Pornodyssée

RECENSION
[ Société ]

texte
Élie Castiel

★★★ ½

Lecture idéale pour finir en beauté(s) et en frissons libidineux cet été pandémique et accueillir, on l’espère, en santé et sans cette étrange bête lumineuse et invisible, le reste de 2020. Étrange syntaxe dans cette enquête, très majoritairement hétérosexuelle, sur la porno en territoire québécois, mélange de phrases savantes et parler populaire, même très populaire. C’est à se demander à qui s’adresse le livre en question. Peu importe néanmoins.

Une chose est claire, Jean-Marc Beausoleil, conscient de son expérience acquise à coups de curiosité(s), de fantasmes sans doute, de fascination pour le corps de la femme (il le dira lui-même à un moment), n’y va pas de main morte. On sent, dans cette étude, comme une sorte de story-board en gestation, comme s’il s’agissait de la préparation d’un film, d’un documentaire sur la question sans doute. Et pourquoi pas?

Québec

          interdit

Les prénoms d’usage ont été changés dans la plupart des cas, mais de toute évidence, selon l’auteur, la question se devait d’être abordée. J’acquiesce totalement.

Les studios de tournage n’ont rien de particulier car seule l’action veut vouloir dire quelque chose. C’est partout pareil, mais on ne tourne pas qu’à Montréal. Le sexe en région bat son plein, parfois même jusqu’à faire rougir la métropole, non pas de honte, mais de jalousie. Dans un sens, mis à part les adeptes, est-il certain que nombreux sont ceux et celles qui savent qu’il se fait du porno pour diffusion sur le Net ou en formats numériques au Québec? J’en étais conscient, mais pas au point où le décrit Beausoleil.

Oui, Beausoleil qui semble avoir lié des amitiés sincères avec tout ce beau monde, parfois de façon intime entre lui et les intervenants, plutôt les intervenantes. À lire Pornodyssée, belle trouvaille de titre, on songe à un Ulysse en voyage aux pays du sexe. Et contrairement au héros Grec de l’antiquité, il ne retrouvera pas sa belle Hélène, au contraire, une raison, une justification à l’entreprise de son ouvrage. Son aveu est la chose la plus bouleversante de ces 172 pages – « La lumière de la mémoire s’embrasait, refoulant les ténèbres, me dévoilant différent de ce que j’avais cru être. Dans le fond, je suis passé près des destins de Guillaume et Mam Steel (des noms d’emprunt sans doute) : prostitution, porno, avec tout ce que cela comporte. » (page 172). Finale brutale, sans concessions, révélatrice, dite en forme de poème urbain, dans un moment de folie ou peut-être de clarté. Après avoir rédigé tant de pages sur le sexe qui se vend, sur ces gestes et ces mouvements perpétuels qui altèrent nos sens, et surtout sur le fait que nous voyons tous et toutes du porno, Beausoleil se rend compte qu’en parlant de ces choses, il parle aussi de lui. Les détails de son aventure attendent dans la dernière page et quart.

Si notre texte ne contient qu’une seule citation, c’est bel et bien intentionnel, pour vous laisser le soin de découvrir, page après page, le secret de ces « nuits chaudes du Québec ». Le reste, à chacun son discours. Nous sommes nés du sexe, n’est-ce pas? D’une certaine façon, il colonise nos vies par intermittences. Le reste, c’est de la modération.

Jean-Marc Beausoleil
Pornodyssée :
Une saison dans l’industrie pornographique québécoise
Montréal : Éditions Somme toute, 2020

172 pages
[ Sans ill. ]
ISBN : 978-2-89794-163-5
21.95 $

ÉTOILES FILANTES
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★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]