Festival international du film sur l’art.
41e édition – 2023 [01]
ÉVÈNEMENT.
[ Festival ]
texte
Luc CHAPUT
Regards
sur
des
mondes
multiples
Dans une salle de répétition aux Pays-Bas, une troupe est réunie et un conflit de personnalité est apparent entre une grande actrice et une autre plus rondelette. Les confrères et consœurs tentent de réduire l’affrontement. Peu de temps après, les interprètes sont habillés comme à la fin du 18e siècle. La mise en scène s’inspire alors d’une estampe de 1789 en France et l’affrontement entre l’ouvrière membre d’un groupe de manifestants et la duchesse contient également cette inimitié. C’est avec ce long métrage, Inside My Heart (Het zit in mijn hart) de Saskia Boddeke que s’est ouvert récemment le 41e Festival international du film sur l’art, manifestation montréalaise reconnue mondialement dans ce domaine. La troupe Kanak emplie des acteurs atteints à des degrés divers de déficience intellectuelle. Son directeur artistique Oscar Wagenmans a écrit Furia, représentation de la vie d’une aristocrate de ce prénom, de sa famille et de ses serviteurs. La réalisatrice Boddeke a capté ainsi des moments de répétition dans une salle et les associe par un montage vif à des épisodes de tournage de la pièce dans un studio audiovisuel situé à la campagne. La version en costumes a des ressemblances avec certaines œuvres de Peter Greenaway. Cette immersion dans le travail de ce groupe nous offre une multitude de réactions à fleur de peau et de réflexions imagées qui émanent de ces acteurs dans leurs parcours de construction d’un spectacle et des moments de profonde vérité qu’ils insufflent à leurs personnages.
Une Montréalaise enquête sur le contenu d’une boîte de souvenirs familiaux. Des photos anciennes et des missives de plus d’un siècle d’existence constituent la rampe de lancement de ce long métrage produit par l’ONF d’Oana Suteu Khintirian Au-delà du papier sur le passage de notre monde d’une culture inscrite dans ces feuilles minces à une dans laquelle le numérique prend toute la place.
Une visite dans la ville aux bibliothèques ensablées de Chinguetti en Mauritanie la met en contact avec des érudits héritiers d’un savoir millénaire inscrit dans des livres manuscrits qu’ils tentent de sauver des termites par des subventions patrimoniales et un programme de numérisation. La quête de la réalisatrice est à la fois personnelle amenant d’autres membres de sa famille si loin ou si proche à comprendre les ramifications de ces documents familiaux avec l’histoire de l’empire turc et récente de la Roumanie. Un hommage soutenu aux bibliothèques et librairies se conjugue dans ce périple filmé avec talent par Étienne Roussy avec des pertinentes réflexions de Brewster Kahle, fondateur d’Internet Archive, et de l’universitaire Sha Xin Wei sur le travail prométhéen inhérent à ces nouvelles technologies.
En janvier 2019, est présentée à Paris avec succès la pièce Charlotte de Muriel Collin évoquant la vie de Charlotte Salomon à partir entre autres du roman primé éponyme de David Foenkinos. La pandémie en arrête la diffusion. Muriel et sa sœur Delphine décident donc de mettre en images à partir de son œuvre la vie de cette artiste berlinoise qui raconta sa vie en partie dans plus de 1200 gouaches qui dialoguent avec un texte dense et auxquels des notations musicales précises amplifient cette chronique à la fois personnelle et ancrée dans l’histoire de la montée du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale. Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie bénéficie de l’implication vocale de Vicky Krieps, de Mathieu Amalric, d’Hanna Schygulla et de la narratrice Nathalie Richard qui avait participé à la création de la pièce. La caméra zoome sur certains détails des peintures pendant que le texte porté par ces voix nous remplit d’émotions diverses et contradictoires. L’adjonction d’archives photographiques et filmiques complète les liens avec un passé plus proche. Cette recréation de l’existence d’une artiste trop tôt disparue dans cette approche documentaire est grandement supérieure au film d’animation Charlotte sorti l’an dernier.
L’offre de plus de deux cents films de longueur et de nature diverses, mise en forme par Philippe U. del Drago le directeur artistique du festival, permettra ainsi à de nombreux spectateurs en salle ou en ligne de faire des découvertes tout au long de l’année.
[ Deuxième partie : ici. ]