Le mystère Carmen

CRITIQUE – SCÈNE

| Élie Castiel – ★★★ |
ENTRE LA POSE ET L’INSTANTANÉ

ALLONS au but : ce qui rend cet essai musical un tant soi peu expérimental, pourtant si accessible, c’est bel et bien la mise en scène raisonnée de Lorraine Pintal; tête chercheuse, ne reculant devant rien pour rendre l’expérience visuellement rafraîchissante, comme ces rideaux blancs sur fond de scène qui caressent nos sens, tel aussi un écran avide qui accueille des extraits vidéo ou des allusions aux tableaux de l’Époque. Cela ajoute un côté documentaire élégant, voire même une addition littéraire, comme si on feuilletait un livre d’images commentées.

Mais cette production se démarque par la relation qu’elle entretient entre le spectacle lui-même et le spectateur, dépendamment du niveau de connaissance des sujets traités. Pour les néophytes, c’est là un cours d’histoire sur Georges Bizet, affublé de prénoms grecs à sa naissance pour, plus tard, succomber à un nouveau baptême symbolique en devenant « Georges ». Avant Carmen, son ultime opus, une vie professionnelle marquée d’obstacles, de compromis, d’histoires d’amours tout de même délectablement consommées, ne serait-ce que pour suivre la tradition française et faire face à une critique et à un public, sinon intransigeants, instables et capricieux.

Le mystère Carmen

Crédit photo: ©Yves Renaud

Cette première partie est menée soigneusement par le « maître de cérémonie » Eric-Emmanuel Schmitt grâce, d’une part, à la mise en mouvements de Pintal qui connaît magnifiquement bien l’espace dramaturgique. Présences directes, allers-retours et entrées-sorties dynamisant le texte trop écrit, inventant une nouvelle approche dans ce théâtre de chambre ou « de poche » sans doute.

Et puis, n’oublions pas de dire quelques mots sur Schmitt, le créateur. En deux parties bien distinctes, ses mots sont des paroles de découverte(s), de mise en contexte social et presque historique, selon que notre imaginaire se balade partout ou pas. Le premier acte est donc présenté comme une conférence sur le sujet. Pourquoi Le mystère Carmen? Parce qu’on apprendra des choses de son créateur qui nous avaient échappées et que cette œuvre, tout en étant l’apothéose d’une courte carrière, est le résultat de quelques morceaux musicaux de bravoure antécédents, bizarrement inspirés de légendes ou mythes étrangers pourtant oubliés, comme si sa patrie, la France, les avait presque désavoués.

Et la seconde partie s’impose abruptement. Marie-Josée Lord, parfaitement sublime, tragédienne, à la voix puissante et passionnée, ainsi que dans ses mouvements, donnent à cette Carmen théâtrale quelque chose qui nous place dans un monde à part. La raison : la proximité de la scène, l’approche intime, le recours à l’opéra… et, certains pourraient l’oublier, un Schmitt, autant narrateur (Georges Bizet) que metteur en scène fictif d’un opéra qui joue sur les symboles. Peut-être un peu trop jeune, mais raffiné dans la voix, l’attrayant Jean-Michel Richer donne à son personnage ce mélange entre la condition masculine et la sensibilité féminine. Carmen, c’est sans doute, après tout, Bizet.

Seul bémol. Ce qui se dit dans la deuxième partie est déjà vieille histoire pour les connaisseurs, mais bon. Les intentions sont louables, le sujet en or et le résultat tout de même satisfaisant.

Pourquoi Le mystère Carmen? Parce qu’on apprendra des choses de son créateur qui nous avaient échappées et que cette œuvre, tout en étant l’apothéose d’une courte carrière, est le résultat de quelques morceaux musicaux de bravoure antécédents, bizarrement inspirés de légendes ou mythes étrangers pourtant oubliés, comme si sa patrie, la France, les avait presque désavoués.

FICHE TECHNIQUE

Texte: Eric-Emmanuel Schmitt
Création: Eric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène: Lorraine Pintal
Assistance à la mise en scène / Régie: Bethzaïda Thomas
Décors: Jean Bard
Vidéo: Lionel Arnould
Éclairages: Erwann Bernard
Costumes: Marc Sénécal
Distribution: Eric-Emmanuel Schmitt (narrateur), Marie-Josée Lord (soprano), Jean-Michel Richer (ténor), Dominic Boulianne (pianiste)
@: TNM
Durée: 1 h 45, (Sans entracte)
Représentations: Jusqu’au 10 mars 2019