Une vie intelligente
@ Duceppe

CRITIQUE
[ Scène ]

Élie Castiel
★★★

Le

meilleur

des

mondes

possibles

Nous aurions voulu sorti béats de ce à quoi nous nous attendions ; salle, bien entendu, archi-comble, public enthousiaste avant même le début. Présentations comme lors d’une très importante soirée.

Et puis… ça débute, ça continue… et se dirige dans tous les sens. Nous aurions voulu quelque chose de plus robuste, d’aller dans le vif du sujet, de proposer des moyens de s’adapter à cette réalité. En somme, un phénomène social auquel nous serons (sommes) confrontés tôt ou tard.

Présentation de personnages qui déballent des vérités, des astuces pour s’habituer à ce nouvel emballage techno-scientifique qui colonise notre conscient et dans un sens, pourrait mettre en péril l’Humain en tant qu’espèce biologique. Mais plus que tout, une machine intelligente qui, si nous croyons certaines critiques, remplacera notre capacité de réfléchir et de mettre en péril notre créativité.

‘Objet’ de convoitise pour les jeunes générations, promesse d’un futur inquiétant pour les autres. Toujours est-il que le texte de Dominique Lerclerc essaie de patauger avec plusieurs niveaux de lecture. Avouons que c’est, la plupart du temps, dans un langage clair, à la portée de tous.

Jusqu’ici, jusqu’à preuve du contraire, tout va bien.
Crédit : Danny Taillon

Théâtre à la sauce secondaire-premier-cycle, IA 101, intervention sur vidéo de Joshua Bengio, expert en la matière au Québec (au Canada) qui donne son point de vue sans vraiment parler des rapports entre l’IA et le facteur humain.

Le public est invité à participer à des expérimentation bizarres avec, comme but, d’épater la galerie. Il répond affirmativement. 

Avouons néanmoins qu’il y a, dans la mise en scène de Leclerc et de Patrice Charbonneau-Brunelle, une volonté sincère de créer divers univers, créant pour ainsi dire une expérience de science-fiction surréaliste qui tantôt émerveille, tantôt nous laisse pantois. C’est étrange, étonnant, du jamais-vu même si le théâtre-documentaire a déjà été mis en scène dans le passé.

‘Objet’ de convoitise pour les jeunes générations, promesse d’un futur inquiétant pour les autres. Toujours est-il que le texte de Dominique Lerclerc essaie de patauger avec plusieurs niveaux de lecture. Avouons que c’est, la plupart du temps, dans un langage clair, à la portée de tous.

On soulignera la musique de Frédéric Auger et l’apport du contenu-vidéo, très important dans ce genre de proposition, de Allison Moore. Mais là où le bât blesse, c’est de savoir si Une vie intelligente est une dénonciation de l’IA ou, au contraire, une glorification de « ce qui s’en vient », comme l’illustre parfaitement bien cet immense tronc de tête d’un certain Elon, gratifié de ‘1’.

Dans le programme, il est dit « À ce stade-ci de notre évolution, alors que notre espèce semble tout mettre en œuvre pour provoquer sa propre extinction, pouvons-nous clamer tout haut et fort que nous sommes intelligent-es ? » Ce constat, à lui seul, nous permet de croire que Une vie intelligente est une proposition scénique essentielle.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Texte
Dominique Leclerc
Mise en scène
Dominique Leclerc, Patrice Charbonneau-Brunelle
Assistance à la mise en scène
Chloé Ekker

Distribution
Thomas Emmaüs Adetou, Dominique Leclerc

Catherine Mathys, Félix Monette-Dubeau
Marcel Pomerio, Natalie Tannous
Armaryllis Tremblay

Scénographie
Dominique Leclerc, Patrice Charbonneau-Brunelle

Costumes : Jessica Poirier-Chang
Éclairages : Lucie Bazzo
Musique : Frédéric Auger

Concept-Vidéo : Allison Moore

 

Crédit : DUCEPPE

Durée
1 h 45 min
[ Sans entracte ]
Public suggéré
Déconseillé aux moins de 13 ans
Diffusion & Billets @
Duceppe
Jusqu’au 29 mars 2025

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Corps ouverts
@ Prospero (Salle intime)

CRITIQUE
[ Scène ]

Élie Castiel
★★★

La chair

colonisée

Coralie Lemieux-Sabourin se pose un tas de questions sur l’acte médical des transplantations d’organes ; dans son cas, elle évoque celle du foie qu’elle aurait subie à 22 ans. Si dans le privé, on suppose, ces interrogations sont de l’ordre purement médical et existentiel, ici sur scène, elles prennent une tournure presque philosophique, voir métaphorique, comme si cette intrusion dans le corps se présentait comme une invasion du privé dont on ne peut plus se débarrasser ; il ne reste donc plus que de tenter d’établir une sorte de lien affectif avec le donneur, bien entendu, décédé.

Cette intelligente proposition donne lieu à des moments dramatiques, drôles – parce que le public d’ici a toujours eu besoin d’humour même dans les plus grandes tragédies pour rire afin de tolérer mieux la tension –, des niveaux d’interprétation multiples puisque divers personnages font partie du décor. Sur scène, Sébastien Gauthier (versatile, efficace), Amélie Prévost, une excellente présence qui nivelle son jeu jusqu’à atteindre , et Geneviève Labelle, alter ego de l’autrice qui, comme par un tour de prestidigitation, réussit à rendre les mots créés aussi vulnérables que potentiellement évocateurs.

Comme une sorte d’ingénierie médicale.
Crédit : Katya Konioukhova

De l’écran, avec le documentaire Émilienne et le temps qui passe, Lemieux-Sabourin poursuit du côté de la scène avec un essai intime, trop intime même, allant jusqu’à évoquer son homosexualité – détails qui ne contribue pas du tout au thème principal, mais ces derniers temps, c’est devenu une mode autant à l’écran que dans les arts de la scène. Mais bon !

