Ouistreham
P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 25 mars 2022
SUCCINCTEMENT.
Marianne Winckler, écrivaine reconnue, entreprend un livre sur le travail précaire. Elle s’installe près de Caen et, sans révéler son identité, rejoint une équipe de femmes de ménage.
CRITIQUE.
★★★ ½
texte
Élie Castiel
C’est, en quelque sorte, proche du cinéma de Bruno Dumont et des frères Dardenne, mais beaucoup moins ancré sur la formalité du plan, un certain lyrisme et paradoxalement, une volonté d’écorcher le plan, prises de position essentielles pour les cinéastes cités. Emmanuel Carrère essaie de filmer le réel, frisant parfois le documentaire alors que la caméra s’échauffe, s’évertue à filmer les moments forts, s’énerve devant une telle ou telle situation, ne négocie jamais avec les situations.
En attendant, Carrère soulève le débat même si enclin au ton romanesque, préférant l’horizontalité du récit à la complexité d’élans pris sur le vif.
Sauf quand les circonstances la dépassent, comme cette confrontation finale qui tente une possible réconciliation. Si le film est tiré d’un récit autobiographique de la journaliste française Florence Aubenas, force est de souligner qu’avec la présence de Juliette Binoche, qui multiplie ici divers registres d’interprétation, Carrère n’a d’autre choix que de céder à la direction d’acteurs – y compris celle avec des comédiennes/comédiens non professionnel(les. L’enquête sur le vif d’Aubenas se transforme pour ainsi dire en drame social, y allant de toutes les possibilités en termes de récits narratifs.
La mise en scène, donc, montre les moments cruciaux de ces travailleuses (et travailleurs) de la propreté, leurs shifts de travail insoutenables pour un si petit salaire ; en fait, au salaire minimum. C’est à Caen, en France, un autre endroit où sévit la crise économique.
Chacune
sa place
Les emplois sont précaires, les rêves d’une vie meilleure utopiques, les relations affectives, coincées ou inexistantes, les responsabilités familiales – monoparentalité – énormes et constantes. Et parfois, pour oublier, se payer du bon temps.
Il ne reste plus que la solidarité, la prise de conscience sociale collective, la remise en question, parfois sourde, du système en place. En fait, Carrère semble se poser la question, bien simple, mais éprouvante : « Qu’est devenue la France? ». Immigration massive incontrôlée? Crise économique? Démographie galopante? Manque d’éducation ? Aujourd’hui, dans les débats des chefs en vue de la présidentielle française, tous et toutes se prononcent peu sur la question, sauf peut-être un Zemmour diablement extrémiste qui sait très bien que certaines de ses idées ne pourront jamais se réaliser.
En attendant, Carrère soulève le débat même si enclin au ton romanesque, préférant l’horizontalité du récit à la complexité d’élans pris sur le vif. Juliette Binoche s’approprie son personnage, mais donne l’occasion à ses contrechamps d’imposer leur image. Et cette fin qui ne peut qu’emboîter le pas à celle du récit original, d’un réalisme percutant. En fin de compte, chacun sa place, comme ça a toujours été, l’est et le sera. Parfois, l’art imite bien la vie.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Emmanuel Carrère
Scénario
Emmanuel Carrère, Hélène Devynck
D’après le récit autobiographique
Le quai de Ouistreham de Florence Aubenas
Direction photo
Patrick Blossier
Montage
Albertine Lastera
Musique
Mathieu Lamboley
Genre(s)
Drame social
Origine(s)
France
Année : 2021 – Durée : 1 h 46 min
Langue(s)
V.o. : français
Ouistreham
Dist. [ Contact ] @
Axia Films
Classement suggéré
[ En attendant que le Répertoire
des films classés soit fonctionnel ]
Visa GÉNÉRAL
Diffusion @
Cinéma Beaubien
Cineplex
[ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]