[San Francisco] Alonzo King Lines Ballet

CRITIQUE

| Élie Castiel – ★★★★|
L’INSPIRATION ET L’EXIGENCE DU MOMENT

Étrange et sublime spectacle que The Propelled Heart (Le cœur animé), dernière proposition de la Saison 2018/19 de Danse Danse. Première incursion à Montréal d’un chorégraphe hors-pair, réunissant magistralement ballet classique et danse moderne, défiant le temps et l’espace telles des notions organiques. Pour Alonzo King, le mouvement et la scène deviennent des entités des tous les possibles et ses interprètes ne cessent de le rappeler.

Tant d’occasions de provoquer le geste à l’intérieur d’un environnement neutre, d’où la simplicité du décor qui ne jure que par très peu d’effets d’ambiance, et plus sur des éclairages qui savent s’interposer entre les danseuses et les danseurs d’une troupe totalement abandonnée à l’art qu’elle professe.

Exigeant, délicat et gracieux et dans le même temps grave, provocant, intentionnellement agressif, respectant tout ce qu’un public averti attend de toutes compagnies de danse.

Pas de deux, solos, variations en groupe, et une chanteuse, Lisa Fischer, entière, surprenante, évoquant ce qu’il y a de mieux chez la grande Nina Simone; même âme soutenue dans le geste et le rythme, une identité vocale quasi identique, mariant la musique et les mots aux gestes affectueux et soudain, comme par magie, devenus vivants, alertes, dynamiques. On sent dans ce spectacle quelque chose de céleste, de spirituel, de différent de ce que l’on a vu jusqu’à présent.

Exigeant, délicat et gracieux et dans le même temps grave, provocant, intentionnellement agressif, respectant tout ce qu’un public averti attend de toutes compagnies de danse.

Nous sommes ravis devant la continuité d’un récit qui raconte « l’âme » par chapitres, seize en tout; comme des vignettes chorégraphiées qui donnent naissance à un tout d’une quasi parfaite cohérence, magique, sensuelle et délibérément érotique. On sera également extasié par la brillance et simplicité des costumes, tout particulièrement féminins, qui sont clairement des clins d’œil amicaux aux origines classiques de la danse. À souligner aussi la présence discrète et à la fois puissante du compositeur JC Maillard.

Tant d’énergie, de savoir-faire et de dévotion pour l’art chorégraphique rappelle au public que cette art de la représentation peut parfois se transformer comme par magie en une métaphore illuminée de notre vécu.

Alonzo King Lines Ballet

Crédit photo: ©Quinn B. Wharton

FICHE TECHNIQUE

Chorégraphie: Alonzo King.
Musique (arrangements et performance): JC Maillard, Lisa Fischer.
Éclairages: Axel Morgenthaler.
Son: Philip Perkins.
Costumes: Robert Rosenwasser.
Confection des costumes et teinture: Joan Raymond.
Confection du kimono de Mme Fischer: Keely Weiman.
Interprètes: Babatunji, Robb Beresford, Adji Cissoko, Madeline DeVries, Shuaib Elhassan, James Gowan, Ilaria Guerra, Maya Harr, Yuchin Kim, Ashley Mayeux, Michael Montgomery, Jeffrey Van Sciver.
Diffusion: Danse Danse
Représentations: Jusqu’au 4 mai 2019 / 20 h, Place des Arts, (Théâtre Maisonneuve)