Les reines
CRITIQUE.
[ SCÈNE ]
★★★ ½
texte
Élie Castiel
La théorie des complots
15 siècle. Précisément, à Londres, en 1483. Le roi Edouard se meurt, Richard (le troisième) attend avec impatience d’être couronné. Un jeu de pouvoir, d’autosuffisance. Rien ne cède à la nature humaine qui est celle de réussir à tout prix, contre vents et marées, quitte à écraser ses adversaires. Non pas « quitte à », plutôt en s’en débarrassant.
Et Normand Chaurette, grâce à ses vertus humanistes teintées de réalisme anthropologique n’évite les mots assassins, les accusations infligées, les coups bas, les intrigues, tout ce qui divise pour mieux régner. Et c’est à travers les paroles de femmes que se forgent ces théories du complot, non pas celles qu’on imagine, mais au contraire, qu’on fabrique de toutes pièces.
Tour de Babel où la même et unique langue produit mille et un univers d’incompréhensions, de jalousies, de naïveté rigide, ou encore de fausse modestie et de pureté. Comme Anne Warwick (versatile Sophie Cadieux), qui ne cesse de répéter qu’elle n’a que 12 printemps… Mais qu’importe… L’intrigante parfaite avec ses airs de sainte-nitouche.
Car Les reines, c’est aussi et sans doute, au-delà de sa proposition historique, une pièce sur l’art unique et diablement rigoureux du jeu d’interprétation. Les paroles abondent, à peine quelques secondes de silences « de mise en scène » pour reprendre son souffle. Elles sont toutes, en plus de Cadieux, Bonnier, Fortin, Labrecque, aussi bien que Léonard que Spaziani, entières, convaincues qu’elles ont été choisies pour accomplir un acte de foi théâtral. Elles se donnent entièrement (pour ne pas employer un cliché) afin de rendre ce moment historique imaginé dont il est question, l’illustration de notre époque à travers le filtre de l’Histoire, avec un grand H. Les choses n’ont pas vraiment changé.
La pièce, créée en 1991 est reprise exactement trois décennies plus tard pour de nouvelles générations de spectateurs. Non pas avec le désir pédagogique de témoigner, mais plus que tout pour susciter le « discours politique et social », et mieux comprendre, pour ainsi dire, notre époque.
Il y a décor, celui Michel Goulet, où les escaliers qu’on monte ou qu’on descend ne sont que la métaphore du pouvoir ou de l’humiliation. La scène principale, elle est celle de la neutralité qui cesse d’un coup par les actions commises à travers les mots.
La pièce, créée en 1991 est reprise exactement trois décennies plus tard pour de nouvelles générations de spectateurs. Non pas avec le désir pédagogique de témoigner, mais plus que tout pour susciter le « discours politique et social », et mieux comprendre, pour ainsi dire, notre époque.
Les reines, tel que mis en situation par Denis Marleau est un véritable jeu de quilles, un puzzle qu’on aimerait ne pas être résolu, pour notre plaisir sadique des causes perdues, pour les imbroglios qui se forment et que nous voulons encore plus tordus, ces nuages qui se dissipent et finissent par se reconstruire. En image vidéo, à l’arrière-scène, la discrète image vidéo montre a neige qui descend lentement et se transforme bientôt en tempête. La proposition est totale. La théorie des complots ne date pas vraiment d’hier.
Une deuxième œuvre de la saison-TNM 2021 qui confirme la mission qui anime depuis toujours cette institution culturelle.
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
Normand Chaurette
Mise en scène
Denis Marleau
Assisté d’Anne Bourgon Sicard
Interprètes
Céline Bonnier (Isabelle Warwick)
Sophie Cadieux (Anne Warwick)
Kathleen Fortin (Reine Elizabeth)
Marie-Pier Labrecque (Anne Dexter)
Sylvie Léonard (Duchesse d’York)
Monique Spaziani (Reine Marguerite)
Décor
Michel Goulet
Assisté de Marine Plasse
Éclairages
Marc Parent
Costumes
Ginette Noiseux
Assistée de Pierre-Guy Lapointe
Musique
Alexander MacSween
Conception vidéo
Stéphanie Jasmin
Intégration vidéo
Pierre Laniel
Production
Théâtre Du Nouveau-Monde
En collaboration avec UBU
compagnie de création
Durée
1 h 30 min
[ Sans entracte ]
Diffusion @
TNM
Jusqu’au 11 décembre 2021
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]