Festival International du
Film Francophone de Namur
ÉVÉNEMENT
[ FIFF 2021 ]
texte
Luc Chaput
Début octobre, a eu lieu la 36e édition du FIFF dans la ville belge de Namur, en Wallonie. Ce festival a lancé la carrière internationale de nombreux films issus des pays de la francophonie (J’ai tué ma mère de Xavier Dolan, Les tombeaux sans noms de Rithy Panh, Pupille de Jeanne Herry et Kuessipan de Myriam Verreault). Nous avons pu y assister en ligne alors que les activités étaient à peu près normales pendant la manifestation.
Aperçus d’une
humanité diversifiée
L‘accès aux films pour les médias et l’industrie passait par le site Festival Scope. Les sous-titres étaient, pour plusieurs productions, en anglais. J’ai donc dû, par exemple, regarder un film roumain en partie coproduit par la France avec des sous-titres anglophones. Ce fait est pour le moins incongru pour un festival francophone. Des plateformes comme YouTube donnent par le biais du bouton CC (closed captioning) l’option de choisir la langue des sous-titres. Cela pourrait être une solution.
Le récipiendaire du Bayard d’Or fut La mif (signifiant La famille) du réalisateur suisse Frédéric Baillif. Celui-ci renouvelle en partie le long métrage d’intervention sociale par son montage éclaté qui revient sur plusieurs des pensionnaires de cette institution. Ces jeunes femmes, ballottées par la vie, considèrent ce lieu comme leur véritable famille (d’où le titre en verlan). La musique de Jean-Sébastien Bach ponctue les changements de perspectives. Le scénario a d’ailleurs été écrit en collaboration avec les participantes et des parcours dont celui de la directrice se découvrent ainsi petit à petit dans ce kaléidoscope Informatif.
L’ancrage dans une réalité donnée était aussi le moteur d’Aya de Simon Coulibaly Gillard. Les changements climatiques et la montée des eaux bouleversent la vie des habitants de l’île de Lahou en Côte d’Ivoire. Marie-Josuée Kokora s’est mérité le Prix d’interprétation pour ce rôle-titre, l’adolescente qui doit quitter avec sa mère le village qu’elle a toujours connu et dont le cimetière est sapé par les eaux. Le réalisateur-scénariste, issu du documentaire, mène avec dextérité sa très petite équipe pour décrire la vie de ces gens de langue avikam, dont plusieurs iront ainsi se fondre dans la conurbation d’Abidjan.
Un couple en processus de séparation, une femme accusée par la justice d’adultère, un fils qui se révolte, ces éléments à la trame mélodramatique sont traités en mode du film noir par le réalisateur tunisien Mehdi Hmili. Streams (dont le titre arabe, Atyafouan, signifie spectres) est une critique acerbe de la situation économique et sociale de ce pays méditerranéen où les espoirs de la Révolution du Jasmin en 2011 n’ont pas porté beaucoup de fruits. La description des bas-fonds de Tunis étonne par sa crue vérité. Elle est menée avec art par Hmili, appuyé par l’actrice Afef Ben Mahmoud (Making Of), la chanteuse Zaza et le nouveau venu Iheb Bouyahya complétement investis dans cette aventure.
Sur une route secondaire des Carpathes, un vieil homme perdu est ramassé par des travailleurs humanitaires qui viennent porter des vivres dans ces communautés reculées. La noirceur et l’hiver colorent rapidement ce voyage, source de découvertes de soi et des autres. La mise en scène de Radu Muntean, fabriquant avec peu des moments anxiogènes, élargit ainsi le propos des incompréhensions entre ville et campagne d’Întregalde dans un discours à portée universelle.
La photographie de Mathieu Laverdière pour Souterrain a été reconnue par un jury qui a aussi décerné une mention méritée à Théodore Pellerin pour son rôle dans ce même film. Les restrictions de la plateforme ne m’ont pas permis de regarder Les intranquillles de Samuel Lafosse ou Mon légionnaire, de Rachel Lang qui, de toute façon, devraient orner les écrans canadiens dans cette prochaine année.