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Only the River Flows

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 9 août 2024

RÉSUMÉ SUCCINCT
En Chine, dans les années 1990, trois meurtres sont commis dans la petite ville de Banpo. Ma Zhe, le chef de la police criminelle, est chargé d’élucider l’affaire.

CRITIQUE
Pascal Grenier

★★★ ½

Ouvrir les yeux

de l’humanité

Débarquant dans nos salles de cinéma plus d’un an après sa sélection à Cannes (Un Certain Regard) en 2023, le film de Wei Shujun est un polar néo noir dont l’action se situe dans la Chine rurale en 1995. Cette adaptation d’une nouvelle de Yu Hua (son deuxième roman Vivre! a déjà fait l’objet d’une adaptation au cinéma par Zhang Yimou en 1994) relate l’enquête d’un chef de la police criminelle qui cherche à élucider trois meurtres commis dans la petite ville de Banpo.

Avec ce cinquième long métrage tourné en pellicule 16mm le passablement méconnu Wei Shujun (Ripples of Life) installe dès les premiers instants une belle atmosphère de polar sombre à une époque où le pays, coincé entre tradition et modernité, vit des transformations profondes. L’année 1995 devient ici non seulement un contexte historique, mais un personnage à part entière, avec ses néons vacillants, ses routes poussiéreuses, et ses habitants tiraillés entre le poids du passé et l’incertitude de l’avenir.

Malgré les apparences, un lieu en forme de labyrinthe.

La découverte du cadavre d’une vieille femme dans un ruisseau isolé à la lisière de Banpo, une petite ville où la modernité semble s’être arrêtée à la porte, Shujun réussit à capter avec une acuité presque douloureuse l’angoisse qui s’empare de la communauté lorsque deux autres corps sont trouvés. Mais ce qui frappe le plus dans ces premières images, c’est la pluie incessante qui s’abat sur la ville, presque comme un présage funeste. Une pluie omniprésente, lourde, oppressante. Elle enveloppe la ville dans une sorte de chape de plomb, rendant les rues glissantes, les visages plus sombres, et les secrets plus difficilement déchiffrables. Chaque goutte semble accentuer la lourdeur des non-dits, comme si Banpo elle-même cherchait à laver ses péchés, mais n’y parvenait jamais tout à fait.

Le personnage de l’inspecteur Ma est campé avec aplomb par Zhu Yilong ,dont le jeu et une vague ressemblance rappellent celui de l’acteur japonais Koji Yakusho. Il arpente ces rues détrempées avec une lenteur calculée et où le doute s’immisce peu à peu dans cette intrigue somme toute alambiquée. On peut reprocher certains caprices ou clichés comme ce recours à la Sonate au clair de lune de Beethoven maintes fois utilisée au cinéma mais il n’en demeure pas moins que le cinéaste se sert magistralement de la pluie et du langage cinématographique pour accentuer l’atmosphère déjà étouffante du film et rendant floues les lignes entre le bien et le mal. Elle rend la ville presque méconnaissable, transformant Banpo en un labyrinthe où chaque coin de rue cache une vérité inconfortable. Cette pluie, qui pourrait sembler banale, devient ainsi une métaphore puissante : elle est à la fois un purificateur et un révélateur, mais aussi un obstacle, rendant plus difficile encore l’accès à la vérité.

Only the River Flows est un film dense, exigeant, mais ô combien satisfaisant pour ceux qui savent apprécier les œuvres qui ne se contentent pas de l’évidence et trouvant une façon originale de raconter un récit d’enquête policière au relent de polar poisseux.

La réalisation est empreinte d’une sobriété qui rappelle les grands maîtres du cinéma asiatique comme Zhang Yimou mais aussi Boon Jong-Ho et Memories of Murder en particulier sans atteindre la puissance émotionnelle de ce dernier. Les plans sont longs, les dialogues rares, et chaque image est travaillée avec une précision quasi chirurgicale où le plan d’ensemble occupe une place prépondérante. On est happé par l’atmosphère pesante alors que le fil conducteur de cette enquête non dénuée d’humour qui contraste avec un sentiment croissant de désespoir et d’aliénation.

