Je cherche une maison qui vous ressemble
CRITIQUE.
[ scène ]
texte
Élie Castiel
★★★★
Reprise d’une création de 2018, nul doute résultat d’une programmation guidée par les exigences de la pandémie. Mais peu importe, les absents lors de la première mouture de ce spectacle peuvent se reprendre.
Une passion amoureuse au cœur d’une époque marquée par l’émergence constante de l’intelligentsia québécoise, comme au cours de cette inoubliable Nuit de la poésie, dans la salle de théâtre du Gesù, devenue, pour la circonstance, terrain politique. Pour les présentateurs, la prise en main de la parole, des mots, de la politique poétisée, car au Québec, même dans les affaires d’état ou dans les revendications justifiées ou non, tout se fait avec le cœur, passion et parfois même avec une naïveté touchante et jouissivement maladroite.
C’est ce qui distingue la mise en scène de ce spectacle où les noms des personnages sont ceux des comédiens eux-mêmes, formant pour ainsi dire une mise en abyme théâtrale où le jeu se confond à la réalité, archivée bien sûr par cet écran vidéo montrant des documents d’une autre époque; tout bien considéré, après tout, une ère pas si lointaine que ça.
Car lorsque Julien, la grande chanteuse apparaît pour dire les dernières paroles du Temps des vivants, « notre espoir est un oiseau… », les lumières s’éteignent. Le spectacle est fini. Pas de rideau de scène; dans l’espace nu du TDP, avec la moitié de la salle pleine, on revoit tout cela comme si la condition actuelle virale n’existait plus.
Une passion
qui les assemble
Dans ce spectacle fort attrayant, Catherine Allard reste elle-même et se vêt soudain du corps de Pauline Julien avec une transparence bouleversante. Le champ/contre champ avec Simon Landry-Désy, qui réussit quand même, mais pas toujours de manière convaincante, à incarner Gérald Godin, dessine admirablement bien son statut de comédien et laisse aventurer son désir amoureux envers Pauline.
Et du coup, sans qu’on s’y attende, ou du moins consciemment, le couple mythique s’incruste dans les corps des protagonistes en quelque sorte, documentaires, envahissant la mise en scène de Benoît Vermeulen, se l’appropriant pour devenir leur.
Les enjeux d’hier sont repris en les ajustant à ceux d’aujourd’hui. Une chose est certaine. Dans un Québec actuel, l’assimilation, l’intégration de l’autre paraît quasi impossible, ou tous au plus difficile. Disons les choses comme elles sont. Finie cette époque où on externalisait nos sentiments politiques ouvertement. Lê-Huu et Vermeulen se sont intégrés à une québécitude accueillante. Et ça se voit dans la chaleur que procure le spectacle et l’humour bienveillant du texte. C’est du théâtre québécois
Et du coup, sans qu’on s’y attende, ou du moins consciemment, le couple mythique s’incruste dans les corps des protagonistes en quelque sorte, documentaires, envahissant la mise en scène de Benoît Vermeulen, se l’appropriant pour devenir leur.
De nos jours, les nouveaux rebelles sont les artistes, au cinéma, dans la danse, mais surtout au théâtre, véritable sanctuaire de la parole et des interdits. Et dans un sens, à bien y penser, Je cherche une maison qui vous ressemble, titre on ne peut plus élogieux envers le couple d’une époque révolue, demeure la nette conviction que le combat ne cesse d’exister, même si les enjeux et surtout les règles à suivre doivent se départager de toutes armes de radicalisation violente, tout en demeurant néanmoins transgressifs.
Vingt ans après la mort tragique de Pauline Julien (et avant elle, celle de Gérald Godin), la proposition reste irrévocable.
ÉQUIPE PRINCIPALE DE CRÉATION
Texte
Marie-Christine Lê-Huu
Projet
Catherine Allard
Mise en scène
Benoît Vermeulen
Assistance à la Mise en scène
Ariane Lamarre
Montage Vidéo
Julien Blais
Régie
Marie-Frédérique Gravel
Décor
Nathalie Trépanier
Costumes
Estelle Charron
Éclairages
Étienne Boucher
Distribution
Catherine Allard
Simon Landry-Désy
Musiciens
Yves Morin (piano)
Cédric-Lavoie (contrebasse)
Gaël Lane Lépine / en alternance
Production
Autels particuliers
Théâtre Les gens d’en bas
Avec le soutien de la
Salle Pauline-Julien
Durée
1 h 35 min
[ Sans entracte ]
Grande salle @
Théâtre Denise-Pelletier
Jusqu’au 30 avril 2021
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]