Hommage à Ennio Morricone
ÉVÈNEMENT
[ Musique ]
Mario Patry
Entre
originalité
et
humour
Fondé en 2015, l’Orchestre FILMharmonique est le premier orchestre de musique de film au Canada, composé de musiciens canadiens de classe internationale. Chaque année, cet orchestre fameux offre des ciné-concerts qui font salle comble avec Titanic, Amadeus, The Godfather, Star Wars, Harry Potter et d’autres œuvres triées sur le volte. Cette année, le chef d’orchestre Francis Choinière, rend un hommage senti et prestigieux au compositeur légendaire, Ennio Morricone.
Le célèbre maestro a été révélé par son ami Sergio Leone avec Pour une poignée de dollars, et s’est définitivement imposé sur la scène internationale avec Le bon, la brute et le truand – dont la trame sonore est reconnue comme la musique la plus influente de toute l’histoire du cinéma mondial – et surtout Il était une fois dans l’Ouest, dont l’album s’est vendu à plus de dix millions d’exemplaires sur les 70 millions écoulés par le compositeur de son vivant. Morricone a composé plus de 500 trames sonores de 1961 à 2017. Il est né le 10 novembre 1928 à Rome et s’est éteint des suites d’un accident au fémur le 6 juillet 2020 dans la même ville. Sa réputation n’est plus à établir. Il est entré vivant dans la légende du XXe siècle comme le plus important compositeur de musique de film de la seconde moitié de cette période.
Le concert hommage qui lui est dédié débute avec deux plages de Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore, qui marque un tournant dans sa carrière après la perte de Leone, puis deux plages du film The Mission de Roland Joffre, œuvre pour laquelle il a manqué de près l’Oscar de la meilleure musique de film à Hollywood, en 1987… La hautboïste Élise Poulin nous offre une excellente interprétation du thème du hautbois de Gabriel. Le concert enchaîne avec une interprétation toute aussi fidèle de Chi Mai , un des thèmes dans Le professionnel, de Georges Lautner, qui est très émouvant, puis le thème très évocateur de Déborah dans Il était une fois en Amérique.
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Une soirée réussie.
Comme il s’agit jusqu’ici de musique relativement « classique », l’interprétation se veut rigoureusement respectueuse de l’original, c’est-à-dire, de la version album vinyle, audio cd, ou du film. Une légère transition s’opère à partir du thème plus baroque et sauvage du film Le clan des Siciliens d’Henri Verneuil, qui s’avère une belle surprise, car il s’agit d’une trame sonore très prisée auprès des collectionneurs. Cette première partie culmine naturellement avec le thème de Jill, dans Il était une fois dans l’Ouest, avec une grande intensité dramatique, sans toutefois offrir la même qualité tragique que celle de l’album, malheureusement. La soliste soprano Myriam Leblanc, chante du haut d’un balcon à gauche, avec une voix planante et porteuse, presque éthérée, mais peut-être eut-elle été mieux mise en valeur sur la scène, sur le même plancher que l’orchestre. C’est le principal bémol.
Après un entracte de vingt minutes, l’orchestre attaque l’opus magnus de Morricone, avec le thème célébrissime de l’Homme à l’harmonica, interprété par Lévy Bourbonnais, affublé d’un chapeau de cowboy et d’un serape qui est associé au film précédent. L’interprétation se veut un peu plus ad libitum que tout ce qui précède, et la guitare électrique aurait méritée d’être davantage mise en valeur au premier plan sonore, pour les afficionados, mais pourquoi bouder son plaisir ? Comme disait Leone : « Tout se justifie en fonction du résultat! » Mais, était-ce pertinent d’introduire le thème Céleste par François Dompierre, du film de Francis Mankiewicz, Les portes tournantes ? J’estime pourtant Dompierre comme le meilleur compositeur de musique instrumentale au Canada, mais Morricone a composé de nombreuses trames sonores comme Sacco & Vanzetti de Giuliano Montaldo, Novecento de Bernardo Bertolucci, etc., d’une grande valeur musicale, qui mérite encore davantage d’être mise en valeur… surtout dans le cadre d’une soirée hommage.
Évidemment, la transposition de la musique de film, qui est une musique enregistrée, en musique de concert, ne va pas sans certains écueils. Car dans la tradition européenne surtout, le primat de l’instrument sur l’effectif orchestral est de rigueur, et le primat du thème sur le développement symphonique, offre un privilège au corpus américain de l’œuvre du maestro. Mais j’ai vraiment apprécié cet hommage bien senti à Morricone, même si Francis Choinière a choisi souvent l’humour et le risque de l’originalité.
Avec le thème générique (titoli di testa) de Pour une poignée de dollars, l’Orchestre prend ici un véritable pari, un risque des plus hardis, avec les sifflements soutenus et assurés par le percussionniste Matthias Soly-Letarte, qui est accompagné d’un chœur de plus de 30 choristes. C’était, somme toute, assez réussi, même si le siffleur aurait pu obtenir un meilleur son avec le microphone, la qualité y était pourtant. Après une suite orchestrale des plus vives et animées de toute la soirée avec le film The Untouchables de Brian de Palma, le concert culmine, comme à l’époque de Morricone lui-même, par le thème générique du film Le bon, la brute et le truand, et surtout, L’extase de l’or, pour lequel le public réserva un accueil des plus enthousiastes, pour ne pas dire, délirant. Ce qui était bien mérité.
Évidemment, la transposition de la musique de film, qui est une musique enregistrée, en musique de concert, ne va pas sans certains écueils. Car dans la tradition européenne surtout, le primat de l’instrument sur l’effectif orchestral est de rigueur, et le primat du thème sur le développement symphonique, offre un privilège au corpus américain de l’œuvre du maestro. Mais j’ai vraiment apprécié cet hommage bien senti à Morricone, même si Francis Choinière a choisi souvent l’humour et le risque de l’originalité.