En conclusion, Only the River Flows est un film dense, exigeant, mais ô combien satisfaisant pour ceux qui savent apprécier les œuvres qui ne se contentent pas de l’évidence et trouvant une façon originale de raconter un récit d’enquête policière au relent de polar poisseux.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Wei Shujun

Scénario : Wei Shujun, Chunlei Kung. D’après
le roman Mistake by the River, de Hua Yu
Direction photo : Chengma Zhiyuan
Montage : Matthieu Laclau
Musique : Thème résurgent,
Sonate au clair de lune, de Beethoven

Genre(s)
Suspense policier

Origine(s)
Chine / [France]

Année : 2023 – Durée : 1 h 41 min
Langue(s)
V.o. : chinois ; s.-t.a. ou s.t.f.
La rivière et la vase
He bian de cuo wu
[ Seule coule la rivière ]

Wei Shujun

Dist. [ Contact ] @
Ritual
[ MK2 Films ]

Diffusion @
Cinéma du Parc

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Sing Sing

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 9 août 2024

RÉSUMÉ SUCCINCT
Des prisonniers s’échappent un peu de leur réel en formant une troupe de théâtre.

 

Le FILM
de la semaine

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★★

Entre les murs

Les (nombreux) films inspirés de faits vécus, retravaillés ou pas, selon le regard des cinéastes, ont ceci de particulier qu’ils laissent la majorité des spectateurs ébahis devant la diversité de voix et la panoplie de comportements sociaux. Plus que tout, le « marginal » fascine, bouleverse, fait fantasmer, suscite le débat sur cette ligne fine entre le Bien et le Mal.

Signataire de quatre courts sujets et un premier long, l’inédit Transpecos (2016) – terme qui veut dire extrême ouest du Texas – boudé par le public, mais encensé par la plupart des membres du sacro-saint Metascore, Greg Kwedar fait désormais partie des grands avec Sing Sing, œuvre unique, oscarisable, bénéficiant de la présence de grands comédiens, incluant des figurants, de vrais prisonniers, qui se donnent littéralement et entièrement corps et âme à cet exercice de style en même temps que récit émouvant, mené tambour battant sans véritablement exercer trop de pression sur ce plan.

Effectivement, puisque la mise en scène de Kwedar, qui évoque, par moments, celle des frères Taviani dans César doit mourir (Cesare deve morire, 2012), celle-ci, axée plus sur le côté rituel de la représentation, privilégie le naturel du huis clos, qu’il s’agisse des cellules d’enfermement, d’isolement, des cantines ou même encore des extérieurs ou seul le bleu du ciel sert d’alibi réformateur ou encore libérateur.

Apprendre à se connaître.

Deux forces de la nature se confrontent et finissent par assembler une ode finale à l’amitié conquérante ; John Whitfield, à qui le désormais célèbre Colman Domingo rend pleinement justice dans un jeu profond entre la paix intérieure, le profond désir de créer par les mots et la scène (on se souviendra de Burt Lancaster dans Birdman of Alcatraz / Le prisonnier d’Alcatraz, l’excellent film du grand John Frankenheimer), la nécessité de composer avec plusieurs âmes sensibles ou encore compatissantes ; d’autre part, Clarence Maclin, ancien de Sing Sing, l’institution carcérale, jouant son propre rôle avec une sensibilité latente, cachée sous des dehors de fausse virilité sans concessions. Il surmonte les épreuves, s’entête à vouloir imposer des changements pour un pièce en devenir. Comédie ou drame, telle est la question.

Violence, sexualité, marginalité excessive, autant de codes des drames carcéraux qu’évitent un cinéaste qui, désormais, ne peut plus revenir en arrière. Ses prochaines réalisations devront confirmer leur originalité.

Un film essentiellement inhabituel autant pour les cinéphiles avertis que pour un public exigeant, friand de découvertes hors du commun, d’un « vrai cinéma » et susceptible de mieux comprendre quelques principes fondateurs du behaviorisme.

La direction photo de Pat Scola (du récent, toujours en salle, A Quiet Place: Day One / Un coin tranquille – Jour 1) et le montage de Parker Laramie contribuent de faire en sorte que la cohésion entre la narration et l’expérience formelle demeure des plus équilibrées.

Un film essentiellement inhabituel autant pour les cinéphiles avertis que pour un public exigeant, friand de découvertes hors du commun, d’un « vrai cinéma » et susceptible de mieux comprendre quelques principes fondateurs du behaviorisme.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Greg Kwedar

Scénario : Greg Kwedar, Clint Bentley. D’après
The Sing Sing Follies,
de John. H. Richardson et
Breakin’ the Mummy’s Code, de Brent Buell.

