Festival international
Présence autochtone 2024

ÉVÈNEMENT
Cinéma ]

texte Luc Chaput

Le réel et la fiction

Un vieil homme et une adolescente prient devant une stèle dans les Andes péruviennes. Inscrite splendidement dans un temps et un lieu spécifiques, cette œuvre du volet cinéma de ce festival aux multiples sections en montrait déjà la richesse.

Le réalisateur Óscar Catacora était déjà reconnu pour son film précédent Wiñaypacha (en anglais, Eternity). Avec Yana-Wara, il atteint une plus grande maîtrise. Yana-Wara, encore bébé, avait perdu sa mère et fut élevée par son grand-père Evaristo dans son hameau perdu où ils élèvent des moutons. Un drame se produit et une enquête menée par le village  permet de revenir sur les faits. La caméra cadrée en 4:3 place le spectateur comme membre du jury qui écoute les témoignages présentés en flash-back dans un remarquable noir et blanc. À partir de ce cas d’espèce, les deux réalisateurs Tito, l’oncle également producteur, et Oscar mettent à plat les conditions des jeunes filles, la place des pratiques shamaniques et l’importance des structures de groupe dans ces communautés quechua suscitant une forte interprétation de la part d’une troupe d’acteurs en partie amateurs. Ce long métrage d’un réalisateur mort pendant le tournage et dont le film a été terminé par son oncle rappelle par certains aspects les grandes œuvres de Jorge Sanjines.

Yana-Wara

En ouverture, Yintah de Jennifer Wickham, Brenda Michell et Michael Toledano nous plaçait au cœur de la lutte des Wet’suwet’ens pour faire reconnaître leurs droits. Une des réalisatrices (Michell) est une parente d’une des protagonistes principales. La collecte des données depuis 2011 donne à ce documentaire une ampleur inégalée déroulant les confrontations verbales et plus physiques entre ces autochtones et leurs alliés avec des policiers ou des représentants des compagnies qui veulent avoir emprise sur ces territoires ancestraux dans ce corridor entre l’Alberta et l’océan Pacifique. La structure communautaire de production du film est reflétée dans la multiplicité des points de vue survolant les paysages, allant à la rencontre de personnes vaquant à des activités familiales dans ces forêts, rivières et lacs qui sont la Terre (en langue autochtone,Yintah) de cette nation amérindienne de la Colombie-Britannique. Pour cette implication dans une lutte devenue plus importante dans cette ère de changements climatiques, ce documentaire d’opinion méritait indubitablement les prix qu’il a remportés lors du récent Hot Docs.

Yintah

De l’Océanie, Still We Rise est une présentation d’un moment fondateur du mouvement aborigène australien. Le  26 janvier 1972, fête nationale du pays, des activistes plantent un grand parasol de plage dans le gazon devant le parlement à Canberra et inaugurent ainsi l’Ambassade autochtone dans ce sous-continent dans lequel les droits de ces premiers peuples étaient encore plus bafoués. Cette manifestation originale comparable à un sit-in est rapidement réprimée mais suscite une prise de conscience dans la population de ce pays du Commonwealth. John Walker, dans ce moyen métrage de la télévision publique australienne, en plus des témoignages de plusieurs participants et de nombreuses images d’archives dont des débats télévisés, inclut également des extraits d’une émission satirique de cette télé dans laquelle des acteurs aborigènes apportent quelques grains de sel bienvenus. Il délimite ainsi le chemin parcouru et ouvre de nouvelles pistes.

Frybread Face and  Me constitue le regard amusé du réalisateur Billy Luther, auparavant documentariste, sur un été passé dans le désert auprès de sa grand-mère, éleveuse de moutons et tisseuse de très beaux tapis. La transmission de valeurs ancestrales, l’appel à la diversité et l’importance du premier rire d’un bébé constituent des points d’ancrage de ce retour ironique et nostalgique qui déroule avec doigté son petit bonheur.

Frybread Face and Me

The New Boy, œuvre également autobiographique de l’Australien Warwick Thornton (Samson and Delilah) sera le film de clôture de ces festivités. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors d’une sortie ultérieure probable, étape subséquente à ce festival qui est devenu encore plus un moment nécessaire du rayonnement de ces cultures des Premières nations trop longtemps marginalisées.

The New Boy