Histoires de films

RECENSION
( Cinéma )
Pierre Pageau

★★★★

Comment

mieux

apprécier

nos

classiques

Voilà bien un ouvrage utile. Il peut aider tout spectateur avide de revoir plusieurs des classiques du cinéma et à y voir un peu plus clair. L’ouvrage porte le titre, très générique, de Histoires de films. Le mot, au pluriel, « histoires » se réfère aussi bien au contenu narratif des films qu’à tout ce qui est nécessaire pour mieux évaluer, discuter, un film. L’auteur, François Lévesque, critique de cinéma au journal Le Devoir depuis 2008, a mis tout son talent et des heures de recherches fines pour contextualiser chacun des films. On peut parler d’érudition, mais une érudition qui ne se perd pas dans trop de conjonctures inutiles. Il vise juste. Il connaît bien ses films; c’est la base nécessaire de tout bon texte, de toute bonne analyse d’un film.

C’est, au départ, dans le cadre d’une série de textes (toujours au Devoir) qui portent le nom de : « A posteriori le cinéma » que François Lévesque a entrepris de nous offrir de merveilleux ouvrages. Ce livre contient donc une quarantaine de textes, avec quelques inédits (pour Cabaret ou La vie rêvée, par exemple). De plus, pratiquement, tous les textes sont des versions fortement augmentées. Bref, il y a ici une grande quantité de textes et de la lecture de qualité pour tout cinéphile digne de ce nom.

Il me semble bien important de savoir que François Lévesque est aussi un romancier; j’ai lu quelques-uns de ses romans. Ils sont toujours proche du « film noir », c’est-à-dire pouvant mêler le policier et le fantastique, voire le gore accessoirement. Mais il y ajoute un talent certain de pédagogue. Il sait, comme je l’ai appris dans mon enseignement, qu’il faut aussi un peu d’érudition. Il faut trouver les commentaires qui viennent enrichir notre vision du film. Et, sur ce plan, le travail de Lévesque est exemplaire. C’est un chercheur, un lecteur pointu, qui sait trouver, et bien présenter ce qui est nécessaire pour bien contextualiser un film, surtout un classique. Ceci passe parfois par des anecdotes sur le tournage du film, mais cela vient aussi souvent de commentaires d’analystes et critiques chevronnés, souvent universitaires.

Il avoue d’emblée qu’il a eu un faible pour deux critiques américains fort connus, fort respectés aussi : Pauline Kael et Roger Ebert. Donc, comme lui, deux auteurs qui veulent aider le spectateur néophyte à mieux comprendre et aimer un film. Surtout si cela peut soulever la controverse.

Surtout, comme partout, Lévesque a fait des recherches solides pour étayer ses discussions avec des citations d’ouvrages, souvent universitaires, qui viennent étoffer le propos. Le tout demeure cependant très lisible, limpide.

C’est ainsi que j’ai particulièrement aimé le texte sur A Clockwork Orange (Kubrick, 1971). Ayant présenté ce film à mes élèves j’avais constaté qu’il divisait le groupe littéralement en deux : les garçons adoraient ce film mais les filles, elles, le détestaient (en tout cas ne partageaient pas l’enthousiasme de leurs confrères en classe). Or, François semble avoir perçu, et bien discuté, ce problème. Il trouve des commentaires qui vont dans ce sens, qui approfondissent cette division selon les sexes. Pauline Kael va bien le servir dans cette voie. Elle dira : « Le truc consistait à rendre les victimes moins humaines que leurs agresseurs, afin que vous ne ressentiez aucune sympathie pour elles, est, je pense, symptomatique d’une nouvelle attitude dans les films. ». Le grand critique américain Ebert va parler d’un film « qui va célébrer la méchanceté de son héros ». Pour conclure sur ce débat François Lévesque cite Scott Tobias : « … ce film semble toujours dangereux et vital cinquante ans plus tard : 50 ans et toujours aussi rentre-dedans ».

Ce travail exemplaire François l’a aussi bien appliqué sur plusieurs autres films, comme Cabaret, The Godfather, La vraie nature de Bernadette, E.T et The Thing ; beau parallèle ici qui montre bien que la culture de l’auteur peut comprendre ces deux objets en principe bien distincts. En effet, il ne faut pas être surpris que les films choisis soient, en partie, comme ses récits, ses romans. Il nous entretiendra donc de Blade Runner, Texas Chainsaw Massacre, The Matrix, The Silence of the Lambs, Jurassic Park ou même Suspiria (ici classique italien de Dario Argento et François en parle à l’occasion d’une restauration).

Surtout, comme partout, Lévesque a fait des recherches solides pour étayer ses discussions avec des citations d’ouvrages, souvent universitaires, qui viennent étoffer le propos. Le tout demeure cependant très lisible, limpide.

François Lévesque
Histoires de films
Montréal : Éditions Somme Toute, 2023
305 pages
(sans illustrations)
ISBN : 978-2-9252-9123-7 (2-925-29123-6)
Prix suggéré : 29,95 $

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