P R I M E U R [ En salle ] Sortie Vendredi 06 mai 2022
SUCCINCTEMENT. Un coursier tente de concilier rêve et réalité dans une métropole.
CRITIQUE.
★★
texte Luc Chaput
Facteurs de risques
Un individu est étendu sur le sol d’une cour intérieure entre des immeubles. La narration évoquera, pour certains un court instant, le début de Sunset Blvd. (Boulevard du crépuscule) de Billy Wilder. Jérémie raconte et vit son existence dans des mondes qu’il croit parallèles.
Tourné avec un téléphone cellulaire muni de certains ajouts de caméra et d’une perche pour la séquence du début, le long métrage de Patrice Laliberté alterne les actions rapides en poursuite d’un coursier à vélo qui déplace sur l’île de Montréal des paquets pour une organisation de nature criminelle. Pour meubler sa solitude et panser ses petits boulots, Jérémie enregistre un Balado dans lequel il reprend des idées saugrenues sur le calendrier maya entre autres. Cette perche auditive tendue vers le monde lui amène une certaine gratification.
Mis en chantier en 2018 et terminé l’an dernier, ce deuxième opus du réalisateur du plutôt prenant Jusqu’au déclinapparaît inachevé à la fin d’un si court galop.
Le scénario du réalisateur, de l’interprète principal Guillaume Laurin et de deux acolytes se révèle plutôt mince même après l’ajout d’une voisine influenceuse. Les parcours à vélo véloce parmi de nombreuses rues de Montréal apparaissent pourtant irréels par moments car l’on n’y croise aucun cône orange. Par rapport au protagoniste qui a une certaine densité, la galerie des rencontres se définit par une typologie évidente servie par des acteurs connus. Mis en chantier en 2018 et terminé l’an dernier, ce deuxième opus du réalisateur du plutôt prenant Jusqu’au déclinapparaît inachevé à la fin d’un si court galop.
P R I M E U R [ En salle ] Sortie Vendredi 06 mai 2022
SUCCINCTEMENT. La vie est une courte fête qui sera vite oubliée. Les derniers jours de la vie d’un couple.
COUP de ❤️ de la semaine.
CRITIQUE.
★★★★★
texte Élie Castiel
Le générique de fin est placé au début du film. Belle contorsion stratégique pour obliger le spectateur à lire le nom des artisans. Après la dernière image du film, simplement le mot « Fin ». Comme au bon vieux temps et en même temps, une leçon d’éthique donnée à la majorité du public qui, une fois les génériques de fin apparaissant sur l’écran, déguerpissent le plus rapidement possible.
Les deux formats d’image, 1.33 : 1 et 2.35 : 1 établissent la dualité du film. Sans doute le plus personnel et le plus beau de Gaspar Noé. Oui, bien sûr, il y a eu les Irréversible, dont les distributeurs ici n’ont pas été très contents pour son classement « interdit aux moins de 18 ans ». Mais cela est une autre histoire qu’il faudra sérieusement aborder un jour.
Fin de parcours
Aussi, les Lux Aeterna, Love ou encore Climax. Et d’autres où l’ordre devient chaos, la sexualité s’exprime dans sa plus éclatante liberté. Sens de la provoc pour les langues conservatrices; non pas tellement, mais une tentative de libérer l’esprit de création qui s’exprime de l’intérieur avec ses fantasmes, ses élucubrations, ses excès délirants et, plus que tous, à la rigueur, un geste politique contre un conservatisme destructeur.
Bref, des univers qui, du coup, disparaissent dans ce Vortex, dans son sens véritable, un tourbillon déraisonné du quotidien et celui d’un couple, en rupture de vie physique imminente; on la voit s’approcher d’un plan à l’autre, d’un geste à une situation donnée, d’une quelconque réunion de Lui avec des collègues de travail (il prépare un livre avec, comme titre, du moins provisoire, Psyché) – de ces parcours nulle part d’Elle, dans un appartement où les affiches de films sont monnaie courante ou chez l’épicier où elle ne sait pas ce qu’elle cherche.
Un jeu de correspondances où l’art rejoint la vie.
