Pleurs
@ Espace Libre

CRITIQUE
[ Scène ]

texte : Élie Castiel

★★★ ½

À bout

portant

À la toute fin, ce que l’on croyait être une rencontre avec le public (mais peut-être que nous avons tort de le croire) fait sans doute partie de cette pièce inusitée, instable. L’ensemble des comédiennes/comédiens sont assis devant le public et s’expriment sur l’ensemble de ce que nous avons vu auparavant, et très vite, le ton change comme si de rien n’était. Une façon comme une autre de dissuader le public, enthousiaste, du bien-fondé d’une entreprise subversive, du jamais-vu auparavant – ce n’est pas par hasard si c’est une production du Nouveau Théâtre Expérimental –, une nouvelle catégorie d’hybridité scénique fourre-tout qui a pour but de rendre la folie, l’absurde, le faux sans-fondement dans des situations hors du commun, une nouvelle identité comportementale.Suite

Classique(s)
@ TNM

CRITIQUE
[ Scène ]
Élie Castiel

★★★★

L’insoutenable

légèreté

de l’être

Tel un maître de cérémonie.
Crédit : Yves Renaud

Des questions à la fois existentielles et de l’ordre de la création que se sont posées les incontournables Fanny Britt et Mani Soleymanlou. Un texte à la fois hybride, dans son sens affirmatif le plus noble et rendant justice à la scène ; car de ces nombreuses errances à travers le psyché humain, une charge de notre monde, notre individualité, nos désespoirs face à un vécu humain qui se déchire et sous les dehors de résilience, nous empêche peut-être de réagir.

Peut-être bien que les deux auteurs visent trop haut, essayant par tous les moyens de s’inscrire dans plusieurs univers à la fois, par-ci, par-là, faisant cas de toutes ces velléités qui s’emparent de nous du jour au lendemain et nous empêchent de survivre. On serait tenté de dire « ainsi va le monde » ou encore « ça a été toujours comme ça ».

Effectivement, un « classique » de l’activité cérébrale humaine, de la pensée, de notre rapport au monde, à l’existence, aux autres, aux guerres, à l’environnement. C’est le constat que l’on se pose dans cette œuvre qui, sous des apparences d’un humour pince-sans-rire et populaire, n’en est pas moins qu’une charge non loin de vitriolique de l’état actuel des choses.

On évoquera Poutine, Trump, bien entendu, le conflit au Moyen-Orient (offrant peut-être une seule voix discordante, plutôt que deux) ; on parlera d’économie, de responsabilités sociales, de trous de mémoire prémédités.

Et bien sûr de l’importance (ou pas) des classiques du théâtre dans nos vies et dans notre imaginaire. Sincère constat de Britt et de Soleymanlou qui se rapportent le plus souvent à la tragédie grecque, berceau de la scène, que Soleymanlou, en début du spectacle, nous explique avec autant d’esprit que de dérision. Car Mani Soleymanlou est également un comédien accompli grâce à son jeu d’une physicalité étonnante, sans doute issue de son Iran natal, combiné avec cet esprit québécois dissuasif.

Un rapport jouissif à la scène.
Crédit : Yves Renaud

À la question « Les classiques sont-ils condamnés à n’être que de somptueux tombeaux culturels dans lesquels on ensevelit les spectateurs sous le poids des siècles ? » que suggère le programme de la soirée, on ne répondra pas à cette question. D’une part, pour éviter les surprises que procurent ce spectacle multiforme et dans le même temps pour donner l’opportunité à l’auditoire de se faire sa propre morale.

Normalement, le champ/contrechamp scénique prime au théâtre, mais ici, on s’adresse la plupart du temps directement à la salle (fallait-il également le rappeler ?), comme si du coup, chacun, chacune des personnes présentes se sentait intégrée aux divers univers proposés et devait se faire à l’idée qu’elle fait partie intégrante de ce qui se joue devant elle.

Sentir émotionnellement le moment.
Crédit : Yves Renaud

[ … ] spectacle inusité et qui par moments, succombe à la tentation de donner libre court à ces classiques de l’Antiquité grecque (Antigone, Médée), par un tour de magie, offrant des échanges classiques auréolés d’une contemporanéité conquérante, prouvant une fois pour toutes que les choses n’ont pas vraiment changé.

Un casting de choix, dont, à titre personnel, Kathleen Fortin domine, justement en s’assurant qu’elle ne vole pas la vedette. Tous/tes les autres, dont Benoît McGinnis qu’on a vu récemment en James Bond (impeccable) dans un concert donné par l’orchestre FILMHarmonique dédié au célèbre Agent 007, ont ceci de particulier qu’ils contribuent à ce spectacle inusité et qui par moments, succombe à la tentation de donner libre court à ces classiques de l’Antiquité grecque (Antigone, Médée), par un tour de magie, offrant des échanges classiques auréolés d’une contemporanéité conquérante, prouvant une fois pour toutes que les choses n’ont pas vraiment changé.

