Fleuve
Critique
SCÈNE
Élie Castiel
★★★★
ACTE DE CONTRITION
Un texte, ou plutôt des textes, à résonnance autobiographique. Ces écrits qui racontent ou encore mieux se limitent à des parcelles, des fragments de vie choisis. Ces moments qui font mal, qui font souffrir, mais qu’on arrive tout de même à amadouer.
Sylvie Drapeau, c’est d’abord la remarquable comédienne. Et il n’est pas surprenant qu’elle se donne le rôle de la Femme, la porte-parole qui conduira la Petite et la Jeune Femme à se métamorphoser. Par les mots qui indiquent le geste, par la parole qui anoblit et faire réagir. Par sentir le poids de ce « fleuve », ce Saint-Laurent si cher au Québec malgré parfois ses débordements et qui une fois s’approchant de la Côte-Nord, l’onde ressemble à celle de la mer car on peut à peine voir l’horizon. Et dans cette vaste étendue d’eau salée, surgissent aussi des tragédies.
Avant tout, Fleuve est un récit biographique, l’histoire d’une famille ayant vécu des drames. Comme toutes les familles. C’est aussi le Québec, l’identité qui se fabrique malgré les faux-pas, les failles, ce qui émeut, ce qui enrage, ce qui en fin de compte, rassemble. Une histoire de défaites, de petites victoires, de promesses non tenues. D’hommes qui ne parlent pas et préfèrent le geste; de femmes qui s’expriment, mais qu’on n’écoute pas; d’une mère qui se soucie de sa fille et qui lui parle par téléphone, fière d’une recette de cuisine bien préparé. C’est banal, mais entre les mains de Sylvie Drapeau, de la pure poésie. Jusqu’à toucher notre cœur.
Oui, Fleuve, c’est l’histoire d’un Québec candide, d’un Québec loin du cynisme, du je-m’en-foutisme, de l’égocentrisme et de l’indifférence d’aujourd’hui. Fleuve, c’est le rappel, sans le montrer, d’un Québec mondialisé. Mais c’est aussi le trajet d’une jeune fille, devenue jeune femme et puis femme, enfin comédienne. Un cri de cœur, l’amorce d’une nouveau dialogue, d’une façon de faire. Surtout du luxe de se prendre en main.
Et cette finale qu’on ne dévoilera pas. Unité de lieu, unité de temps. Ou mieux encore, métaphore éblouissante de l’intemporalité dans tout acte de contrition, non pas de celle construite de remords et de regrets, mais au contraire, bâtie par les pierres solides d’un Humanisme libérateur.
C’est aussi le pouvoir immense de la mise en scène, ce terrain parfois glissant que seuls les plus grands peuvent contenir. Angela Konrad, fondatrice de la compagnie La Fabrik, signe une mise en scène au diapason des mots, de la parole poétique, à la fois férocement élégiaque et sensuelle. Des projections vidéo d’une sensibilité hallucinante. Un espace scénique débordant de vitalité, permettant à ce chœur de femmes (dont la plupart des jeunes) et du seul garçon d’exprimer leur amour d’être. Oui, la mise en scène de Konrad ressemble à une tragédie grecque où il serait permis d’en extraire les éléments les plus proches de la vie, de l’amour de la vie. Et cette finale qu’on ne dévoilera pas. Unité de lieu, unité de temps. Ou mieux encore, métaphore éblouissante de l’intemporalité dans tout acte de contrition, non pas de celle construite de remords et de regrets, mais au contraire, bâtie par les pierres solides d’un Humanisme libérateur.
ÉQUIPE DE CRÉATION
Texte & Adaptation
Sylvie Drapeau
Assistance à la mise en scène
Stéphanie Capistran-Lalonde
Conseillère dramaturgique
Angela Konrad
Mise en scène
Angela Konrad
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Distribution
Sylvie Drapeau, Karelle Tremblay
Et en alternance…
Alice Bouchard, Marion Vigneault
Et aussi…
Samuël Côté, Patricia Houle
Théo Macameau, Jeanne Madore
Alex-Aimée Martel, Rosalie Payotte
Edward Sheridan Moras
Décors
Anick La Bisonnière
Costumes
Angela Konrad
Pierre-Guy Lapointe
Éclairages
Sonoyo Nishikawa
Concept vidéo
Thomas Payette, Antonin Gougeon
[ Moisan / HUB Studio ]
Musique & Concept sonore
Simon Gauthier
Production
Théâtre du Nouveau Monde
Avec la participation de La Fabrik
Durée
1 h 40
(Sans entracte)
Représentations
Jusqu’au 7 décembre 2019
TNM
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]
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