Projet Polytechnique
@ TNM
| Arts de la
S C È N E |
CRITIQUE
[ Théâtre ]
Élie Castiel
★★★★
Ombres
errantes
Une intéressante proposition qui tient sur une corde raide, prête à être livrée, 34 ans plus tard, aux spectateurs et spectatrices de nouvelles générations qui, malgré le passage du temps depuis les évènements fatidiques à l’École polytechnique (UdeM) du 6 décembre 1989, réalisent que rien n’a vraiment changé. En fait, voire même empiré en raison d’une société globale qui ne sait plus où elle se dirige vraiment.
Sur scène, une liste des principales tueries perpétrées au cours des dernières années en Amérique du Nord est affichée. Il sera question également, à l’intérieur de ce non-récit, de la tuerie de masse au Centre culturel islamique de Québec, en 2017, perpétrée par Alexandre Bissonnette. Ces parallèles constituent en quelque sorte le fer de lance de ce théâtre documentaire, sans doute le spectacle dramaturgique le plus percutant de cette première partie de la saison théâtrale.
Montrer les évènements de cette journée tragique aurait sans doute été à la fois sensationnaliste et, du point de vue créatif, empreint de facilités. Même le film de Denis Villeneuve, simplement Polytechnique (2009), dans sa démonstration directe, faisait preuve d’inventivité et d’une illustration esthétique valable dans la réalisation.
Marie-Joanne Boucher et Jean-Marc Dalphond, dans cette soif inébranlable de comprendre, de saisir les contours psychologiques de Marc Lépine, le tueur, ont créé un récit surréaliste qui traverse les divers ponts de l’activité théâtrale.
Une mise en scène signée Marie-Josée Bastien qui va dans tous les sens, se permet des raccourcis comme des longueurs – voir même des incursions dans le domaine de l’intime dont on se demande ce qu’elles font là.
Le décor de Marie-Renée Bourget-Harvey participe activement de ce jeu théâtral de tous les possibles. Peu importe le décor, les lumières, les comédiennes et les comédiennes qui circulent autour d’une scène devenue « théâtre de la vie ».
Boucher et Dalphond déclarent que « Nos têtes remplies de questions, nous y avons travaillé en gardant dans notre cœur la mémoire de ces 14 femmes assassinées. »
Ce qui laisse entrevoir qu’un certain humour subtile, une poésie de la raison, un communauté d’âmes errantes, comme ces dialogues en champ/contrechamp qui affiche la pénombre des intervenants. Comme si, par enchantement, ce qui se passe sur scène devenait une sorte de rêve/cauchemar éveillé en pleine agitation, un monde parallèle provisoire à l’intérieur duquel les spectateurs et spectatrices sont les témoins d’une situation inextricable.
Intentionnellement, ou ce n’est peut-être pas le cas, par moments, à bien observer, la proposition des auteurs semblent encore en construction lors de la pièce présentée. Comme si du coup, elle appartenait à quelque chose qui n’a pas atteint totalement son but. Et c’est sans doute mieux comme ça.
Narrativement, l’ensemble est de l’ordre des suppositions – hormis l’évènement évoqué. Il ne reste plus que l’actualité du moment qui nous rappelle que les atrocités continuent.
Projet Polytechnique est une enquête, de nos jours, auprès de ceux et celles proches des victimes, y compris ceux qui défendaient la cause de l’auteur de la tuerie – misogynie, féminicide, sexisme, haine des femmes. La tuerie a fait couler beaucoup d’encre et, aujourd’hui, les réseaux sociaux alimentent les discours haineux et les aberrations les plus scandaleuses.
Intentionnellement, ou ce n’est peut-être pas le cas, par moments, à bien observer, la proposition des auteurs semblent encore en construction lors de la pièce présentée. Comme si du coup, elle appartenait à quelque chose qui n’a pas atteint totalement son but. Et c’est sans doute mieux comme ça.
FICHE ARTISTIQUE
Projet Polytechnique
Création
Marie-Joanne Boucher
Jean-Marc Dalphond
Collaboration au texte
Stéphan Allard
Direction artistique
Annabel Soutar
Alex Ivanovici
Mise en scène
Marie-Josée Bastien
Assistance à la mise en scène
Stéphanie Capistrani-Lalonde
Interprètes
Stéphane Allard, Mustapha Aramis
Lamia Benhacine, Marie-Johanne Boucher
Jean-Marc Dalphond, Estelle Esse
Julie McInnes, Jules Ronfard
Cynthia Wu-Maheux
Décor
Marie-Renée Bourget-Harvey
Costumes
Cynthia St-Gelais
Son & Musique
Ludovic Bonnier
Vidéo
Amelia May-Scott
Durée
2 h 50 min
[ Incluant entracte ]
Diffusion & Billets @
Théâtre du Nouveau Monde
Jusqu’au 13 décembre 2023
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]