En fin de parcours, nous sommes en droit de nous poser la question sur la morale de cette histoire qui se perd dans la nuit des temps, illustrant de façon cocasse aussi bien qu’acerbe notre insuffisante et insoutenable légèreté.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE

Texte
Fanny Britt

Mani Soleymanlou
Mise en scène
Mani Soleymanlou
Assistance à la m.e.s.
Jean Gaudreau

Distribution
Louise Cardinal, Martin Drainville
Kathleen Fortin, Julie Le Breton
Jean-Moïse Martin, Benoît McGinnis
Madeleine Sarr, Mani Soleymanlou
Musicien(nes)
Mélanie Bélair (violon), Alexis Elina (piano)
Annie Gadbois (violoncelle), Nicola Boulay
(trompette, en alt.), Rémy Cormier (en alt.)

Crédit : Jean-François Gratton

Scénographie : Martin Labrecque, Mani Soleymanlou
Costumes : Cynthia St-Gelais
Éclairages : Martin Labrecque
Musique : Philippe Brault

Durée
2 h
[ Sans entracte ]
Diffusion & Billets @
TNM
(Salle Gascon-Roux)
Jusqu’au jeudi 10 avril 2025

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

 

Marcello Mio

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 14 mars 2025

RÉSUMÉ SUCCINCT
C’est l’histoire d’une femme qui s’appelle Chiara. Elle est actrice, elle est la fille de Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve et le temps d’un été, chahutée dans sa propre vie, elle se raconte qu’elle devrait plutôt vivre la vie de son père.

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★

Une mise en abyme

organiquement fusionnelle

 

Il y a, dans le récent Christophe Honoré, ce côté sensible à faire des portraits de personnages, dans plusieurs cas, atypiques, et plus particulièrement dans celui de ce Marcello Mastroianni réinventé, élégiaque Marcello Mio qui, intrinsèquement à ce à quoi on assiste dans la fiction, est empreint de douce nostalgie, d’une mélancolie difficile à articuler.

Ce sentiment de tristesse se manifeste dans un geste, une expression, un champ/contrechamp inespérée, quelques paroles prononcées. Mais aussi, et surtout, dans le travestissement de l’excellente Chiara Mastroianni dans le double de son père. Bien entendu, elle n’est pas lui, mais dans cette imperfection de sa tentative de lui ressembler, on est tenté d’y croire – Catherine Deneuve, dans le rôle de Catherine Deneuve, sa mère dans le film et dans la vraie vie lui dira naïvement qu’elle « ressemble plus à son père ».

Comme si on ne le savait pas déjà depuis toujours ! Paroles veines, alors ? Pas du tout ; pour Honoré, une sorte de rapport à la vraie vie, à ce lien familial chez les Mastroianni/Deneuve et ceux et celles qui se sont ajouté(es) au groupe pour, du coup, inventer un noyau social.

Le temps qu’il faudra pour s’arrêter.

N’essayons pas de faire des analogies avec une certaine littérature française, même si Malraux, auquel j’ai pensé, notamment dans sa vision funèbre d’une certaine façon de « vivre l’existence » est transparente. Au-delà de ce constat existentiel et purement intellectuel, le cinéaste cinquantenaire, ouvertement homosexuel, va rendre ce Marcello Mastroianni, autrefois et toujours « latin lover extraordinaire », un personnage hybride – Même si dans Une journée particulière (Una giornata particolare) parmi les meilleurs d’Ettore Scola – est-ce essentiel d’expliquer ? – qui entre dans cet univers camp, queer, également souligné par la présence du bel officier britannique qui semble débarqué d’une autre époque et qui dans une courte scène mémorable, …

C’est un film personnel, intime, éternellement jeune, comme une renaissance qui s’accomplit dans un magnifique dernier plan où le flot du large ne peut être rien d’autre que d’absoudre les traumatismes enfouis.

Belle juxtaposition de la notion d’espace/temps même si le film a lieu de nos jours ; les quelques retours en arrière, comme par exemple le bref extrait de Divorce à l’italienne (Divorzio all’italiana), montré à deux ou trois reprises, où on remarquera l’incontournable Stefania Sandrelli renvoyant à une scène d’émission populaire de télévision en Italie qui m’a paru la plus faible, pour la simple raison qu’elle ne va pas loin dans son développement. Et plus encore, la récente Sandrelli fait partie de cette émission.

Deneuve et Catherine D. dans le film ; Biolay est Benjamin B. aussi ; tous les personnages gardent leur identité car il s’agit d’une mise en scène hybride s’appuyant sur cette magnifique notion de la mise en abyme, susceptible de rallier le temps et l’espace dans une logique quasi intemporelle.

C’est un film personnel, intime, éternellement jeune, comme une renaissance qui s’accomplit dans un magnifique dernier plan où le flot du large ne peut être rien d’autre que d’absoudre les traumatismes enfouis.

Mais Marcello Mio est également la mise en perspective que nous avons de voir ces vedettes, mortes ou vivantes, qui ont ou continuent de marquer notre vécu imparfait d’une façon ou d’une autre.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Christophe Honoré

Scénario : Christophe Honoré. Direction photo : Rémy Chevrin. Montage : Chantal Hymans. Musique : Alex Beaupain.

Genre(s)
Drame psychologique
Origine(s)
France / Italie
Année : 2024 – Durée : 2 h 02 min
Langue(s)
V.o. : français, italien; s.-t.f. / s.-t.a.
Marcello mio

Christophe Honoré

Dist. [ Contact ] @
A-Z Films
[ Les Films Pelléas ]

Diffusion @
Cinéma Beaubien
Cinéma Beaubien

Classement
Visa GÉNÉRAL

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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