Sur une idée de Clint Bentley, Greg Kwedar,
Clarence Maclin & John Divine G Whitfield
Direction photo : Sayombhu Mukdeeprom
Montage : Noemi Katharina Preiswerk
Musique : Hardis Stefánsdótir

Genre(s)
Drame social
Origine(s)
États-Unis

Année : 2023 – Durée : 1 h 46 min
Langue(s)
V.o. : anglais ; s.-t.f.
Sing Sing

Greg Kwedar

Dist. [ Contact ] @
Entract Films
[ Elevation Pictures ]

Diffusion @
Cineplex

Classement
Visa GÉNÉRAL

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Twilight of the Warriors: Walled In

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 9 août 2024

RÉSUMÉ SUCCINCT
Dans les années 80, le seul endroit de Hong Kong où la Loi Britannique ne s’appliquait pas était la redoutable Citadelle de Kowloon, une enclave livrée aux gangs et trafics en tous genres.

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★ ½

La reconstitution de cette « City of Darkness » (qu’on peut traduire par « ville des ténèbres »), autre titre anglais du film de Soi Cheang est d’une poésie transcendante malgré son côté apocalyptique, glauque, obsédant,  alternant, du point de vue de la caméra, de plongées en contre-plongées, donnant ainsi une puissance d’évocation à la fois hallucinante et déchirante.

Hong Kong

côté sombre

Les tonalités chromatiques grises et basanées, optant pour les lumières sombres sont fréquentes pour illustrer certains lieux. Le Hong Kong des années 80 du siècle dernier, celui des enseignes au néon, des cabarets, des maisons closes, des endroits interlopes, de la pègre locale, des triades, des contrebandes, de la prostitution, des interdits.

Une faune bigarrée de réfugiés venus de partout qui composent une agglomération incontrôlable. Dans les endroits les plus démunis, hors de la grande ville, elle aussi pervertie, filmée comme une jungle en effervescence, toujours sujette aux pires sévices mais où une population largement déshéritée a depuis longtemps été habituée.

Et soudain… ennemis.

De Soi Chean, on se rappellera, entre autres, et avec bonheur, de son Dog Bite Dog (Gau ngao gau, 2006). Ici, et c’est bien intentionnel de sa part, il s’agit d’un regard nostalgique à la fois ethnographique et cinématographique. Il réussit amplement sa proposition par une esthétique de la reproduction, parfois comme s’il s’agissait de peintures allégoriques d’une ville enfoncée dans le néant.

En parallèle, des habitations cossues des poids lourds du blanchiment d’argent et du trafic d’influence et des narcotiques de toutes espèces. La police se mêle dans ces jeux de pouvoir.

Mais le cinéaste, à juste titre, humanise certains personnages de la déchéance morale, comme celui de Cyclone, campée par un Louis Koo exceptionnel, alternant entre un humanisme bon-enfant, parfois incontrôlé et le gangstérisme irréprochable auquel il adhère, et auquel tous ceux du milieu se doivent allégeance, faute de quoi…

Le dernier plan du film, magique, vu presque à vol (bas) d’oiseau est filmé comme l’ode à une ville qui, dans les années qui suivront, changera complètement, suite à la démolition de la ville des ténèbres. Mais les triades, elles, continueront d’exister. Effectivement, le plan a rarement produit un effet aussi transcendant.

La grande surprise du film est la présence foudroyante de Raymond Lam, apportant à son rôle de Chan Lok-kwun une aptitude et un charisme électrisants. Ses combats dans des lieux étroits sont d’une minutie magnifiquement chorégraphiée, à l’intérieur d’un tas de ferraille, des installations insalubres, des lieux clos sans issue, des extérieurs où la foule demeure captive face aux règlements de compte qui se jouent régulièrement.

Le dernier plan du film, magique, vu presque à vol (bas) d’oiseau est filmé comme l’ode à une ville qui, dans les années qui suivront, changera complètement, suite à la démolition de la ville des ténèbres. Mais les triades, elles, continueront d’exister. Effectivement, le plan a rarement produit un effet aussi transcendant.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Soi Cheang

Scénario : Au Kin-Yee, Chan Tai-Lee, Jun Li
Shum Kwan-Sin. Tiré de la BD de Yu Yi
Direction photo : Cheng Siu-Keung
Montage : Cheung Ka-Fai
Musique : Kenji Kawai

Genre(s) : Action
Origine(s) : Hong Kong

Année : 2024 – Durée : 2 h 06 min
Langue(s)
V.o. : cantonais, mandarin ; s.-t.a.
Jiǔlóng chéng zhài·wéichéng
City of Darkness

Soi Cheang


Dist. [ Contact ] @
A-Z Films
[ Well Go USA Entertainment ]

Diffusion @
Cineplex

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

[ Violence ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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