Half Brother
PRIMEUR
Sortie
Mardi 15 juin 2021
SUCCINCTEMENT.
Sandra, 16 ans, n’a pas de nouvelles de sa mère, absente depuis quelques jours. Elle cherche son demi-frère Jorge. Homosexuel, il a filmé une agression homophobe qui le met en danger.
CRITIQUE.
[ Sphères LGBT ]
★★★ ½
texte
Élie Castiel
Saudade
En français, saudade, ce mot portugais, magique, sensuel, mélancolique, veut dire « désir », non pas celui de la chair, mais celui ayant à voir avec l’identité, sa propre, sa place dans le monde, et plus particulièrement ce souhait d’appartenance dans l’endroit où l’on existe ou du moins on tente d’exister. Un quartier de São Paulo rarement vu au cinéma, notamment par ceux qui n’ont pas l’habitude de voir cette ville à l’écran. On s’en rend compte pas les grandes habitations, les rues, les endroits visités, les maisons particulières, hors de tout effet touristique. Un quartier inusité, paralysé dans le temps. Bref, un aperçu territorial qui concourt à un récit sur la solitude, le désarroi, l’identité bousculé. Chez Eliane Coster, signataire de quelques courts, propose ici un premier long métrage, commencé en 2016 et n’ayant pris l’affiche qu’en 2020. Breaking Glass Pictures, spécialiste américain des films de nouveaux auteurs, dont une grande partie en provenance de l’Amérique latine, le sort ces jours-ci en plateforme numérique.
Chez Coster, un but ultime, celui de traduire en images une nouvelle réalité brésilienne qu’elle semble comprendre aisément par son intérêt pour les nouvelles générations. L’absence causé par le départ d’une mère qui ne donne pas signe de vie est sans doute l’aspect le plus important de cette histoire fragile, désemparée, se prêtant à plusieurs concours de circonstances, mais que la réalisatrice traite avec une distanciation quasi cynique, voire même d’un point de vue narratif, exemplaire.

Une affection frère-sœur qui pourrait s’exprimer par le non-dit.
Pour Sandra, personnage principal féminin, magiquement incarné par Natália Molina, c’est aussi construire un rôle adapté justement à cette jeunesse milléniale qui ne laisse pas nécessairement transparaître ses émotions si ce n’est qu’à coup d’échappatoires, de comportements fugitifs, de cynisme candide, d’une froideur même, presque clinique, mais qui cache dans le même temps mille et une variations affectives prisonnières du non-dit. Comme dans la séquence où, à la morgue, Sandra doit reconnaître ou pas le corps de sa mère.
Parler de relations sexuelles pour ces jeunes, comme tous les jeunes du monde d’ailleurs, mais plus librement au Brésil, est affaire courante même si certains et certaines sont encore vierges ou puceaux. Mais aborder le sexe c’est, comme le veut la coutume, quelque chose de normal, le rapprochement des corps devenant ainsi quelque chose de franchissable, de souhaité, pour valider l’identité. Autre séquence au début qui passe inaperçue mais ne l’est pas.
Avec Half Brother, nous sommes devant un objet rare, Le nouveau cinéma brésilien serait-il en voie de créer une « nouvelle vague », cette fois-ci axée sur une vision du monde contemporaine, sans doute suivie globalement un peu partout à travers le monde, loin de toutes tangentes exotiques, illusoires.
Diego Avelino, Jorge dans le film. Un corps magnifique que la caméra de Cleisson Vidal (première incursion dans le long métrage de fiction, après quelques courts et des documentaires) sculpte de façon passagère, mais concrètement. Il s’arrange pour que sa physicalité illumine l’écran, et par le moindre geste, comme enlever un t-shirt pour le remplacer par un nouveau.
Jorge a filmé l’agression homophobe commise à l’encontre d’un de ses meilleurs amis, pour qui il ressent une certaine attirance. Mais il risque gros s’il remet les images aux autorités – vision d’un Brésil où les fascisme ordinaire n’est pas si éloigné de la réalité. Et tout se passe par les chemins du cellulaire.
Car chez Coster, c’est surtout la dynamique d’une nouvelle jeunesse qu’elle filme. Une génération qui souligne sa façon détachée de voir le monde, son désenchantement face à l’absence de figures paternelles ou maternelles. Portrait d’un nouveau Brésil sans doute, toujours fidèle à l’importance que les gens donnent aux sexe, mais également prisonnier d’une société nouvelle qui s’inscrit dans une sorte de (dés)ordre mondial. Comme point d’ancrage, les nouvelles technologies et une obsession pour les téléphones intelligents.
L’une des faiblesses du film est de ne pas avoir assez développé le personnage du père de Jorge, Wilson, absent de toute cette affaire de disparition de l’image, ne pensant qu’à créer sa propre affaire.
Avec Half Brother, nous sommes devant un objet rare, Le nouveau cinéma brésilien serait-il en voie de créer une « nouvelle vague », cette fois-ci axée sur une vision du monde contemporaine, sans doute suivie globalement un peu partout à travers le monde, loin de toutes tangentes exotiques, illusoires. Mais dans le même temps risquant de perdre certains spectateurs, toujours habitués au cinéma des illusions. Particulièrement lorsque le désespoir, malgré son côté réaliste, subversif, s’avère être la principale proposition.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Eliane Coster
Scénario
Eliane Coster
Direction photo
Cleisson Vidal
Montage
Fernando Coster
Musique
Satelite Audio
Son
Alfredo Guerra
Guile Martins
Pedro Noizyman
Genre(s)
Drame
Origine(s)
Brésil
Année : 2018 – Durée : 1 h 38 min
Langue(s)
V.o. : portugais; s.-t.a.
Meio Irmão
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[ Breaking Glass Pictures ]
Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 16 ans
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