Je m’appelle humain

PRIMEUR
Sortie
Vendredi 12 mars 2021

SUCCINCTEMENT
Portrait de Joséphine Bacon, traductrice, enseignante, passeuse de la tradition autochtone. Une des grandes voix des Premières Nations du Québec.

CRITIQUE.

★★★

texte
Élie Castiel

Programmé en septembre dernier au Festival de cinéma de la ville de Québec, le film de Kim O’Bomsawin sort finalement en salle déconfinée. Nous venons tout juste de voir cette ode aux Premières Nations racontée par Joséphine Bacon, une de ses représentantes des plus inspirantes.

Des mots qui avivent l’âme, une poésie aux phrases simples mais d’un symbolisme qui atteint la terre nourricière et son rapport aux Êtres… et au animaux. Deux mondes qui se complètent pour s’unir aux éléments de la nature, l’eau, la terre,  le feu et l’air. C’est ce que raconte avec une verve extraordinaire Bacon, aux yeux d’un bleu verdâtre ou le contraire, entière, sans amertume, répondant aux caprices du destin de la manière la plus sage, sans reproches.

La passation sainement

revendicatrice de la mémoire

Le cinémascope s’impose sournoisement dans ce très beau film, alors qu’il s’agit d’une œuvre intimiste, quasi confidentielle, d’une confession à mi-voix. Ce contraste permet à Je m’appelle humain, titre on ne peut plus revendicateur, d’exister et de briser le silence.

Elle parle de son peuple, de ses héros, hommes et femmes, des Anciens, des pères et des mères qui ont façonné une langue, des traditions, des coutumes, une façon de vivre. Et elle parle des Colons qui les ont accueilli, jeunes, autant les filles que les garçons, en les convertissant progressivement à une nouvelle religion qu’ils ne connaissaient pas. Elle parle de Maliotenam, ce pensionnat dont elle préfère ne pas trop en dire. Car elle refuse catégoriquement de blâmer, de rendre justice. Au contraire, elle se sert de la langue française pour parler de son aventure humaine et celle de son peuple.

Coqueluche des intellectuels, sans doute que oui, car ceux-ci ont bâti une compréhension des Premières Nations. À juste titre, puisque la présence de la réalisatrice, elle-même abénaquise, n’est nullement une intrusion ; elle amplifie  au contraire, les moments, les divers voyages à travers les paysages couverts de neige, de sable, d’herbes ou nus, et la ville de Montréal, urbaine, quasi tentaculaire mais filmée avec autant de respect.

Les parallèles entre les gratte-ciels et les constructions plus sereines se juxtaposent avec les terres vides d’une compagne, d’une plaine ou d’une montagne, avec ses fleuves et ses courants d’eau qui illustrent le contraste entre la Modernité affétée et la Nature immaculée.

Un refus catégorique de blâmer, de rendre justice.

Déjà, avec La ligne rouge (2014) et Ce silence qui tue (2018), on peut souligner le côté activiste de la documentariste. Mais un comportement non violent, axé sur la parole, les images qui veulent dire mille mots. Une certaine poésie qu’elle perpétue avec Je m’appelle humain, titre d’autant plus emblématique qu’il rejoint le discours sur les origines, sur la Présence perdue. Entre Bacon et O’Bomsawin, la Sage et son modèle, une cohabitation intellectuelle, une union des forces qui les habitent.

Convertis aux christianisme, qu’ils chérissent, mais fidèles tout de même à des traditions ancestrales qui se perdent dans la nuit des temps, les Premiers habitants, pour survivre, maintiennent, du moins pour ceux d’une certaine génération, ce rapport à la Nature, porteuse de vie et de finalité, celle qui se perpétue sans cesse et ne meurt jamais.

Sauf peut-être pour les jeunes, dont certains ne parlent même pas leurs langues d’origine et que la modernité, les nouvelles technologies, la culture dominante mondiale ne cesse de se les approprier. Une autre sorte de colonisation inconsciente, pourtant bienveillante, sans mauvaises intentions.

Le cinémascope s’impose sournoisement dans ce très beau film, alors qu’il s’agit d’une œuvre intimiste, quasi confidentielle, d’une confession à mi-voix. Ce contraste permet à Je m’appelle humain, titre on ne peut plus revendicateur, d’exister et de briser le silence.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Kim O’Bomsawin

Scénario : Kim O’Bomsawin

Images
Hugo Gendron
Michel Valiquette

Montage : Alexandre Lachance

Musique : Alain Auger

Genre(s) : Documentaire biographique

Origine(s) : Canada

Année : 2020 – Durée : 1 h 18 min

Langue(s)
V.o. : français, innu / s.-t.f. ou s.-t.a.

Call Me Human

Dist. @
Maison 4tiers

Classement
Tous publics

En salle(s) @
Cinéma du Musée

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]