Chez le couple, encore une fois, des « posters » comme ils disent dans l’Hexagone, comme pour rappeler que malgré la gravité d’un sujet dont nous seront tous, tôt ou tard, les victimes, le cinéma domine. Notamment pour sa vulnérabilité et en même temps grandeur à capter le moment, non, « les » moments. Pour les rendre sien, les manipuler.
Autant Elle que Lui n’ont pas de prénom. Comme si pour Noé, ça n’avait plus d’importance puisqu’ils n’ont été qu’empruntés, le temps que dure chaque existence. Comme si à l’intérieur de cet appartement-laboratoire on assistait au verdict d’une vie commune, sorte de procès.
Et une chanson d’entrée en matière. Non pas prise au hasard, mais « diablement » choisie par un Noé, ici, d’un humanisme déchirant. François Hardy et l’originale 45 tours de Mon amie la rose, qui parle de fin de vie, comme c’est le cas dans ce film faussement crépusculaire. Elle fond le cœur même si Gaspar Noé évite le pathos larmoyant. Les larmes chez le spectateur sont intérieures, externes aussi pour les plus réceptifs , comme moi, je l’assume. Car ces deux fins de vie sont des bandes-annonces de notre propre finitude.
De notre faux confort qui se déploie dans notre quotidienneté pour, justement, cesser de penser à ce qui se sera plus.
Il y a Françoise Lebrun, du chef-d’œuvre culte, La maman et la putain (1973), du suicidaire Jean Eustache. Ces déambulations sans but, ici, se dissocient carrément du jour après jour pour s’inventer un monde qui n’existe plus. Et Lebrun participe de ce geste tragique avec une persistante vulnérabilité, voire même une urgence dans l’interprétation comme s’il s’agissait d’une tombée de rideau.
Le split screen, plus fort que sa traduction écran divisé, soulève cette dyade cinématographique car, dans le cas de Gaspar Noé, il s’agit bel et bien de principes philosophiques qu’il mène avec une terrible érudition, même lorsqu’il s’agit de se rapprocher très près de l’incontournable finitude.
Et Lui, Dario Argento, le post-Mario Bava avec ses nouvelles influences. C’est bien le contrecoup d’Elle; il aspire encore à une carrière qui le définit, mais plus que tout justifie son existence. Il parle souvent. Elle pas. Un Argento avec l’accent italien, et puis pourquoi pas? Le choix est délibéré de la part de Noé, comme pour agacer tout ce système de casting qui perdure depuis longtemps et finalement exercer son droit de veto sur sa propre création. Le Argento d’aujourd’hui s’avère un magnifique comédien, saisissant toutes les nuances que prodigue Noé qui, en quelque sorte, comprend lui aussi les univers de son collègue transalpin.
Entre les parcours sans but d’Elle et moins de Lui, Stéphane, le fils; il s’exprime davantage, tente de recoller les morceaux d’un futur immédiat irréversible et s’occupe aussi de Kiki, son petit, plutôt insupportable. Bref, un pont entre la fiction anxiogène de Noé et l’extérieur qui respire encore.
Le split screen, plus fort que sa traduction écran divisé, soulève cette dyade cinématographique car, dans le cas de Gaspar Noé, il s’agit bel et bien de principes philosophiques qu’il mène avec une terrible érudition, même lorsqu’il s’agit de se rapprocher très près de l’incontournable finitude.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE Réalisation Gaspar Noé
Scénario Gaspar Noé
Direction photo Benoit Debie
Montage Denis Bedlow
Musique Chanson Mon amie la rose, interprété par Françoise Hardy
P R I M E U R [ En salle ] Sortie Vendredi 22 avril 2022
SUCCINCTEMENT. Julie se démène seule pour élever ses deux enfants à la campagne et garder son travail dans un palace parisien. Quand elle obtient enfin un entretien pour un poste correspondant à ses aspirations, une grève générale éclate, paralysant les transports.
Le FILM de la semaine.
CRITIQUE.
★ ★ ★ ★
texte Élie Castiel
Cours,
Julie,
cours
Laure Calamy, au registre fort diversifié, dévore ici le film, s’en empare pour le faire sien, revendiquant pour ainsi dire un rôle inhabituel et pourtant représentatif d’une génération de femmes prises dans l’engorgement d’un système d’emploi à bout de souffle. Le film respire à son effigie.Suite