Palermo Palermo

CRITIQUE
[ Danse. ]

★★★★

texte | Élie CASTIEL

Et soudain, sans qu’on s’y attende, un mur de briques servant de décor à l’arrière-scène s’effondre, causant un bruit infernal. Celui de Berlin, sans doute, comme métaphore de ceux qui encombrent encore le monde actuel. La proposition est donc établie dès le départ. Le public est conquis d’avance.

Comme un sirocco

Pièce incontournable de la regrettée Pina Bausch, immense instant chorégraphique ressuscité pour une nouvelle génération. Mêmes sons de cloche sociaux et politiques qu’en 1989, un  peu avant la chute du célèbre Mur séparant l’Est de l’Ouest, aujourd’hui des murs qui résistent aux revendications du monde libre et dressent le bilan d’un monde qui se dirige vers le néant.

Pas dans le cas des créateurs comme les artistes du Tanztheater Wuppertal, lieu mythique de tous les possibles en matière de danse, théâtre, improvisation et tout ce qui se réfère aux jeux du mouvement. Ces innovateurs s’adressent aux spectateurs d’un nouveau siècle, mais n’empêche qu’ils sentent le besoin de continuer, à l’instar de la principale instigatrice, de provoquer, de forcer le regard à remettre en question les fondements d’une certaine société de la destruction.

Et entre ces débordements frisant parfois le ridicule, l’insensé, la fraude, l’improvisation, la tendresse envers l’autre, ou l’effroi peut-être, selon les circonstances, notre cerveau de spectateur passif ne cesse de penser à ce qui se passe de nos jours – Ukraine, bien sûr, vu la date fatidique d’anniversaire d’invasion par la Russie, la résistance, comme il est question dans cette œuvre qui désobéit au temps.

Les gestes du quotidien réinventés.
Crédit : Oliver Look

Même si au fond, on peut sentir par-ci, par-là, quelques élans de déjà-vu, de cette volonté de ne pas trop faire tomber l’édifice géniteur, rendant l’hommage à Bausch encore plus véridique et senti.

Musiques variées, issues de nombreuses régions du monde comme le Japon, l’Afrique… Étranges tonalités qui s’immiscent dans ces mouvements sans aucun sens; et puis, le Jazz des origines qui, soudain, rejoignent des chorégraphies plus conventionnelles, de purs moments de grâce autant pour l’œil que pour l’ouïe.

Les répétitions sont constantes, on y adhère ou pas, selon nos convictions. Mais qu’importe, ces changements de costumes, ces enjambées frisant parfois l’athlétisme triomphant, les danseuses et les danseurs de cette troupe dynamique y sont habitué.es.

Dans le décor, très varié, les forces de la nature et la mise en perspective théâtral se permettent des variations, mais plus que tout s’accordent pour parvenir à un accord.

On n’a d’égard pour aucune convention, excepté celle de s’accorder une totale liberté de mouvement. Force est pour nous d’admettre qu’il est difficile de reconnaître la différence entre le contrôlé et l’improvisé.

Ces incantations musicales à l’italienne nous parlent d’un temps multiple, ancien et nouveau. Plus que spectacle chorégraphique, Palermo Palermo est un poème, une fable, une folie aussi dévastatrice qu’édificatrice. Comme un sirocco qui s’abat sur le littoral  méditerranéen.

Les corps se déchaînent, les voix (qui devraient être plus hautes – parfois on avait du mal à comprendre) s’adressent autant en anglais qu’en français. Aucun sens et puis, une logique de tous les instants. Notre regard est constamment mis en épreuve.

Et puis Palermo, ce lieu italien quelque part en Sicile, lieu de tous les débordements, souvenirs d’une Seconde Guerre mondiale qui, du coup, revient sur scène pour nous hanter.

Ces incantations musicales à l’italienne nous parlent d’un temps multiple, ancien et nouveau. Plus que spectacle chorégraphique, Palermo Palermo est un poème, une fable, une folie aussi dévastatrice qu’édificatrice. Comme un sirocco qui s’abat sur le littoral  méditerranéen.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Chorégraphie
Pina Bausch
Mise en scène
Pina Bausch
Interprètes
Danseuses et danseurs
du Tanztheater Wuppertal

Pina Bausch.
Crédit : Wilfried Krüger

Scénographie
Peter Pabst
Costumes
Marion Cito

Durée
2 h 55 min

[ Incluant entracte ]

Diffusion & Billets @
Danse Danse

Place des Arts
[ Salle Wilfrid-Pelletier ]
— 20 h —

Jusqu’au 25 février 2023

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]