Maurice Elia
< 1945-2024 >

H O M M A G E

texte
Élie Castiel

Un regard lumineux

sur l’éternel féminin

Maurice Elia

Malgré les apparences, voulant confirmer son amour indéfectible pour le cinéma, c’est sous la bannière de l’écriture de romans que Maurice Elia brosse sa plume, aiguisée, candide dans le même temps, humaniste dans tous les cas. Des individus, des femmes surtout qui lui rappellent ces héroïnes, muses idéales du grand écran, par leurs gestes, leur comportement, leur enthousiasme face à la caméra.

Car pour Elia, le geste comme écrivain ressemble à une mise en scène de cinéma. Mais sans l’aide de collaborateurs ou de collaboratrices. Seul devant son ordinateur et l’esprit libre pour penser, pour créer des situations. Même dans ses écrits autobiographiques d’une douceur placide et d’une nostalgie infinie, on sent ce côté candide de l’enfance, d’une certaine joie de vivre et, selon le cas, de ce Moyen-Orient qu’il idéalise comme l’un des plus beaux endroits du monde. Culture multiple, arabophone, française, séfarade.

Il nous a quitté trop tôt, à 79 ans, de nos jours encore « jeune ». Il a été professeur de français (où il intègre souvent le cinéma) à Dawson College, collabore pendant de nombreuses années à l’une des trois revues francophones québécoises de cinéma où, au départ de l’un des fondateurs, il devient rédacteur en chef. Il abandonne quelques années plus tard. Je reprends le flambeau pendant presque vingt ans.

Des petits ou gros bouleversements de parcours, chacun à son moment, nous ont tous les deux obligé de céder notre place. Mais cela est une autre histoire qui mérite d’être racontée à la bonne occasion.

Pendant longtemps, il travaille dans la rédaction du programme officiel du Festival des films du monde de Montréal. Grâce à lui, j’intègre les rédacteurs et restent jusqu’à la dissolution du festival, occupant vers la fin divers postes importants.

Michel Piccoli et Romy Schneider dans Les choses de la vie, de
Claude Sautet, un des films préféré de Maurice Elia.

Maurice Elia, c’est surtout cet amour infaillible de la femme. Celle vue par des hommes comme Claude Sautet, Patrice Leconte, Jean-Luc Godard (celui de la Belle époque) ; oublier l’importance qu’il accorde à Claude Chabrol et ses années Stéphane Audran, c’est simplement de l’hérésie. 

Elia, c’est l’embellie d’une passion, d’un amour dont on ne peut saisir l’importance aussitôt. C’est la femme qui aime, qui tient à ce qu’on l’aime, qu’on vénère et soudain, on abandonne comme si rien ne s’était passé. Amours jurées, idylles, ruptures. Comme dans Les choses de la vie, de Sautet.

L’écriture de romans à la forme-Elia, c’est entrer immédiatement, à têtre reposée, dans un univers cinématographique qui défile à travers les mots et les situations, mais l’auteur ne confond certes pas « scénario » et « roman ». Une sorte de stratégie qu’il est seul à créer, à insuffler, non pas tel un prestidigitateur, mais comme convaincu de posséder les convenances de la passion. Sans rien de plus, ou sans doute cette foi inébranlable envers l’humain.

Moderniste ? Conformiste ? Simplement conteur ? Rien de tout cela, simplement actuel selon l’époque vécue. Comme au cinéma.

[ … ] l’éternel féminin demeure la principale source d’inspiration pour cet homme de lettres intime, imbibé d’images en mouvement, de profonde inspiration, quelque chose qui a affaire à la création. Dans sa vie comme dans ses multiples entreprises.

 

Dans son dictionnaire spirituel des femmes dans le cinéma, il y avait, entre autres, Romy Schneider, très présente, chez Sautet, Brigitte Bardot, celle surtout de La vérité ou Le mépris), Anna Galiena (Le mari de la coiffeuse) Angela Molina (Cet obscur objet du désir).

Mais il y a aussi les peintres de ces modèles : ceux cités et pourquoi pas Claude Miller, Bertrand Tavernier, Costa-Gavras, Andrzej Żuławski. Le tumulte de la vie, la soumission totale à l’amour. Et surtout, des amours à la française. La France, qu’il adopte intérieurement, comme une confession de foi. Cette France de l’époque des réalisateurs mentionnés, une France, aujourd’hui souvent décriée, souvent à tort, par moments, à raison.

L’odyssée de Maurice Elia est parfois semée de légères embûches, d’obstacles qu’il parvient toujours à contourner.

Mais l’éternel féminin demeure la principale source d’inspiration pour cet homme de lettres intime, imbibé d’images en mouvement, de profonde inspiration, quelque chose qui a affaire à la création. Dans sa vie comme dans ses multiples entreprises.