Les Ballets Jazz de Montréal
< Critique par ÉLIE CASTIEL >
★★★★
Influences de l’altérité
Soirée exceptionnelle pour ce début de saison à Danse Danse. Comme il se doit, Les Ballets Jazz de Montréal ouvre le bal avec trois œuvres qui enchantent, décontractent, excitent, énergisent et donnent la chair de poule; mine de rien, elles permettent également aux artistes de s’éclater comme si la scène leur appartenait.
Andonis Foniadakis, « O Ellinas » ou peut-être préfère-t-il « O Kritikós », car la fierté de l’âme crétoise, le charisme dans les mouvements, et dans le même temps cette allégeance à l’essence même des Ballets Jazz de Montréal se sent tout le long de Soul (Âme); ces épanchements s’expriment avec une allégresse et un abandon total par ce couple de danseurs, elle et lui, répondant à l’appel de la voix de la Québécoise Angel Forrest dans une interprétation majestueuse de Ball and Chain (autrefois, interprétée par Big Mama Thorton, Janis Joplin…). Une sensualité, un rapprochement des corps qui s’échappent et vite, finissent par se retrouver. Et une finale qui rappelle que Louis Robitaille a toujours transmis sa vision de la danse à ses danseurs. Moments brillants.
La soirée se termine avec Casualties of Memory (Pertes de mémoire), de l’Israélien Itzik Galili, une œuvre puissante, hommage retentissant non seulement à l’art chorégraphique, mais également à la musique, aux vibrations, aux sons mélodieux du monde, et plus particulièrement à ceux d’une Afrique du Nord influencée, comme c’est le cas ici, par des tonalités ibériques (l’Espagne a elle-même hérité des influences arabes). Il y a même, si on porte bien attention, quelques très brefs moments tirés des chorégraphies Bollywood.
Les Ballets Jazz de Montréal ouvre le bal avec trois œuvres qui enchantent, décontractent, excitent, énergisent et donnent la chair de poule; mine de rien, elles permettent également aux artistes de s’éclater comme si la scène leur appartenait.
Si Les Frères Grand et le percussionniste Joseph Khoury conquièrent le territoire scénique avec comme arme principale le darbouka (parfois de façon trop insistante), il n’en demeure pas moins que cette pièce de résistance permet aux protagonistes de parfaire leur talent d’Athlètes de la scène. Force est de souligner que depuis des décennies, les spectateurs s’attendent de plus en plus à voir évoluer chez les danseurs une sorte de courant gymnique comme s’ils assistaient à une compétition sportive. Les nouveaux tenants de la danse moderne l’ont très bien compris et assurent l’originalité de leurs créations tout en insistant, et c’est tant mieux, que la danse est un « art ».
Mais le moment le plus risqué, le plus divertissant, le plus nostalgique, voire même exigeant, s’illustre dans O Balcão de amor (Compteur d’amour) qui débute avec le légendaire Siboney, par l’Orchestre de Pérez Prado. Pour Itzik Galili, le méditerranéen, une bouffée de chaleur, un regard mélancolique, mais plus que tout, une gageure tenue. Les danseurs, tous jeunes, comme il se doit, n’ont pas connu ses airs endiablés d’une autre époque lointaine, même si ce genre de musique demeure classique. Mais il y a autre chose : le public d’aujourd’hui (y compris ceux de générations antérieures, s’attendent à ce que la musique d’accompagnement des chorégraphies contemporaines introduise des rythmes nouveaux, parfois même ésotériques.
Pour se sentir désorienté, pour se perdre, le temps que dure le spectacle, dans un autre monde. En revanche Galili assume son choix grand public, se permet des airs connus et plus que tout, crée une chorégraphie pour des jeunes danseurs qui, à les voir évoluer ce soir de Première, habitent chaque pièce musicale parmi celles choisies et se livrent à un processus d’intemporalité remarquable. Personnellement, c’est la partie de la soirée qui m’a le plus conquis, même si les deux autres demeurent exceptionnelles. Les costumes, le son et les éclairages participent à produire un spectacle d’une émotion enchanteresse. Nous sommes conquis.
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FICHE TECHNIQUE
Chorégraphie: Andonis Foniadakis (Soul), Itzik Galili (O Balcão de amor / Casualties of Memory)
Musique: Pérez Prado (O Balcão de amor), Ball and Chain, int. par Angel Forrest (Soul), Les Frères Grand & Joseph Khoury (Casualties of Memory)
Durée: 1 h 35 (1 entracte)
Production: Danse Danse
Représentations: Jusqu’au 5 octobre 2019, Théâtre Maisonneuve, (Place des Arts)
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