Le fils
CRITIQUE.
[ Scène ]
★ ★ ★ ★
texte
Élie Castiel
Quand
l’approche
clinique
suscite
l’empathie
Que nous soyons de gauche, de droite, ou, quelles que soient
nos allégeances sociopolitiques, Florian Zeller interpelle
tout le monde. Car l’émotion, les contraintes psychologiques
et les problèmes de santé, les graves, comme le Alzheimer
(Le père), le touchent. Assez pour créer un environnement
théâtral – devenu aussi cinématographique – propice à
déclencher le plus simplement du monde les contours et les
dérives de ces situations chez le plus commun des mortels.
Et quelque chose de nouveau dans l’écriture, l’inclusion littéraire, accessible à tous, car toutes et tous sont affecté(es)
Nicholas, 17 ans, vit avec sa mère, Anne. Son père, Pierre, vient d’avoir un enfant avec sa nouvelle compagne, Sofia. Mais Nicholas a des problèmes de comportement qu’on ne révélera pas dans nos pages. Et puis, le drame.
Ici, il s’agit de voir ce qu’on a fait René Richard Cyr, maître incontesté des mondes parallèles, aussi dramatiques que spectaculaires (certains Michel Tremblay).
Première impression, troublante; notre regard se jette irrémédiablement sur le décor, d’un économie surprenante, en tonalités grises et blanc effacé, donnant à la pièce de Zeller cet air non pas lugubre, mais assez glauque pour devenir la suite; des paroles qu’on lâche prise, sans raisonner, car nous sommes au royaume de ce qui nous vient directement de l’âme et de la (dé)raison. Il y a nos revendications, nos préjugés innocents, nos mésententes non préméditées, autant de revers psychologiques qui, plus que tout, quelle que soit notre position sociale ou ce que nous pratiquons dans la vie, nous unit tous au nom des défaillances morales de conduite et d’irresponsabilités.
Mais Florian Zeller, par un tour de magie, trouve les mots de la réconciliation, ces petits rien-du-tout qui change nos vies, nos perceptions des choses. Même si au prix de…
Contrairement à Le père (The Father), dont nous avions vu la remarquable version cinématographique (de Zeller lui-même) avec le magistral Anthony Hopkins, d’après la pièce de Christophe Hampton, Le fils se penche sur l’âge ingrat ou nous passons de l’enfance à l’âge adulte. Je me demande si de nombreux adultes ne tiennent pas à occulter cette époque de leur vie.
La mise en scène de Cyr est imposée irrévocablement par le décor, comme si nous nous trouvions dans un huis-clos, soudain transformé provisoirement en un second, pour retourner à la case départ.
Les mouvements, des incessant aller-retour, les gestes incongrus, revendiquent leurs préoccupations, les paroles ou les gestes posés auparavant, sans qu’on le veuille, ces histoires de famille qui plus que réconcilier, assujettissent nos fors intérieurs à une lutte interminable entre le bon et le moins bon, entre la fureur des sentiments et la logique de la raison. Mais une chose est certaine : autant chez Zeller que chez Cyr, une quête vers la réconciliation, envers soi, bien entendu, mais aussi les autres.
Et, à la tombé du rideau, après une finale radicale où l’émotion se manifeste à un niveau insoupçonné, notre perception des choses se transforme en pure empathie.
Les interprètes se donnent entièrement à cet étrange jeu de terrains glissants qui les dépasse; soudain, ils consolident leur savoir-faire pour revendiquer l’espace dramatique, comme par instinct.
En fin de compte, la sobriété de la mise en scène de René Richard Cyr est sans aucun doute sa plus psychologique et c’est sur cette prémisse où le théorique règne qu’elle en devient clinique. Par défaut, puisque les personnages sont dans le domaine de l’improbable, de la recherche d’une vérité qui, elle se multiplie sans crier gare.
En quelque sorte, Cyr a construit une pièce agréablement mathématique, s’en tenant à des principes qui le dépasse, sans vraiment, en fait, que ce soit le cas. Puisque, par un tour de prestidigitation, il invente des stratagèmes pour remettre de l’ordre dans les idées. Et, à la tombé du rideau, après une finale radicale où l’émotion se manifeste à un niveau insoupçonné, notre perception des choses se transforme en pure empathie.
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
Florian Zeller
Adaptation et Mise en scène
René Richard Cyr
Assistance à mise en scène
Pascale D’Haese
Interprètes
Stéphanie Arav (Sofia), Sylvie De Morais-Nogueira
(Anne, la mère), Charles Aubey-Houde (infirmier),
Vincent-Guillaume Otis (Pierre, le père)
Émile Ouellette (Nicolas, le fils), Frédéric Paquet (docteur)
Décors
Pierre Étienne Locas
Éclairages
Claude Acollas
Costumes
Sylvain Genois
Musique
Michel Smith
Production
Théâtre du Rideau Vert
Durée
1 h 35 min
[ Sans entracte ]
Diffusion @
Théâtre du Rideau Vert
Jusqu’au 29 octobre 2002
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]