d’images à la fois de l’élaboration, de la construction du lancement et de la chute de ces œuvres éphémères, pour ses entrevues in situ de participants, pour son intégration habile des émissions télé, Balomania de la Danoise Sissel Morell-Dargis, que j’avais vu en ligne lors du festival de Nyon l’an dernier, s’est vu décerner judicieusement le Grand prix de cette année. Il rejoint ainsi les lauréats des années précédentes qui reconnaissaient l’accord entre les arts classiques et leurs formes plus populaires.
Nous reviendrons, lors de leurs sorties prochaines ou plus distantes, sur L’avenir d’Emmanuel Schwartz, récipiendaire du Prix du film canadien, Le temps de François Delisle, R. Roussil, le cul par terre de Maxime-Claude L’Écuyer et Soundtrack To a Coup d’État de Johan Grimonprez qui était en nomination pour l’Oscar du meilleur documentaire.