La maison aux 67 langues
CRITIQUE – SCÈNE
| Élie Castiel – ★★★ ½ |
UN MOYEN EFFICACE POUR DÉSAMORCER LES ARMES
L’ENTHOUSIASME DES PARTICIPANTS se fait sentir à chaque coin et recoin de cette tour de Babel théâtrale imaginée, d’abord en anglais (House of Many Tongues), par Jonathan Garfinkel; puis traduite en français par un François Archambault en plein délire de paroles et de mots. Simples, profonds et… tabous.
Le rythme est ce qui caractérise cette comédie satirique sur la possibilité d’entente entre Israël et les Territoires palestiniens. L’entente, après plusieurs tentatives avortées, passe selon Garfinkel, par le sexe, par un acte aussi peu exprimé dans les conversations que le …. (je ne dis pas plus; trop tard, la bande-annonce ci-haut en parle). Provocateur, peut-être que oui, mais pas vraiment, puisqu’on ne parle jamais de ce sujet en forme de petits points …, du moins dans la société actuelle atteinte du syndrome du politiquement correcte, état névralgique qui évite qu’on dise des choses sur la religion, le sexe et l’argent. Et pourtant.
Philippe Lambert ne fait pas dans la dentelle. Volontairement, par goût. Par esprit de solidarité envers un art thérapeutique, le théâtre. Il possède une âme latine, donc libérée de presque toutes contraintes et qui, ici, prend d’assaut la scène de la grande salle de La Licorne. Disons que, du point de vue horizontal, La maison aux 67 langues et en Cinémascope, tant l’espace dramatique est utilisé d’un mur à l’autre, de droite à gauche. Et soudain, quasi au milieu de ce terrain de jeu, un mur qui divise.
Les sous-entendus fusent de partout, l’antisémitisme bon enfant et l’islamophobie ressemblent ici à des instruments de survie plus que tout autre chose. Et pour résoudre ce problème épineux, pas mal comme idée de…, objet des tourments du jeune Alexandre, celui par qui l’impossible peut se réaliser. Pour le moment, dans la scène d’un théâtre et pas celle de la vie. Drôle, édifiant, jouissif et délirant.
Mais il y a aussi les joueurs de cette partie d’échecs (oui, échecs, au sens du jeu comme celui des défaites) : Ariel Ifergan, directeur artistique de Pas de Panique, présentateur de ce spectacle qui rime aux sons de la bonne humeur, mais également en prenant soin de faire attention à ces choses graves qui ont à voir avec l’entêtement, les origines, les prises de position radicales, le recours au passé biblique (qui a grand besoin d’une version revue et corrigée, en accord avec les temps actuels), et plus que tout de finalement prendre pour acquis que l’humain ressent les mêmes besoins partout dans la planète.
Admettons que La maison aux 67 langues est accessible au grand public. Et puis, pourquoi pas? Ça l’est aussi pour les grands classiques du théâtre français, du drame shakespearien et bien entendu, de la tragédie (et comédie) grecque(s). Rien d’expérimental dans la mise en scène classique de Philippe Lambert; simplement placer les personnages dans des situations (parfois extrêmes), plus particulièrement dans le cas du personnage d’Alexandre, campé par un Gabriel Szabo remarquable, adorablement naïf, définitivement né pour la scène, déjà remarqué il y a peu de temps dans le sublime Fanny et Alexandre, au TDP. Quant à Violette Chauveau, Frédéric Desager, Ariel Ifergan, Daniel Gadouas, Alice Pascual et Mounia Zahzam, ils et elles habitent tous et toutes des personnages marqués de fer rouge qui ne leur fait pas mal. Au contraire, un casting endiablé dont les membres contribuent à une noble cause.
Les sous-entendus fusent de partout, l’antisémitisme bon enfant et l’islamophobie ressemblent ici à des instruments de survie plus que tout autre chose. Et pour résoudre ce problème épineux, pas mal comme idée de… , objet des tourments du jeune Alexandre, celui par qui l’impossible peut se réaliser. Pour le moment, dans la scène d’un théâtre et pas celle de la vie. Drôle, édifiant, jouissif et délirant.
FICHE TECHNIQUE
Texte: Jonathan Garfinkel
Traduction: François Archambault à partir de l’original House of Many Tongues
Mise en scène: Philippe Lambert
Assistance à la mise en scène / Direction de production: Vanessa Beaupré
Scénographie: Jonas Veroff-Bouchard
Distribution: Violette Chauveau, Frédéric Desager, Ariel Ifergan, Daniel Gadouas, Alice Pascual, Gabriel Szabo, Mounia Zahzam
Costumes: Linda Brunelle assistée de Marie-Audrey Jacques
Éclairages: Julie Basse
Son: Jeannot Bournival
Production: Pas de Panique
Durée: 1 h 40, (Sans entracte)
Représentations: Jusqu’au 23 mars 2019, La Grande Licorne