Sam & Angèle
CRITIQUE.
[ Scène contemporaine ]
★★★ ½
texte
Élie Castiel
L’ennui et
sa diversion,
l’art du néant
À priori, un « collage d’idées » (sic) non identifié. Du jamais vu, quelque chose qui dépasse l’imagination, ou encore mieux, en prend possession pour semer le doute, la désorientation chez les spectateurs.
Prendre un risque avec eux, les jeter quelles que soient les conséquences dans une sorte de non (wo)man’s land, un terrain à découvert qui ne va nulle part. Et c’est peut-être là où réside la singularité du spectacle. Une proposition qui n’en est pas une.
La Chapelle – Scènes contemporaines, plutôt « scènes parallèles » puisque tout s’invente, tout se déconstruit, tout s’apparente à l’ingénieux et au n’importe quoi.
Une chose est certaine : les deux complices projettent un sans-gêne hallucinant, ignorent le qu’en-dira-t-on, soulève si on veut aller loin, la controverse, l’ordre établi.
Elles chantent, pas vraiment bien… mais peu importe. On comprend (surtout entend) à peine ce qu’elles disent, chacune à leur tour, les deux ensemble. Elles bougent pour que le tout fasse « art de la représentation ». C’est inaudible et on se rend compte que c’est fait exprès.
En fait, la proposition Sam & Angèle est une variation provocatrice du spectacle sur scène. Elles sont tout à fait conscientes que ça ne peut pas dépasser une heure. En fait, ça dure moins. Le risque qu’elles prennent avec les spectateurs est immense, mais elles semblent absorbées dans leur(s) propre(s) territoire(s).
Le décor, issue de l’imagination fertile de la québécoise d’origine marocaine, Leïla Mestari, parsemé d’embûches, présente des non-objets, des inventions faites de pièces difformes, très colorées, certes, aux tons pastel, ceux de l’enfance, des balbutiements qu’on offre au monde.
C’est de l’anti-théâtre, de l’anti-spectacle et peut-être bien une sorte de révolte contre ce monde adulte qui a perdu la tête (n’est-ce pas vrai avec les ruses russes – pas de jeu de mots – contre l’Ukraine que nous vivons en temps réel grâce aux nouvelles technologies ?). La scénographie se dresse justement contre toutes ces avancées néfastes. On ne comprend rien à ce qui se déroule sur scène. C’est le but, cette idée de « foutre le bordel », prenant conscience que tout est à recommencer. N’est pas essentiel dans le monde d’aujourd’hui ?
La bataille est gagnée : il s’agit d’une performance non identifiée qui fait l’apologie de la si contemporaine nothingness, quelque chose comme le néant, le rien, l’absent, le manque, le vide… et tout ce qui peut passer par l’imagination.
Et d’un coup, comme par magie, c’est environ au cours des quinze dernières minutes que le tout prend forme, que les intentions se dévoilent au grand jour, assument leur(s) différence(s). L’une assise par terre, le dos au mur, même chose pour l’autre dans un autre mur. Les deux positions forment un 90º fascinant où le jeu d’éclairage se dissipe peu à peu pour anéantir le présent.
La bataille est gagnée : il s’agit d’une performance non identifiée qui fait l’apologie de la si contemporaine nothingness, quelque chose comme le néant, le rien, l’absent, le manque, le vide… et tout ce qui peut passer par l’imagination.
L’ennui devient alors un art consommé qui, finalement, assume son identité, sa place sociale. L’abattement se politise. Jamais acte démocratique ne fut aussi intense.
Ce soir de Première, la salle, comble à 100 %, est ébahie.
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Instigateur
Sovann Rochon – Prom Tep
Performance / Cocréation
Samantha Hinds
Angélique Wilkie
Installation visuelle
Laïla Mestari
Éclairages
Jonathan Cleveland
Production
La Chapelle Scènes contemporaines
Diagramme – Gestion culturelle
Agora de la danse
Durée
50 min
[ sans entracte ]
Diffusion @
La Chapelle
Mardi 08 mars 2022 / 19 h
Jeudi 10 et Vendredi 11 mars / 20 h
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]