Festival Plein(s) Écran(s)
ÉVÈNEMENT
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texte
Luc Chaput
La dernière année nous a apporté en plus de la pandémie de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux et sur leur faculté à amplifier par des algorithmes certains mouvements. Depuis cinq ans, un festival emploie Facebook pour faire connaître plus aisément le court métrage québécois. Après une inscription très facile, les organisateurs de cette manifestation Facebook @pleinsecrans proposent quotidiennement jusqu’au 25 janvier, pour 24 heures, quatre courts de différents types et formats. Le spectateur les relaie ensuite à ses connaissances selon son bon vouloir.
Quand Facebook nous
amène directement à des films
Une adolescente accomplit des tâches ménagères dans le petit appartement d’un homme âgé. Agnès échange avec son père puis se rend pour quelques jours dans un chalet retiré. Le scénario de la réalisatrice Marianne Métivier pour Celle qui porte la pluie est plein de zones d’ombres au propre comme au figuré mais certaines pistes se dévoilent comme des similitudes entre un porc-sculpture dans l’appartement et un autre furetant dans la forêt. Une voisine asiatique donne des conseils sibyllins et se prénomme d’ailleurs Tao (chemin) et cette escapade permet à la jeune fille de se ressourcer et au spectateur de participer à cette brève rencontre avec quelques personnes.
Un piano droit est placé en évidence sur le gazon d’une maison de banlieue. Des passants le regardent, le touchent et s’enquièrent du coût. Une belle journée de fin de semaine captée avec art participe au charme de cette historiette sur un concours inusité par lequel un veuf veut rendre un ultime hommage à sa Madame Mollard. Le comédien Jean–Pierre Chartrand, peu vu dans les dernières années, apporte une rigueur enjouée à ce personnage de mari éploré, centre de cette œuvre de Gabriel Vilandré.
Une femme de ménage travaille la nuit dans une grande polyvalente du centre-sud de Montréal. Carmen Rachiteanu filme Jo conduisant assise sa grosse nettoyeuse parmi les couloirs de cet établissement et recueille ses réflexions sur sa vie passée et présente, ses regrets et ses espoirs. Ce portrait empathique d’une femme presque anonyme par ailleurs se retrouve dans ce festival très près par ordre alphabétique de King Lajoie dans lequel Joanie Lafrenière nous présente l’univers d’un chanteur de charme de la région de Trois-Rivières mu par son attachement inné et fortement assumé à Elvis Presley, source de sa gloire parallèle continuelle.
La programmation France comprend bien entendu le film d’animation du moment Empty Places de Geoffroy de Crécy. Des objets continuent à travailler, à être et à paraître même alors qu’aucune présence humaine ne les côtoie ou ne les meut. Vision à peine décalée d’un aujourd’hui désarçonnant, ce court revient dans nos souvenirs lorsque nous employons certaines de ces machines. Dans le sous-genre des compilations, la cinéaste Gabrielle Stemmer, accumulant de nombreux vidéos d’épouses, de conjointes ou de femmes seules se filmant nettoyant leurs intérieurs déjà proprets nous en renvoie, avec Clean With Me (After Dark), un constat assez désorientant sur ce monde dans lequel partager au plus grand nombre notre banal quotidien devient une source aguicheuse de célébrité.
Des sections « Insomniaques » et « Impressions » nous convient à des plats plus inusités alors que la Carte blanche à l’ONF nous rappelle que de nombreux cinéastes célèbres ont déjà employé le format court pour se faire connaître ou pour tenter des expériences. André Leduc accouple en Zea, la grandeur de la musique de type classique à l’exploration minimaliste d’un phénomène naturel.
Lors de la réouverture des salles, certains de ces films seront présentés en ouverture de programme avant un long métrage auquel il est relié par des atomes possibles. Ainsi se poursuivra la continuelle découverte de nouveaux talents qui prendront, en ce 125e anniversaire du cinéma, leurs places à côté des artistes de l’image en mouvement déjà établis.
ET POUR VOTRE AGRÉMENT, ZEA, D’ANDRÉ LEDUC…