Royan, la professeure de français
@ TNM
CRITIQUE.
[ Scène ]
★★★
texte
Élie Castiel
Le titre est une évidence, une idée d’écriture qui passe par le vécu, par une expérience qui ne laisse pas la mémoire intacte. Un texte qui fait partie de la littérature du monologue.
Se
cacher
des
convenances
En format-lecture, une expérience qui peut s’avérer bénéfique, qui rejoint notre conscient, nos appréhensions, nos doutes, toutes ces sensations inexplicables. Ses incidents de la vie que, parfois, nous occultons, pour tenter de mieux vivre.
Sur scène, par contre, l’exercice est plus périlleux, même si dans ce cas, l’auteure a expressément écrit le texte pour Nicole Garcia.
Dans l’espace dramaturgique, le jeu est plus pointilleux puisque l’unique personnage occupant le terrain n’est que le comédien ou dans le cas de Royan, la professeure de français, une comédienne. Nicole Garcia, avant tout le cinéma, mais aussi au petit écran et au théâtre, bien sûr.
Garcia s’est intéressée au récit de Marie Ndiaye, auteure qui pèse ses mots, les mesure jusqu’à les posséder. Évite que ‘son’ personnage dise n’importe quoi. Elle est tout à fait consciente que son texte sera, en principe, lu. Sur scène, c’est autre chose.
Frédéric Bélier-Garcia, fils de l’immense actrice, s’est lui aussi laissé guider par ce texte tenant de la gageure. De la part du duo, ce qui semble le plus évident, c’est ce désir profond, urgent, de transposer sur scène l’inadaptable. Quoi qu’il en coûte.
Comment vivre des personnages qu’on raconte. Comment se livrer, face aux spectateurs. Car dans le monologue théâtral, et dans ce le cas qui nous préoccupe, plus que jamais, il s’agit d’une sorte de « procès » auquel on assiste et dont l’auditoire serait autant les spectateurs que les juges d’instruction.
La proposition est d’autant plus noble, intense, insoutenable. La mise en scène de Frédéric Bélier Garcia magistralement soutenue par le décor, à la fois austère et emblématique de Jacques Gabel.
Pour Bélier-Garcia, par quels moyens séparer les liens qui l’unissent à sa mère dans cet exercice, encore une fois, périlleux et quasi rocambolesque.
Et soudain, une parenthèse enchantée. Gabrielle, la professeure créée par Ndiaye est née à Oran, comme Garcia elle-même. Un point commun. On sait déjà que les originaires d’Algérie, ces ‘pieds noirs’ d’une autre époque, alimentent encore certains discours. La mémoire n’a pas oublié.
Un exil (forcé). Un nouveau pays, la France, endroit pas toujours accueillant. Garcia, seule sur scène, raconte ses déboires, les doutes d’une jeune fille de 17 ans, débarquée dans l’Hexagone avec sa mère.
Dans ce processus de création, il sera surtout question de Daniella, cette étudiante pas comme les autres dont nous tairons son insubordination, avec comme résultat…
C’est une pièce qui parle de culpabilité surtout, mais aussi de rejet, de mise à l’écart, d’ostracisme comme on dit.
Le lieu du récit où se trouve Gabrielle : l’escalier qui mène à son appartement où l’attend un couple. Daniella, leur fille, une des élèves de la professeure, s’est suicidée il y a peu de temps.
La proposition est noble, intense, insoutenable. La mise en scène de Frédéric Bélier Garcia magistralement soutenue par le décor, à la fois austère et emblématique de Jacques Gabel.
Et une actrice qui a déjà confirmé son talent au cinéma et dans la réalisation. Que s’est-il passé vraiment ce soir de Première alors qu’on entendait à peine ce qu’elle disait, comme si elle pesait ses mots; comme si, du coup, elle avait décidé de dissimuler sa confession par le biais de murmures. Sauf lorsqu’elle élève la voix dans ces moments où le discours devient plus exigeant. Contribuant aussi à une occupation de l’espace scénique pas toujours précise. Finalement, Royan, la professeure de français laisse un goût mi-figue mi-raisin. Dommage, puisque nous attendions ce moment théâtral avec impatience.
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
Marie Ndiaye
Mise en scène
Frédéric Bélier Garcia
Interprète
Nicole Garcia
Scénographie
Jacques Gabel
Costumes
Camille Janbon
Éclairages
Dominique Bruguière
Assistée de Pierre Gaillardot
Durée
1 h 10 min
[ Sans entracte ]
Auditoire (recommandé)
Tout public
[ Déconseillé aux jeunes enfants ]
Diffusion & Billets @
TNM
Jusqu’au 17 juin 2023
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen.★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]