Programme double
@ Studio Cabaret
Espace St-Denis

CRITIQUE
[ Art circassien ]

Élie Castiel

Toute

nudité

ne

sera

pas

châtiée

Un programme double bien qu’il s’agisse de deux productions tout à fait à part l’une de l’autre, mais jointes par un dénominateur commun : la folie de continuer à séduire un public, avouons-le, conquis d’avance.

Public montréalais, pour être bien précis; et comme on le sait, depuis des lustres, revendiquant ses habitudes en matière de spectacles sur scène, quelle que soit la discipline, à coups d’ovations debout (on ne lésine jamais sur le terme anglais standing ovation), parfois, et même plus, sans véritable intention, comme s’il faisait partie du spectacle. Du vrai bonbon pour les artistes de la scène.

BARBU / ★★★
À première vue, particulièrement si c’est notre première expérience avec le Cirque Alfonse, une totale désorientation, due aux nombreux effets disparates de la mise en scène – Alain Francoeur, tout de même conséquent – des espaces qui s’imbriquent l’un dans l’autre et, intentionnellement, sans aucune logique, des effets vidéos longeant les murs qui passent des insectes repoussants mais bien filmés, aux fleurs (le jaune domine), sans compter sur des corps  masculins où le poil revendique ses droits – une originalité que certains apprécierons, selon les goûts… et autres afféteries. fragiles

Mais après mûre réflexion, de retour sur notre table de travail, nous réalisons qu’il s’agit ici d’un retour aux sources d’un art populaire, régional plus qu’urbain, sincère plus que démonstratif, jouissif plus que sensationnel. Spectacle de foire, acrobaties où l’on se permet des fautes incidentelles – c’est pas grave, les spectateurs en raffolent et peuvent, d’une certaine façon, s’identifier aux protagonistes de cette folie circassienne.

Les corps, surtout des hommes, ne sont pas parfaits. C’est souvent le guy next door que tout le monde connaît et qui a sans doute un double emploi, celui d’un boulot traditionnel le jour et artiste de cirque le soir. Les costumes suivent une tradition à la Fellini, tout est kitsch – voir ces caftans marocains vêtus par certains artistes venus saluer en arrière-salle public (amis et parenté). Le spectacle est binaire, ce qui veut dire, pour la circonstance, hétéro et gai. Tous ces protagonistes s’en donnent à cœur joie qu’importe la qualité de leurs prestations.

Assis en arrière de la salle, devant moi des spectateurs qui cachaient la vue, m’obligeant à bouger sans cesse la tête – vrai problème dans certaines salles, je n’adhère pas totalement au spectacle. Ce n’est qu’après coup que la pure sensation d’avoir assisté à un tableau circassien qui impose ses propres règles, ses origines régionales (et pourquoi pas), son entière désorganisation que nous sommes en mesure de reconnaître sa singularité.

Assis en arrière de la salle, devant moi des spectateurs qui cachaient la vue, m’obligeant à bouger sans cesse la tête – vrai problème dans certaines salles, je n’adhère pas totalement au spectacle. Ce n’est qu’après coup que la pure sensation d’avoir assisté à un tableau circassien qui impose ses propres règles, ses origines régionales (et pourquoi pas), son entière désorganisation que nous sommes en mesure de reconnaître sa singularité.

 

DIRTY LAUNDRY / ★★★★
Le burlesque, le spectacle de cabaret à l’ancienne, celui de l’âge d’or (fin des années 50 et une première moitié des 60), aujourd’hui revu et corrigé par les Drag Queens toujours propices à la nostalgie d’une autre époque. On le sent dans le vaste champ musical, dans l’étalage des costumes, dans la mise en scène bien rôdée, l’ambiance cabaretière, le rapprochement avec le public, les blagues coquines, aguichantes, sexuellement permissives.

Mais dans ce spectacle où le burlesque et l’art circassien se conjuguent admirablement, une constante réhabilitation du spectacle érotique d’antan, disparu en raison de luttes sociales que l’on connaît. Et pourtant, hier soir, à voir de près, il y a, dans ce genre de show, particulièrement lorsqu’il est question de nudité (ici, surtout masculine), une sorte d’affrontement réfléchi entre le regard voyeur du spectateur et l’acte suggéré. Le geste, parfois le maquillage, le déshabillage progressif deviennent des armes de combat contre l’agression, ne résultant qu’en forme de fantasme dans le regard passif des spectateurs. Le nu devient intouchable.

Barbada, en co-animatrice de la soirée, la Drag qui a fait couler beaucoup d’encre dans les rangs de la droite québécoise, n’hésite pas une minute à remettre en place ses détracteurs. C’est direct, sans censure – le spectacle est après tout pour les 18 ans et plus – proclamant haut et fort la liberté d’expression. Aux spectateurs, elle raconte à la manière qu’on raconte aux enfants, cette histoire de p’tits lutins qu’on retrouve dans Le magicien d’Oz (The Wizard of Oz), ce conte et film ultra-queer. La métaphore cesse de l’être pour devenir « arme de combat », revendication sociale, signe révélateur d’un autre temps.

Dirty Laundry suggère plus qu’il ne montre, montre plus que ce qu’il retient, connaît les limites fragiles de l’indécence et promet un spectacle érotique d’une extraordinaire force d’attraction.

Entre l’ENC (École nationale de cirque), le Burlesque, le spectacle de foire sophistiqué, le Cabaret comme les Folies Bergère de Paris, l’ancien Lido de la même ville Lumière et le Sexy nocturne, Dirty Laundry suggère plus qu’il ne montre, montre plus que ce qu’il retient, connaît les limites fragiles de l’indécence et promet un spectacle érotique d’une extraordinaire force d’attraction.

 Représentations & Billets @
Espace St-Denis
[ Studio Cabaret ]

Barbu / Dirty Laundry
NB : Dirty Laundry affiche complet, mais tentez votre
chance avec les billets de dernière minute.

Avis
BarbuInterdit aux moins de 13 ans
Dirty LaundryInterdit aux moins de 18 ans
Jusqu’au 16 juillet 2023

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]