Hot Docs 2024
ÉVÉNEMENT
[ Festival ]
Luc Chaput
Du public
et du privé
Dans le château d’Amboise dans les pays de la Loire, un magicien canadien présente un spectacle de prestidigitation rapprochée avec des cartes à jouer. Shawn Farquhar remonte l’histoire de ces jeux de cartes, rencontrant, dans des villes différentes, des experts et des collègues qui exécutent d’autres tours esbroufants. La réalisation de Jon Ornoy est très télévisuelle, proche du travelogue par moments. Le lien avec les querelles dynastiques françaises est intriguant au départ mais s’effiloche. Lost in the Shuffle contient assez d’Informations et de jeux de mains insérés dans un mode amusant pour plaire au téléspectateur. Tel était un des très nombreux documentaires de tous types présentés dans ce festival majeur torontois qui connut de nombreux problèmes d’organisation dans les semaines précédant sa soirée d’ouverture le 25 avril.
Le 200e anniversaire cette année de la création de la 9e symphonie de Beethoven a suscité de multiples événements. Le réalisateur canadien Larry Weinstein trouve un filon intéressant par le biais de la surdité du compositeur et de ses implications contemporaines. Une tournée de l’Orchestre ukrainien et des évocations de Leonard Bernstein propulsent son film dans une mise en scène enlevée. L’attaque du 7 octobre en Israël par un commando du Hamas change la donne de Beethoven’s Nine: Ode to Humanity et le cinéaste participe à compter de ce moment de plus en plus à son projet en tant que protagoniste. Ce détour nécessaire sur le film en train de se faire et l’actualité familiale induit une autre manière de dire et de célébrer ensuite la force du message du compositeur et du poète Schiller pour l’humanité entière.
Une Ougandaise, établie au Danemark où elle a été réfugiée jeune, décide de retourner dans son pays natal à l’occasion de l’anniversaire de l’assassinat d’Imelda, sa mère. Patricia Bbaale Bandak, par son emploi d’une caméra à l’épaule, par ses conversations faussement anodines, par son emploi judicieux de documents familiaux, construit dans Death of a Saint une auscultation émouvante d’une société, de ses secrets et de la transmission de l’histoire. Ce film a remporté à juste titre le Prix du jury de la Compétition internationale.
Les élections qui se déroulent ce mois-ci en Inde, devenue au moins une grande puissance régionale, ont peut-être amené la présentation de longs métrages sur certaines situations. Marching in the Dark est un documentaire de longue haleine du cinéaste Kinshuk Surjan qui, dans l’état du Maharashtra, accompagne Sanjivani dans ses rencontres dans une communauté de soutien entre veuves de pauvres agriculteurs poussés au suicide. Les chiffres sont effarants, au moins 400 000 suicides de fermiers lors des 20 dernières années. Par son approche empathique, le réalisateur rend palpable l’impact des effets de la mondialisation sur l’endettement des ménages. Il rajoute donc un arrière-plan à ces manifestations répétées de ruraux qui font l’objet de reportages sur les divers sites de nouvelles.
Drawing a Line est le profil assez fouillé, par sa compatriote Sama Pana, d‘une caricaturiste de Bangalore Rachita Taneja qui doit déployer des stratagèmes pour critiquer du crayon ou de la plume les plus ou moins puissants qui trouvent en réponse divers astuces pour restreindre la liberté de la presse.
Nous reviendrons lors de leurs sorties dans d’autres festivals ou en salle et assurément sur Okurimono de la québécoise Laurence Lévesque, récipiendaire du Prix de la Cinéaste émergente canadienne et Red Fever des réalisateurs Neil Diamond et Catherine Bainbridge (Reel Injun). Yintah de Jennifer Wickham, Brenda Michell et Michael Toledano fut quant à lui lauréat à la fois du Prix du public pour le film canadien et de celui pour les longs métrages de toutes provenances.
Ce festival nécessaire, après les appréhensions du début, a finalement connu dans sa 31e édition, un très grand succès qui sera, espérons-le, le gage d’un avenir plus assuré.