Mektoub, My Love : Canto Uno

Préambule
Le film est projeté uniquement ce soir à 21 h au Cinéma Moderne. Le 14 mars, une seule représentation est prévue. Triste état des choses en matière de distribution et de diffusion de certains films à Montréal. Le film de Kechiche date de 2017, accusant déjà du retard. Quoi qu’il en soit, ou bien le public cinéphile s’est rétrécit comme peau de chagrin en ce qui a trait au Grand Écran, soit qu’il préfère le confort du foyer et les écrans 60 pouces, faussement vivifiants, avec toutes les interruptions que cela comporte. Sans compter, bien sûr, sur l’aspect socialisation qui ne semble plus avoir du sens de nos jours. En revanche, à KinoCulture Montréal.com, une Primeur n’est considérée comme telle que si elle est présentée tous les jours de la semaine, à raison d’au moins une (1) fois par jour. Ce qui explique que la critique se retrouve dans notre case « En lumière », par défaut, section privilégiée. Pour le cinéphile averti, néanmoins, programmer une semaine de cinéma devient de plus en plus compliqué.

SUCCINCTEMENT
Août 1994. Originaire de Sète, Amin délaisse temporairement Paris pour rendre visite à ses parents qui tiennent un restaurant tunisien sur la côte méditerranéenne. Il retrouve Tony et Ophélie, son cousin et son amie avec lesquels il mène une existence oisive en fréquentant les plages et les boîtes de nuit. Passionné de photographie, Amin profite de cette pause pour capturer quelques paysages et se payer aussi du bon temps.

HORS-CHAMP

texte
Élie Castiel

★★★ ½

Il n’est pas surprenant que le premier plan du film montre Amin (très bon et beau Shaïn Boumedine – premier rôle étincelant à l’écran) à bicyclette s’en allant voir son cousin Tony (efficace et cinégénique Salim Kechiouche – Grande École (2004) signé Robert Salis, de bonne mémoire). Il le surprend par la fenêtre en train de faire l’amour avec son amie. Scène de baise, joyeusement consentie qui, sans doute, explique le classement interdit aux moins de 16 ans.

Comme un été capricieux

Et puis, un autre film surgit comme par hasard. Cinq ans après le lumineux La vie d’Adèle,  Abdellatif Kechiche signe une œuvre complexe dû, justement, à sa construction. Un univers presque banal où ce qu’on se dit n’a d’ailleurs aucune importance. Bref, un film sur ce qu’on appelle si bien en anglais, nothingness – en français, je suppose le néant, le rien. Mais dans le langage cinématographique, le vide, donc l’espace, le lieu filmé.

Filmer le champ d’attraction, c’est de cela qu’il s’agit dans Mektoub, My Love : Canto Uno, comme un requiem à l’oisiveté, à l’obsession de redémarrer à vivre l’instant qui passe, les moments qui s’envolent en un tour de main.

Autrement dit, la prise de conscience qu’une Lumière indicible envahit, consciemment ou son contraire, nos vies. D’où ces exergues au début « Dieu est la Lumière du monde » Saint Jean, 9.5 et « … Lumière sur Lumière, Dieu donne Sa Lumière… » Coran, 24:35. Car n’est-ce pas vers une sorte de révélation que se dirigent les personnages, particulièrement Amin qui, diégétiquement, laissera tomber ses études de médecine pour devenir, ou du moins, essayer, photographe –la  très belle séquence de mise bas d’une brebis est une évidence. Bouleversant.

Si d’une part, Kechiche emprunte à l’appétence d’un Jacques Doillon pour mettre en scène des jeunes (bien qu’ici, ayant dépassé l’adolescence), il est plus proche, toujours dans le contexte du film, à la logorrhée souvent fastidieuse d’un Rohmer sans contrôle.

Mais c’est aussi, et sans doute surtout, un film sur le regard, celui qu’on porte sur soi, sur les autres et celui que pose la caméra sur les comédiens. Rigoureux travail de Marco Graziaplena, mouvements souvent calmes, comme un été capricieux, parfois énervés comme si les lendemains n’existaient pas.

Si d’une part, Kechiche emprunte à l’appétence d’un Jacques Doillon pour mettre en scène des jeunes (bien qu’ici, ayant dépassé l’adolescence), il est plus proche, toujours dans le contexte du film, à la logorrhée souvent fastidieuse d’un Rohmer sans contrôle.

Mais il filme aussi les corps, ceux des jeunes filles qui ne laissent aucune part à l’imagination, et des garçons aussi dont les torses nus (Amin en premier lieu) suscitent l’attention.

Mais elles sont faciles, ces jeunes femmes montrées par Kechiche, avec une idée des relations hommes-femmes d’avant #MeeToo. C’est dans ce contexte qu’il faut voir et savourer le film malgré sa longueur de presque trois heures. Le contraire (et c’est une des tares d’aujourd’hui en ce qui a trait à la lecture objective d’une œuvre artistique), c’est ne pas prendre en compte les époques évoquées, alors que les choses n’étaient pas pareilles. Le récit se passe bien il y a plus de 25 ans. Autres rapports entre le féminin et le masculin.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE

Réalisation
Abdellatif Kechiche

Genre(s)
Comédie dramatique

Origine(s)
France / Italie

Année : 2017 – Durée : 2 h 54 min

Langue(s)
V.o. : français
Mektoub, My Love : Canto Uno

Dist. @
MK2 | Mile End

Classement
Interdit aux moins de 16 ans
[ Érotisme ]

En salle(s) @
[ Cinéma Moderne / Horaire irrégulier ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]