Possessor

PRIMEUR
Sortie
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Vendredi 8 janvier 2021

SUCCINCTEMENT
Agente au sein d’une organisation secrète, Tasya Vos se retrouve coincée dans le corps d’un suspect involontaire dont l’appétit pour le meurtre et la violence dépasse le sien de très loin.

CRITIQUE.

texte
Élie Castiel

★★★

La proposition est claire, l’emprise de la technologie sur l’individu, nous le savons déjà depuis longtemps, peut atteindre des niveaux hallucinants, effrayants, hors de la réalité. Nous le savons trop ces derniers temps où la pandémie et la situation chez nos voisins du Sud ont pris des proportions surréalistes. Et lorsque cette dépendance permet de réaliser un film d’épouvante, disons mieux « de genre », et que le signataire n’est nul autre que le fiston (apparemment déjà intronisé par une certaine critique, notamment la milléniale) de David Cronenberg, l’intouchable du cinéma canadien, et faut-il l’admette, souvent à juste titre, force est de souligner que l’héritier a su apprendre à merveille les leçons de son père. On peut prétendre que les trois enfants de David Cronenberg ont grandi dans une atmosphère cinématographique hors du commun; et que grâce soit rendue à ce père qui n’a reculé devant rien pour que sa vision du monde et du cinéma se perpétue dans sa descendance. Tradition oblige.

Mutations

sémantiques

Intentionnellement, pour ne pas gâcher votre plaisir et demeurer infidèle à un certaine habitude critique, nous ne parlerons pas de l’intrigue. Les thèmes, cependant, abondent : les nouvelles technologies, leur implantation dans les organisations scientifiques, le gouvernement sans aucun doute, l’individu, dans les relations affectives, sociales, dans notre affect. On parle aussi de mutations chez les individus qui, par la force des nouveaux procédés techniques, s’affichent comme des métaphores sur la manipulation, sur la prise en main illégale de certains organismes par le biais du terrorisme virtuel, mais transformé, pour les besoins du film, en contact (in)humains.

La mise en scène, abstraite, le plus souvent déstabilisante, n’offrant aucun moment ni de rachat ni de répit, favorise, comme dans les films de David C., l’hémoglobine, comme si ce liquide était ce qui, dans notre être, l’essentielle partie de la vie. Et lorsque atrophiée, jetée en pâture par la technologie, le constat n’est que plus affligeant.

Possessor est un discours inhabituel sur la sémantique des mutations physiques et psychologiques de notre être, un regard sur un monde en changement perpétuel qu’on pourrait, à moyen ou long terme, ne plus jamais reconnaître.

Comme chez David C., les allusions à la sexualité (hétérosexuelle) sont nombreuses, insistant sur le fait que celle-ci est étroitement liée aux fluides corporels. D’où ces brèves scènes (pour mieux dire « plans ») où le rapport charnel prône son total détachement romantique ou de plaisir, au profit d’une activité purement biologique. Jamais film ne fut aussi clinique, froid, distant, jubilatoirement malsain. Entre le film de genre et celui de science-fiction, Possessor n’en demeure pas moins un exercice de style, élément que Brendon Cronenberg caresse avec le plus grand soin, grâce notamment à la direction photo de Karim Hussain, célèbre réalisateur et caméraman canadien, dont la dernière mise en scène, La belle bête, remonte à 2006, qui, comme de nombreux cinéphiles le savent, caresse une prédilection pour la sève écarlate.

Tous les interprètes, par ailleurs, souscrivent à cette proposition inquiétante, mais non pour le moins audacieuse, convaincus par la pugnacité d’un cinéaste dans la très jeune quarantaine qui a encore beaucoup de choses à dire.

Et plus que tout, Possessor est un discours inhabituel sur la sémantique des mutations physiques et psychologiques de notre être, un regard sur un monde en changement perpétuel qu’on pourrait, à moyen ou long terme, ne plus jamais reconnaître.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Brandon Cronenberg

Scénario
Brandon Cronenberg

Images
Karim Hussain

Montage
Matthew Hannam

Genre(s)
Épouvante
Science-fiction

Origine(s)
Canada
Grande-Bretagne

Année : 2019 – Durée : 1 h 44 min

Langue(s)
 V.o. : anglais / s.-t.f.
Possesseur

Dist. @
Entract Films

Classement
Interdit aux moins de 16 ans
[ Violence ]

Diffusion @
Cinéma Moderne

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]