Poor Things
PRIMEUR
Sortie
Vendredi 15 décembre 2023
Une jeune femme, Bella, est ramenée à la vie par le brillant et peu orthodoxe Dr Godwin Baxter. Sous sa protection, elle a soif d’apprendre. Elle fera, entre autres, l’apprentissage de la sexualité, grâce à Duncan Wedderburn, un avocat habile et débauché.
Le FILM
de la semaine
CRITIQUE
Élie Castiel
★★★★
Voler
de ses
propres ailes
Une folie, quelque chose qu’on ne pourrait pas imaginer venant de l’imaginaire de Yórgos Lánthimos : explorer l’univers de Frankenstein et ses velléités exploratrices, à sa façon. Quelque chose de l’ordre de la fantasmagorie, simplement d’un mirage qui va dans tous les sens et qui, par l’apport des interprétations d’un ensemble totalement convaincu par cette proposition troublante, troublée, émanant de l’irréel, soumet le spectateur à un voyage exceptionnellement baroque ou surréaliste.
Bella Baxter (excellente et diversifiée Emma Stone – qui, apparemment sera de la distribution dans le prochain Lánthimos, cette fois-ci tourné en Grèce – est cobaye de son propre père (enfin, père cette fois-ci, scientifique), lui-même une sorte d’objet mécanique (on n’a quoi voir son visage) qui carbure aux expériences qui dépassent tout ce qu’on ne peut imaginer.
Et pour le Grec Lánthimos, l’occasion d’avoir ressources aux anachronismes, aux prises de position subversives, aux troublantes correspondances aussi bien physiques que psychiques entre les principaux intéressés. Et pourtant, d’une façon ou d’une autre, l’amour se faufile à l’horizon. Effectivement, il est question de cette sensation qui ne s’explique pas dans ce film hybride, fou, colérique et quasi prétentieux.
Lánthimos s’en défend tout simplement en assumant cette particularité. Il dessine à gros traits certaines situations, se permet de faux pas qu’il ne rejette pas, trouvant en ces maladresses, voire même imprudences, des codes relatifs au jeu. Car c’est à l’idée du délassement intempestif, rebelle, délinquent, mal-élevé que se dessinent les grandes lignes de ces Pauvres créatures (titre français) et dont la sexualité est le divertissement le plus important, notamment dans le cas de Bella, celle qui renaît grâce aux tentatives réalisées par son (néo)père – comme toujours, impeccable Willem Dafoe qui a l’habitude de se faufiler avec aplomb dans tous les rôles qu’on lui propose. La sculpturale beauté (re)découvre la vie, comme s’il s’agissait d’une nouvelle naissance.
Mais dans son périple plutôt insistant, c’est à un discours de la morale féminine (non pas féministe) de la sexualité qu’on assiste. L’homme (très bon Mark Ruffalo) en question n’est plus le séducteur qu’on a toujours connu, mais celui qui, à un moment, ne peut plus ou moins assumer (vous l’aurez compris) ses penchants naturels. Dans ce renversement des rôles prescrits par une certaine (im)moralité patriarcale et misogyne (la femme, uniquement objet du désir), Yorgos Lanthimos se fait lui-même, pour d’aucuns, l’avocat du diable.
On pourrait dire qu’il s’agit d’une exploration dans le domaine de l’ethnologie de l’espèce. Rien de moins que cela. Le XIXe siècle tente de séduire le XXe, et vice-versa. Ce n’est pas très précis, mais à bien observer, c’est là, comme si, du coup, le cinéaste se livrait à un sorte de topo visuel sur la temporalité et son effet sur le for intérieur de notre charpente corporelle.
Érotique pour les bonnes raisons, discursif pour l’effet qu’il produit sur le « regard » et tout particulièrement, sur l’humour vitriolique qu’il porte sur la condition humaine.
Le noir et blanc cède son statut noble à la couleur. La couleur emboîte le pas au noir et blanc. Ses deux supports chromatiques participent de ce jeu de rapports de forces entre le désiré et le soumis. En attendant, le côté scientifique de l’entreprise se normalise, devenant un nouvel ordre moral dans le domaine du comportement. La fiction n’est plus de l’apparat de la fantaisie ou, selon le cas, du fantasme, même fantastique, mais s’immisce dans la vraie fiction.
Pour Yorgos Lanthimos, en comparaison à ses œuvres précédentes, y compris les grecques, ce film ressemble à une « parenthèse enchantée » avec toutes ses dérives, ses failles volontaires, ses discours sur l’état du monde, ancien, présent et futur et, mine de rien, sur le caractère ambivalent, cruel, romantique, sensuel et érotique de la charpente humaine.
On pourrait dire qu’il s’agit d’une exploration dans le domaine de l’ethnologie de l’espèce. Rien de moins que cela. Le XIXe siècle tente de séduire le XXe, et vice-versa. Ce n’est pas très précis, mais à bien observer, c’est là, comme si, du coup, le cinéaste se livrait à un sorte de topo visuel sur la temporalité et son effet sur le for intérieur de notre charpente corporelle.
Érotique pour les bonnes raisons, discursif pour l’effet qu’il produit sur le « regard » et tout particulièrement, sur l’humour vitriolique qu’il porte sur la condition humaine.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Yórgos Lánthimos
Scénario
Tony McNamara. D’après le roman
éponyme de Alasdair Gray
Direction photo
Robbie Ryan
Montage
Yórgos Mavropsarídis
Musique
Jerskin Fendrix
Genre
Satire fantaisiste
Origines
États-Unis / Irlande
Grande-Bretagne
Année : 2023 – Durée : 2 h 21 min
Langue
V.o. : anglais, s.-t.f.
Pauvres créatures
Dist. [ Contact ] @
Searchlight Pictures
[ Walt Disney Studios ]
Diffusion @
Cinéma du Parc
Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
[ Érotisme ]
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]