Francine Laurendeau
< 1939-2025 >

un Hommage
de Pierre Pageau

 

La Francine Laurendeau que j’ai connue

Radiowoman à Radio Centre-Ville

 

J’ai d’abord connu le nom de Francine Laurendeau (années 60-70) alors que, bon étudiant au collège classique, je lisais ses textes sur le cinéma dans Le Devoir. Je croyais savoir qu’elle était la fille d’André Laurendeau, sans plus.

Je pourrais témoigner d’anecdotes générales, comme je l’ai fait dans l’ouvrage de Stéphane Lépine. Mais je voudrais ces jours-ci évoquer des éléments encore plus personnels. Ainsi le goût de Francine pour la baignade. Je lui avais parlé de mon chalet où je pouvais faire aussi bien de gros feux de camp (bivouac pour les amis scouts) ainsi que des baignades avec une plage de sable unique et une rivière presque parfaite (La Diable). Mais cela ne s’est pas concrétisé. Cependant un jour que je lui parlais, elle me dit qu’elle va se baigner dans la piscine de son nouveau logement (chemin de la Côte Sainte-Catherine) ; je suis prêt à parier que c’est elle qui a demandé à son amoureux Jean-Claude Labrecque de louer à cet endroit pour précisément avoir accès à une piscine. Bref, je dis à Francine : « Attends-moi j’arrive ». Et je me suis bien retrouvé avec elle dans la piscine de son logement. J’ai pu constater que Francine est une super nageuse ; elle a fait plein de longueurs. Je dirais même qu’elle m’est apparue comme athlétique.

CANNES : Lorsque je suis étudiant et que je lis Francine dans Le Devoir je suis particulièrement fasciné par ses comptes rendus du Festival de Cannes. Il y a tellement de grands cinéastes, de grands films. Je suis comme un peu jaloux d’elle. Bien plus tard nous sommes à Radio Centre-ville et c’est moi qui suis à Cannes. Lorsque je téléphone à Montréal pour faire mon compte-rendu, c’est toujours Francine qui me reçoit et me questionne. Elle trouve même la musique thème (de Saint-Saëns de l’ouverture des films en compétition officielle). Et alors, je sens que c’est un peu comme elle qui est jalouse; elle aimerait encore y être. Inutile de dire à quel point les questions de Francine sont rigoureuses, précises, bien informées. (J’ai retrouvé récemment sur le site de notre émission Derrière l’image, à de Radio Centre-ville une entrevue de Francine avec moi pour parler de mon séjour à Cannes.

Mon histoire concrète avec Francine débute le jour je reçois un téléphone de Francine qui me demandait si je voulais bien participer à son émission sur le cinéma (à Radio-Canada). Si mon souvenir est juste elle voulait que nous parlions de la revue de cinéma Séquences. Elle m’a invité une seconde fois, je crois pour parler du cinéma québécois en général. Mais cette fois-ci (la seconde donc) moi-même j’avais entrepris un travail de chroniqueur sur le cinéma à une radio communautaire : l’émission Derrière l’Image, à Radio Centre-Ville 102,3 FM – on identifie parfois le poste avec le CINQ FM. En étant son invité j’ai pu mieux évaluer son travail de radiowoman, et j’ai bien vu comment elle était bien préparée, rigoureuse.

De telle sorte que, quelques années plus tard, alors que la fondatrice de notre émission de radio, Françoise Wera, nous annonçait à Guy Ménard (mon collègue) et à moi qu’elle voulait se retirer, il fallait trouver quelqu’un pour la remplacer. J’ai alors proposé à Guy de la remplacer par une femme, et que celle-ci devrait être Francine Laurendeau. Je savais que Francine venait d’être remercié par Radio-Canada. Chose certaine il était évident pour moi que nous venions d’acquérir un « as » de la radio, une personne compétente, et passionnée.

