Libya.
@ Usine C

 

CRITIQUE.
[ Danse ]

★★★★

texte
Élie Castiel

 

Seul spectacle que nous avons choisi dans le cadre du FTA 2023. Sans aucun doute, spirituel, et l’un des plus inusités. Le chorégraphe en chef est de Marrakech, Maroc, et son sens artistique de la mémoire repose sur un retour aux sources d’une culture millénaire.

Radouan Mriziga
Crédit : Bea Borgers

Du lever

au coucher

du soleil

Dans sa conception de Libya, soutenue également par l’apport des huit danseuses et danseuses, Radouan Mriziga joue notamment sur la corporalité, sur sa matérialité, notamment celle des hommes. Car les femmes, elles, dès le départ de cette œuvre ésotérique, insondable pour les Occidentaux, prennent une part entière, assumée dans ce jeu entre le sensuel et le spirituel, entre l’effort fourni et le laisser-aller, dans ce mélange des formes de la représentation.

Le poème lyrique d’Asmaa Jama, I fled this realm, performé à capella brille par sa gutturalité, propre dans cette région du monde. Dommage, par contre, qu’il ait été en anglais – provoquant une prononciation approximative de la part des participants – mais on oublie vite quand les corps se conjuguent dans une chorégraphie d’ensemble qui, irrémédiablement, et avec raison, ne tient pas à être exemplaire, mais au contraire, à extérioriser une sorte de revendication.

Les Hommes, les danseurs, sont les tributaires d’une marocanité (et dans le reste du Maghreb) selon laquelle en opposition à la femme, ils sont exempts de lien organique avec leur corps. Et d’un coup, Mriziga, consciemment, en toute (in)dépendance, brise le tabou, subjugue les interdits, rapproche les Hommes des premières rangées de spectateurs lors de leur performance. Comme s’il s’agissait d’un cri, non pas de désespoir, mais de liberté trouvée, non pas retrouvée puisqu’elle n’a jamais vraiment existé.

Une mise en contexte comme dans les spectacles de rue.
Crédit : Pol Guillard

Beau travail dans le choix musical où on note, lorsqu’on vient (ou on est intéressé aux autres cultures) de ce pays les influences, à travers le temps, orientales, celles enracinées dans le pays (gnaoua en particulier), mais aussi l’andalouse (le flamenco) et celle des Juifs marocains, qui ont vécu dans ce pays depuis 2 000 ans.

Le henné, que les nouvelles mariées musulmanes (et juives) marocaines portent le soir avant leur mariage, est ici porté également par les Hommes, mais sous une autre forme, celle de la peinture, bleu, jaune… Une transgression que Mriziga se permet. Par revendication? Par humanité? Par une sorte de finalité? Sans doute un but à atteindre, « jusqu’à ce que le monde change. » (sic)

Quant à Libya, le nom attribué à cette œuvre, on ne saura pourquoi une telle appellation. À moins qu’il ne représente le caractère sacré de l’ensemble maghrébin.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Chorégraphie
Radouan Mriziga

Cocréation avec les interprètes

Scénographie
Radouan Mriziga

Interprète(s)
Sondos Belhassen, Mahdi Chammen

Hichem Chebli, Bilal El Had
Maïté Minh Tâm Jeannolin
Senda Jebali, Feteh Khiari
Dorothée Munyaneza

Costumes
Anissa Aidia

Lila John
Éclairages
Radouan Mriziga

Poème
Asmaa Jama

[ I fled this realm ]

Durée
1 h
[ Sans entracte ]

Diffusion & Billets
@ Usine C
26 et 27 mai 2023

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]