Perdre Mario
P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 11 février 2022
SUCCINCTEMENT.
Le 22 mai 2015, Mario s’est logé une balle de calibre 22 dans la tête. Mario était également le meilleur et le plus vieil ami du réalisateur du film. Celui-ci décrit ce qui a précédé le geste ultime de Mario et démonte la mécanique du désarroi vécu par sa bande d’amis tissés serrés.
LE FILM
de la semaine
CRITIQUE.
★★★★
texte
Élie Castiel
La maison au bord du lac
Documentariste notamment pour la télé, Carl Leblanc signe pour le cinéma, en 2010, un regard personnel sur l’Holocauste en prenant comme point de repère une simple image, une carte de vœux d’anniversaire clandestinement créées par des prisonnières pour la fête d’une de leurs collègues.
Aucun mouvement de pathos, aucun recours aux images d’archives maintes fois reléguées à l’Histoire et à la mémoire, mais un objet anodin, un souvenir qui repose sur l’individuel et pas le collectif. Une façon somme toute originale d’envisager la tragédie et de pérenniser la mémoire. Le cœur d’Auschwitz, une œuvre plénière, essentielle.
Même trajectoire temporelle dans Perdre Mario, mais dans un ton encore plus personnel, plus charnel, car tournant autour d’un être proche, voulant que le plan consiste à le rendre incarné, se substituant à lui presque dans une sorte de mise en abyme consistant à faire du disparu un intervenant ressuscité pour raconter son histoire, bien triste parce qu’occultée malgré son caractère aussi convivial que sincère.
L’authenticité dans Perdre Mario réside justement dans son refus de procéder à un quelconque album de photos – certains plans cèdent cependant, mais il sont comptés – qui mettraient l’auto-sacrifié dans un piédestal, comme s’il s’agissait d’une icône à vénérer.
Cette maison près du lac demeure le point d’ancrage, le sanctuaire, infranchissable pour les autres, d’une bande de copains, hommes et femmes, aux idées sans doute divergentes, mais soutenus par un même désir d’amitié, de partage, de désir de se rencontrer. Image idyllique sans doute, mais dans le registre humaniste de Leblanc, une sorte de volonté à secouer le temps de ses intempéries.
Le cinéaste livre son côté stratège lorsque son regard sur la perte devient une sorte d’enquête menée comme un thriller psychologique. Mario devient ainsi le héros inventé d’une œuvre de fiction déconstruite par le biais du documentaire.
Et Perdre Mario se transforme en une extraordinaire et captivante mise en abyme sur le cinéma : comment fabriquer un film par le biais, ajoutons, sans cynisme, d’un fait divers. Par l’images aussi, ici celle d’un Alex Margineanu emporté par le sujet, même dans ces envolées d’animation ponctuées par François Fortin; et une photographie en noir et blanc somptueuse lorsqu’il est question d’exprimer l’inconscient, aussi sinueux.
… l’émotion, celle à laquelle tout le monde s’attend, ne vient-elle pas justement du détachement que procure Carl Leblanc, soit pour ne pas se sentir trop éprouvé et continuer à vivre ou encore utiliser le cinéma comme moyen spatio-temporel de conforter la mémoire et immortaliser le souvenir.
Les têtes parlantes sont présentes, et, contre toute attente, livrent des témoignages de psychologues aguerris, réunissant les conditions nécessaires pour comprendre le « personnage » en question, puisqu’il s’agit en quelque sorte du protagoniste « réel » d’un histoire intime partagée.
On découvre la solitude d’un être, tue, occultée, démoniaque, du fait peut-être de ne pas partager cette paternité tant souhaitée, d’aimer quelqu’un dans le sens amoureux du terme. Et l’émotion, celle à laquelle tout le monde s’attend, ne vient-elle pas justement du détachement que procure Carl Leblanc, soit pour ne pas se sentir trop éprouvé et continuer à vivre ou encore utiliser le cinéma comme moyen spatio-temporel de conforter la mémoire et immortaliser le souvenir. Somme toute, de se protéger soi-même des influences hostiles.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Carl Leblanc
Scénario
Carl Leblanc
Direction photo
Alex Margineanu
Montage
Carl Leblanc, Sylvain Caron
Marie Girault
Animations
François Fortin
Musique
Anthony Rozankovic
Genre(s)
Documentaire
Origine(s)
Canada [Québec]
Année : 2021 – Durée : 1 h 25 min
Langue(s)
V.o. : français
Perdre Mario
Dist. [ Contact ] @
Les Films du 3 mars
Classement
Visa Général
Diffusion @
Cinéma Beaubien
Cinémathèque québécoise
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]