Spielberg a-t-il contracté une « wokite » aiguë ?
TRIBUNE LIBRE.
texte
Sylvio Le Blanc
Étonnamment, les dialogues en espagnol dans la version originale du film West Side Story, produit par Steven Spielberg, ne sont pas traduits et sous-titrés en anglais pour le bénéfice des spectateurs qui ne parlent pas la langue de Cervantès aux États-Unis, un pays où l’on parle pourtant principalement celle de Shakespeare.
Le réputé réalisateur s’en est expliqué lors d’une conférence de presse : « Quand ils se retrouvent dans la sphère privée, les personnages passent de l’anglais à l’espagnol. Quand elle est en public, Anita demande par contre à tous de parler anglais pour complaire aux New-Yorkais et mieux s’assimiler. Il aurait été irrespectueux selon moi de traduire une langue qui existe par elle-même. J’aime aussi l’idée que puissent se côtoyer dans une même salle des spectateurs anglophones et hispanophones, qui ne réagiront peut-être pas de la même façon aux mêmes endroits. »
Il serait donc irrespectueux de traduire une langue. Les wokistes dépassent les bornes. Si les dialogues en espagnol sont riches de sens, les spectateurs unilingues anglophones ne réagiront certainement pas de la même manière que les hispanophones bilingues, pour la simple raison qu’il manquera des informations aux premiers pour tout saisir.
Le scénariste Tony Kushner a de son côté précisé : « J’espère que ceux qui ne comprennent pas l’espagnol reviendront voir le film avec quelqu’un qui comprend cette langue. » Comme si la majorité des États-Uniens unilingues anglophones avaient un amigo prêt à jouer le traducteur de service. Quand un groupe majoritaire se satisfait de ce que des minorités vivent chacune dans leur village retranché, c’est l’incarnation parfaite du multiculturalisme, si cher au Canada anglais. La tour de Babel est visible à l’horizon.
Vous imaginez si, en France, un réalisateur-producteur décidait de ne pas sous-titrer en français des dialogues en breton dans un film où les personnages s’expriment principalement en français, soi-disant par respect pour les bretonophones. De même, vous imaginez si, au Québec, un réalisateur-producteur décidait de ne pas sous-titrer en français des dialogues en anglais dans un film où les personnages s’expriment principalement en français québécois, soi-disant par respect pour les anglophones. Grand dieu, il serait illico boycotté !
Le wokisme sévit vraiment dans tous les domaines. Spielberg ne réalise pas qu’en empêchant les spectateurs unilingues anglophones majoritaires dans son pays de pleinement saisir ce que se disent entre eux les personnages hispanophones dans sa comédie musicale, il érige un petit mur d’incompréhension entre les deux communautés.