P R I M E U R [ En salle ] Sortie Vendredi 22 avril 2022
SUCCINCTEMENT. Devant le refus de sa mère de prendre soin d’elle après une prise en charge par les services sociaux, Noémie, 15 ans, rejoint Léa, une amie entourée de proxénètes.
CRITIQUE
★★★ ½
texte Élie Castiel
Ou plutôt « non » si l’on se fie au discours de Geneviève Albert, difficile à décortiquer, pour la simple raison que Noémie dit oui oscille entre une certaine dénonciation d’un système et sa « mise en marché ». Aucune règle, aucune morale, nul besoin de justifier le geste.
Il y a, dans le premier long métrage de cette jeune réalisatrice, une volonté de filmer selon une approche de réalisme cru ; de surcroît, une ville de Montréal guidée uniquement par la prostitution juvénile (dans le cas de Noémie), comme moyen de survie. Vraiment ? Ou ne serait-il pas un besoin de reconnaissance sociale et de guide identitaire.
L’amour
avec
des si
Chose intéressante, les proxénètes, particulièrement celui de Noémie, Zach, qui lui promet monts et merveilles, ne sont pas présentés comme le cinéma l’a toujours fait. Il n’est pas l’élégant mec trop bien habillé ou le rappeur célèbre, mais comme on dit dans la langue de nos voisins, « the guy next door », le commun des mortels. D’où le caractère outrancier de l’entreprise. Son immoralité. Sa déception.
Ce côté du film est illustré par des images qui paraissent banales et un dialogue des plus conventionnels. Des mots comme « je t’aime et ça ne durera pas toujours. Juste le temps de se faire un peu d’argent et nous partirons ensemble… » Albert procède par mouvement saccadés, selon aussi un rythme rapide, aux va-et-vient (sincèrement, ce n’est pas un jeu de mots) de la quantité de clients qui passent quotidiennement. Les chiffres 1 2 4 12 13 et plus défilent sur fond noir pour rendre compte d’un état des lieux.
Songer à ce que l’on fera après.
Aucun jugement sur les faits, sur les raisons qui poussent Noémie à consommer l’interdit, à enfreindre les règles.
Le plus étonnant, ce sont les clients qui semblent être la principale cible de la cinéaste, des hommes de toutes strates sociales, riches et moins riches, francophones autant qu’anglophones, menés par une envie inlassable d’éjaculation immédiate, précoce parfois, non préméditée. Comme ça, à l’improviste. La sexualité qui se vend à n’importe quel prix.
Ils sont le plus souvent seuls, mais parfois à deux. Pourquoi pas ? Ils paient le double de toutes façons. Une séquence inoubliable : lorsqu’un client amène son fils, dont c’est l’anniversaire de ses 18 ans, pour le faire « déniaiser ». Les us et coutumes de nos sociétés ne cessent de se perpétuer d’une époque à l’autre.
« Au Canada, l’âge moyen d’entrée dans la prostitution se situe entre 14 et 15 ans » (Conseil du statut de la femme, gouvernement du Québec, 2021). Ce carton est présenté au générique de fin, non pas au début, mais après quelques noms de l’équipe technique, comme si le constat était une prise de conscience, comme si la thèse de la réalisatrice devenait une sorte de combat, non pas contre un comportement social impossible à effriter, mais pour mettre les pendules à l’heure en termes d’âge de consentement.
Soulignons le travail remarquable de Léna Mill-Reuillard, filmant un Montréal estival (celui du week-end du Grand Prix Formule 1) aussi vampirique que baigné par une sexualité qui ne se cache pas. La rue Crescent d’autrefois, avant la pandémie, le lieu des toutes les « illégalités légales ».
Bien entendu, la présence de Kelly Depeault, sur qui, depuis La déesse des mouches à feu, on peut compter. Présente, candide, totalement investie dans son rôle et conservant une pudeur des plus touchantes.
« Au Canada, l’âge moyen d’entrée dans la prostitution se situe entre 14 et 15 ans » (Conseil du statut de la femme, gouvernement du Québec, 2021). Ce carton est présenté au générique de fin, non pas au début, mais après quelques noms de l’équipe technique, comme si le constat était une prise de conscience, comme si la thèse de la réalisatrice devenait une sorte de combat, non pas contre un comportement social impossible à effriter, mais pour mettre les pendules à l’heure en termes d’âge de consentement.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE Réalisation Geneviève Albert