No Sympathy for the Devil
| H O R I Z O N S
i n t e m p o r e l s |
CRITIQUE
Élie Castiel
★★★★
Orphée
et
Eurydice
Cinéaste d’un certain âge d’or du cinéma grec moderne – entamé avec enthousiasme et brio au tout début des années 1970 par un certain Theo Angelopoulos, à sa propre façon, façonnant les contours d’une nouvelle théorie des images en mouvement – Dimitri Athanitis, comme certains de ses contemporains, perpétue la tradition et il n’est pas question de reculer. De nouvelles générations s’imposent. Aujourd’hui, 60 ans, et très actif dans sa démarche, il (s’auto)acquiesce le droit de poursuivre son idéologie artistique quels que soient les obstacles, s’ils existent, comme pur acte de revendication.
Le film dont il est question date de 1996-97, second long métrage après l’inédit Addio Berlino (1994), sorte de carte de visite tourné en noir et blanc. Le titre de ce second opus est déjà un acte de provocation. Comme si, pris par l’écueil de l’adaptation du mythe grec, le cinéaste se donnait tous les droits pour aller au fond de sa pensée analytique. Le noir et blanc, même s’il avoue en quelque sorte être une entrave, lui sied à merveille une nouvelle fois. Au tout début du générique, une citation de Nathaniel Hawthorne explique la démarche du réalisateur. À prendre au sérieux.
Dans notre pensée, ce formet chromatique ne peut que s’associer à notre mémoire cinéphilique et dans le cas qui nous préoccupe, à l’idée qu’on peut se faire d’un monde antique peuplé de mythes et de légendes et qu’il ne se manifeste que par les livres et, bien entendu, le cinéma (et théâtre, plus conservateur). Notre mémoire serait-elle en noir et blanc?
Athanitis érige un monde, l’Athènes de sa pensée, celle qu’il imagine. Mais dans un état distopique où règne un régime totalitaire qui contrôle tout.
Eurydice (magistrale Lena Kitsopoulou) ou la descente aux enfers, par choix, par une certaine perte de la mémoire de la quotidienneté. Elle s’en invente une parallèle et face à ses interlocuteurs, s’approprie tous les moyens nécessaires pour survivre dans ce monde parallèle. Et qu’importe les conséquences puisqu’elle ne vient de nulle part – Qui est-elle? Il s’agit sans doute de « l’idée concrète d’un nouveau monde ».
Et puis, Orphée, l’employé, l’ex(?) boxeur (très efficace Kostas Kazanas). La virilité en pleine face. Mais dans le même temps, un coup de foudre où il laisse à la nouvelle bien-aimée le soin de rédiger le contrat de cette relation ambigument amoureuse, faite de rapports amoureux clairs et d’autres prenant des tournures hors du commun. Et puis…
Une évolution des évènements qu’on ne dévoilera pas et où les instances gouvernementales (qui ressemblent plus à une entité militaire dont les représentants sont vêtus de costumes civils) ne lâchent d’un pied les deux protagonistes.
La voix off, très utilisée dans le célèbre film noir d’une autre époque, très prisée par les Américains, qui l’ont inventé, se retrouve ici et prend la forme d’une confession qui, en principe, explique ce qui se passera.
Un film épatant, surréaliste dans sa démarche, vociférant sa propre colère, mais dans le même temps, s’attribuant, personnellement, ce spleen nécessaire à l’art complexe de la création. En attendant, Orphée et Eurydice demeurent dans le mythe.
Mais Athanitis, en bon conteur, brouille les pistes, remet en question sa mise en scène à mesure qu’elle se construit. Car, mis à part les principaux personnages en question, donc narration, il y a une mise en image qui s’intègre à eux.
No Sympathy for the Devil est en quelque sorte un film architectural où la contre-plongée (ou son contraire) participe de ce état d’esprit qui consister à se faire une idée de l’univers distopique dont il est question. Ces grands édifices d’un gris glauque et inhospitalier ou ses intérieurs où la débauche est un art pour (sur)vivre, constituent les principaux attraits de cette nouvelle ville.
Pour une raison qui nous dépasse, on pense à Breton, Papatakis, Ado Kyrou et sans doute d’autres encore. La réponse n’est pas claire. Et c’est tant mieux comme ça.
Un film épatant, surréaliste dans sa démarche, vociférant sa propre colère, mais dans le même temps, s’attribuant, personnellement, ce spleen nécessaire à l’art complexe de la création. En attendant, Orphée et Eurydice demeurent dans le mythe.
Éternels.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Dimitris Athanitis
Interprètes
Kostas Kazanas, Lena Kitsopoulou
Giorgos Kotanidis, Panos Thanassoulis
Yannis Bostantzoglou
Scénario
Dimitris Athanitis
Direction photo
Panos Theofanopoulos
Montage
Stathis Plotas
Musique
Maria Balaska
Giorgos Bilikas
Origine
Grèce
Année : 1997 – Durée : 1 h 22 min
Langue
V.o. : grec; s.-t.a.
Kamià Sympátheia gia ton Diávolo
Dist. [ Contact ] @
[ Greek Film Center ]
Diffusion @
MUBI
Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 16 ans
[ Érotisme ]
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen.★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]