Les glaces
CRITIQUE.
[ Scène ]
★ ★ ★ ★ ½
texte
Élie Castiel
Sans
consentement
préalable
Après la tempête-TNM où elle assure la traduction
et l’adaptation(avec Frédéric Bélanger) de
l’immanquable La nuit des rois, de Shakespeare,
Rébecca Déraspe récidive en solo à La Licorne avec
une pièce essentielle, actuelle, d’une brûlante
actualité. Un discours violent, un cri d’alarme
troublant contre « la culture du viol », ce nouveau
concept social, faisant rage un peu partout dans le
monde depuis l’émergence de tous les #MeToo. Les glaces,
une œuvre de la dramaturgie québécoise qui marquera son temps.
Une mise en scène de Maryse Lapierre où tous les coups sont permis. Á seize ans, début de la fin de l’adolescence, Vincent (puissant Christian Michaud) et son chum Sébastien (très présent Olivier Normand) ont commis, à la suite d’un party (prononcez parté), l’irréparable. Vingt-cinq ans plus tard, que reste-t-il de cette soirée? Un chef d’accusation.
Justement, la mise en scène se charge de tous les événements qui ont précédé et suivi cet épisode. Remords? Regrets? Au contraire, chez les gars dans ce récit passionnant, défense de la sexualité masculine, même dans ses impulsions les plus incontrôlables, comme quelque chose de naturel, de biologique qu’on ne peut nier. Est-ce vraiment le cas?
Le texte de Rébecca Déraspe, d’une énergie contagieuse, pose les bonnes questions, mais surtout et avant tout, évite le jugement facile, la voie de la dispersion; elle englobe tout un arsenal de psychologies qui pourraient laisser d’aucuns dubitatifs. Elle propose de nouvelles règles dans le discours ambient. Plus que de racheter les fautifs, il leur fait prendre conscience de leur acte, les poussant à une réflexion profonde de leur être, une masculinité, pour ne pas reprendre le cliché, toxique. Aussi délétère qu’elle ne réalise aucunement les conséquences sur la victime.
Les comédiennes et les comédiennes, toutes et tous impeccables, envahissent la scène comme un second « chez-soi », dans un terrain dramatique de tous les possibles, toutes les paroles sont prononçables, sans censure. Avec Les glaces (dans un sens, on aurait pu dire « De glace »), les situations sont aussi dramatiques que teintées d’humour, un drôlerie typiquement québécoise, magnifique, inimitable, visuelle, riche en émotions paradoxales. Déraspe l’a très bien saisi en construisant son texte.
… sans dénigrer la présence remarquable de tous les protagonistes, formant un groupe intégrateur, notre Bolduc cinématographique nationale se permet un tour de force aussi intense que férocement magnétique.
Et quelques séquences (scènes) d’une extraordinaire force dramatique. Dans les face-à-face qui ne répondent de rien, qui s’accrochent à chacun des intervenants en faisant appel à leur intelligence.
Et une finale punch (dans le sens de mordante), énorme morceau de théâtre, coup de poing lancé aux spectateurs non par goût de la provocation, mais leur sommant de bien saisir « la morale de l’histoire ».
Le rachat est-il possible? Si tel est le cas, comment construire la suite?
Et sans dénigrer la présence remarquable de tous les protagonistes, formant un groupe intégrateur, notre Bolduc cinématographique nationale se permet un tour de force aussi intense que férocement magnétique.
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
Rébecca Déraspe
Mise en scène
Maryse Lapierre
Assistance à la m.e.s. et Régie
Julie Brosseau-Doré
Interprétation
Anna Beaupré Moulounda (Marianne), Daniel Gadouas (Richard, le père)
Marine Johnson (Jeanne, la victime), Debbie White-Lynch (Valérie)
Christian Michaud (Vincent), Olivier Normand (Sébastien)
Valérie Laroche (Noémie)
Lumières
André Rioux
Décors
Julie Lévesque
Costumes
Dominique Giguère
Vidéo
Lionel Arnould
Production
La Manufacture
Théâtre la Bordée
Durée
1 h 50 min
[ Sans entracte ]
Diffusion & Billets @
La Licorne
[ Grande salle ]
Jusqu’au 5 novembre 2022
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]