La bêtise insiste toujours
RECENSION.
[ Réflexion ]
★★★ ½
texte
Élie Castiel
Exactement, la « bêtise », réinventée, mise au goût du jour, devenue «vertu». Dans une démocratie, tout le monde a droit à son opinion; mais aujourd’hui plus que jamais, ne faudrait-il pas l’exprimer ou la verbaliser comme il faut, avec un minimum de connaissances, de preuves à l’appui et surtout, clairement.
Les nouveaux philosophes
Je l’avoue, c’est mon premier Bérard à ce jour. Et pourtant, force est de souligner que je le vois (et surtout l’écoute) souvent à LCN, chez Denis Lévesque (autre gourou contemporain de la pensée collective et des drames du quotidien), comme je vois le devenu célébrissime plus Français (et plus catholique, alors qu’il ne l’est pas) que les Français, Zemmour, surtout grâce à ses interventions souvent intempestives à Face à l’info, sur CNews – mais ça, c’est une autre histoire; et comment ne pas se laisser également envoûter par les propos du toujours agité Bock-Côté qui parle à une vitesse imperceptible? Ce qui est étonnant, c’est bel et bien de constater qu’on se laisse apprivoiser par ces nouvelles vedettes dans les journaux ou à la télé car, de temps en temps, pour ne pas dire le plus souvent, jaillissent des perles du savoir et de la pensée contemporaine. Et qu’au Québec, donner son opinion, surtout lorsqu’elle émane d’un « cerveau brillant » est un exercice périlleux dont il faut se méfier, pour donner l’exemple. Signe d’un temps au cynisme affligeant.
Frédéric Bédard, une des voies et voix de la cible sociale en mouvement, se voulant porteuses de changements, pour un Québec identitaire, une société équilibrée. Le nouveau Bérard, un ouvrage au long titre qui en dit long, qui s’indigne sur les présentes personnalités de notre réalité québécoise, l’actuelle, une québécitude qui rejette l’intellectuel au nom du libéralisme social et qui ne cesse de se réinventer en commettant les mêmes erreurs que dans le passé; aujourd’hui, surtout depuis la cas-Lepage, faisant semblant que le racisme n’existe pas, croyant mordicus qu’elle l’a depuis fort longtemps évacuer de la map ou qu’il n’a jamais existé.
Frédéric Bérard
La bêtise insiste toujours : Chroniques
sur la duplicité, le nombrilisme et autres
ignominies
(Coll. « Manifestement »)
Montréal : Éditions Somme toute, 2021
144 pages
(Sans ill.)
ISBN : 978-2-8979-4216-8
Prix suggéré : 17.95 $
Mais ce n’est pas le seule thème qu’aborde ce jeune avocat, politologue, essayiste (arrêtons la liste…). Un homme qui croit aux sagesses de l’intelligence, au pouvoir de la justice. Ici, il souille là où il faut, condamne là où il est permis. S’engueule avec ses amis, proches ou pas, ou autres. Fouille dans les arcanes de la réflexion pour rétablir ne serait-ce qu’un semblant de bon sens.
Toujours est-il qu’aujourd’hui, dialoguer, penser, analyser, disséquer, ces modes d’expression sont devenus personae non gratae – tout bien considéré, ceux et celles qui œuvrent dans le domaine de l’écriture cachent souvent dans certains cercles qu’ils ou qu’elles en font partie. Réfléchir comme il faut n’est plus ou ne semble plus être à l’ordre du jour. La politique du « moindre effort ».
Dans ce journal de bord personnel, Bérard, par exemple, s’en prend (amicalement) à Martineau (pardon, avec Richard comme prénom, ancien critique de cinéma dans une revue plus que soixantenaire – ça aussi c’est une autre histoire!), un homme éloquent, souvent, pour ne pas dire, le plus souvent, controversé, qui a préféré rejoindre les rangs de la culture télévisuelle et journalistique grand public. Lui consacrer trois pages dans un livre de 140, mis à part les « remerciements », c’est tout de même un beau cadeau.
Sa plume est libre, québécoisement assumée, un brin importée de nos voisins du Sud. La jeune quarantaine, il est le miroir d’une certaine élite intellectuelle vite retournée-sur-terre qui refuse à tout prix la ségrégation sociale.
Mais bon, il est évident que Frédéric Bérard prend un plaisir fou à rassembler ce recueil de notes, de propos, d’extraits d’émissions, de tout ce qui lui passe par la tête. Beau travail de montage, réparti en des sortes de chapitres, témoins d’une époque, d’une année de pandémie. La nôtre, perdue dans des n’importe-quoi de tout acabit.
Sa plume est libre, québécoisement assumée, un brin importée de nos voisins du Sud. La jeune quarantaine, il est le miroir d’une certaine élite intellectuelle vite retournée-sur-terre qui refuse à tout prix la ségrégation sociale en termes de rapports humains. Bérard peut prendre un verre autant dans un bar chic de la métropole que dans une taverne du coin avec ses copains, ses chums, ses vrais.
Et il y a aussi l’humaniste (il fera allusion souvent à Albert Camus), finira son livre avec l’Affaire Camara (p. 132-134). Il parlera de la COVID, de tous ce dont les journaux ont couvert ces derniers mois. Chaque chapitre est signé d’une date d’inclusion, comme il s’agissait de lettres envoyées à la collectivité. Sans ordre chronologique; ça couvre 2020 et se termine en février 2021. Un livre qu’on savoure en quelques heures pour accueillir cette fin, on l’espère, de confinement perpétuel. Humaniste. Rationnel jusqu’au bout des ongles.
Note
Les illustrations sont une gracieuseté des Éditions Somme toute.
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]