Pour moi, je dois dire que Francine fut en quelque sorte un(e) mentor. J’avais plongé dans le monde de la radio sans réelle préparation. J’ai vu alors Francine arriver à l’émission, à toutes les fois, avec des pages entières de notes sur les invités ; aussi bien des biographies que des filmographies. Elle pouvait, souvent, mais pas toujours, débuter en présentant notre invité à partir ces notes. Francine possédait une très belle voix et une super bonne élocution (toutes les syllabes y étaient). J’ai souvent remarqué que Francine avait une question qu’elle reprenait systématiquement avec presque tous nos invités. Cette question portait sur le travail de collaboration entre le chef opérateur et le réalisateur : comme « Que demandez-vous à votre caméraman ? ». Bien sûr, il faut savoir que son auditeur préféré était certainement son amoureux Jean-Claude Labrecque et que cette question pouvait lui plaire. À de très nombreuses reprises, à la fin de l’émission, j’allais reconduire Francine chez elle, rue Villeneuve. Parfois j’arrêtais et je me souviens que Jean-Claude pouvait toujours évoquer l’entrevue de Francine. Lorsqu’ils habitent sur la rue Villeneuve, Jean-Claude peut capter le poste facilement, mais lorsque le couple va déménager sur Côte Sainte-Catherine, Jean-Claude se plaint souvent qu’il ne capte pas facilement le poste.

En terminant je ne peux m’empêcher de souligner l’existence d’un texte très beau sur les derniers jours de Francine dans un CHSLD. Je dois dire que je connais l’existence de ce texte grâce à Luc Chaput, critique de cinéma. Le texte est celui d’un infirmier qui a pu lui parler alors qu’elle séjournait dans ce centre : il s’agit de « Francine Laurendeau : La dame de la deuxième chambre », écrit par Jean Bourbeau et publié dans la revue Urbania. Il faut lire ce texte.

J’ai le souvenir qu’un jour, lors d’un FFM, on nous propose une entrevue avec Margarethe Von Trotta ; je crois que c’était pour le film La promesse (1995). Francine insiste et demande de faire l’entrevue. Elle nous dit qu’elle a déjà fait d’entrevues avec elle (à Radio-Canada) et qu’ils ont eu de bons rapports. Encore ici la culture générale, et spécialisée (en cinéma) allait servir Francine. Pour Guy et moi le plus important c’est la qualité du travail et nous sommes bien conscients, convaincus, qu’avec Francine ce travail sera bien fait. Je me souviens d’une entrevue d’une heure (durée de notre émission) avec Anne-Claire Poirier, superbe. Malheureusement, il semble que nous n’ayons plus cette entrevue. Nous possédons cependant encore celle qu’elle fait en juillet 2014 avec Gilbert Sicotte. On peut la retrouver avec cette adresse (et je dois un merci à notre technicien Maxime Duquette) :

Francine aura été avec nous de 2003 (environ) jusqu’en 2015. Mais, les dernières années furent difficiles pour elle. En effet, notre studio était au troisième étage et Francine se déplaçait de plus en plus lentement, le dos courbé. Mais, elle tenait tellement à venir faire ses émissions. Jusqu’à la fin, elle est venue toutes les semaines pour accomplir son travail consciencieusement.

En terminant je ne peux m’empêcher de souligner l’existence d’un texte très beau sur les derniers jours de Francine dans un CHSLD. Je dois dire que je connais l’existence de ce texte grâce à Luc Chaput, critique de cinéma. Le texte est celui d’un infirmier qui a pu lui parler alors qu’elle séjournait dans ce centre : il s’agit de « Francine Laurendeau : La dame de la deuxième chambre », écrit par Jean Bourbeau et publié dans la revue Urbania. Il faut lire ce texte.

Photo prises dans notre grand studio de Radio Centre-ville. Francine est encore une fois bien penchée sur ses notes. Crédit : Radio Centre-ville (CINQ FM)

PS : Il y aura une rencontre au Centre funéraire Urgel Bourgie, mercredi le 11 juin, de 17 h à 21 h.