Les médicaments qu’il faut prendre après la greffe, les exercices à faire, les nombreuses sautes d’humeur, son rapport aux autres, celui à soi, à la vie. Un travail de réflexion nécessitant un effort difficile à gérer.

[ … ] les spectateurs doivent composer avec une proposition atypique qui les oblige à revoir leur notion du regard. Ce corps dont il est question, en quelque part colonisé, est étranger dans tous les cas. Et le pire, c’est qu’il s’agit d’une colonisation essentielle difficile à gérer.

Un corps de laboratoire est présenté et les deux médecin-légistes nous donne un aperçu qui, soyons honnêtes, ne nous laisse pas indifférents. Peu importe, entre « voyeurisme » involontairement scabreux et souhait de montrer la réalité telle qu’elle; les spectateurs doivent composer avec une proposition atypique qui les oblige à revoir leur notion du regard. Ce corps dont il est question, en quelque part colonisé, est étranger dans tous les cas. Et le pire, c’est qu’il s’agit d’une colonisation essentielle difficile à gérer. 

Par les temps qui courent, le système de santé au Québec est largement surmené. Dans cet ordre d’idée, Corps ouverts nous paraît comme une pièce essentielle malgré les quelques légères failles d’une mise en scène un tant soit peu dispersée.

Crédit : Théâtre Prospero

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Texte
Coralie Lemieux-Sabourin
Mise en scène
Coralie Lemieux-Sabourin ; avec la
collaboration de Mélodie Noël Rousseau
Assistance à la mise en scène
Heldy Zack Soupraya

Distribution
Sébastien Gauthier

Geneviève Labelle
Amélie Prévost

Décor : Anne-Sara Gendron
Lumière : Joëlle Leblanc
Costumes : Audreyline Lanoix
Concept-son : Agathe Dupéré

 

Durée
1 h 15 min
[ Sans entracte ]
Public (suggéré)
Déconseillé aux moins de 13 ans
diffusion & billets @
Prospero
Jusqu’au 15 mars 2025

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

 

Superboys of Malegaon

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 28 février 2025

RÉSUMÉ SUCCINCT
Un aspirant cinéaste réunit son groupe d’amis pour réaliser un film sur sa ville, Malegaon.

 

COUP de ❤️
de la semaine

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★★ ½

Le cinéma

et

rien d’autre

Beau pari pour Cineplex Pictures de distribuer ce Grand Petit bijou du cinéma indien, un film totalement inattendu dans la veine populaire, majoritaire, de cette cinématographique nationale, encore sujette aux spectacles à grands déploiements et, nous ne le dirons pas assez, tentant de trouver de nouvelles voies face à un public plus exigeant. Une importante précision : nous respectons hautement le cinéma indien indépendant qui, hors des sentiers battus, explore avec défiance et détermination un cinéma autre, comme ailleurs en Occident.

Et pour cause, puisque ces anciens codes se doivent de céder leur place à des conventions actuelles, scellant cette ouverture vers un XXIe siècle déjà amorcé d’un quart de sa durée. Sur ce point, le cinéma hindi grand public s’ouvre aux autres langues parlées du continent et ne recule devant rien pour aborder, par exemple, les films de genre, avec grand succès.

Ces Superboys of Malegaon est un véritable phénomène ; d’une part, c’est réalisé par une jeune femme ouvertement lesbienne qui ne sent le moindre besoin d’afficher cette part de sa personnalité pour défendre la cause. Au contraire, le film est avant tout une lettre d’amour adressée au cinéma. Et surtout, soyons prudents et évitons de faussement le comparer à ce Cinema Paradiso de la fin des années 80, d’un certain Giuseppe Tornatore qu’on a un peu perdu de vue, et film que nous avions fort apprécié.

Donner un sens aux images en mouvement.

Superboys of Malegaon est un film légitime, une proposition qui se démarque par son originalité issue d’une cinéaste qui n’a rien à cirer avec les approximations. Elle juxtapose les genres avec esprit, savoir-faire et une dose d’humour humaniste qu’elle injecte dans presque toutes les séquences.

Oui, il y aura une brève séquence chorégraphiée à la Bollywood, un deux mariages arrangés avec le paternel de deux familles, comme, encore une fois, dans les films Bollywood.

Mais il existe, dans ce groupe de copains/frères/complices qui déploient une volonté de fer pour tourner (une perte de temps pour les membres de leurs familles), de croire en les images en mouvement, de trouver quelque argent pour défendre leur salle de cinéma de fortune d’un quartier de Malegaon pour projeter leurs petites trouvailles. Grands succès, à voir la réaction d’une salle comble, l’enthousiasme des spectateurs, leur complicité surtout avec ce qui se passe à l’écran. Et dans ce groupe de complices, bientôt, des mésententes.

Car Superboys of Malegaon est aussi un film sur la notion de « spectature » qui, loin de sa signification philosophique ou intentionnellement intellectuelle, entre les mains de Kagti, devient comme par miracle, une illustration d’un mode social que les spectateurs indiens accordent au fameux « regard ». Une symbiose articulée et miraculeuse entre le montré et le vu (regardé).

Mais surtout, Superboys of Malegaon est un film sur la passion du cinéma, l’amitié qui s’effrite parfois selon les circonstances, les regrets, la responsabilité sociale et personnelle… et une dose de féminisme conquérant qui se transmet dans quelques scènes qu’il faut observer attentivement.

Parler de l’intrigue serait absolument tricher avec les surprises que le film propose ; notre ‘résumé succinct’ en dit les grandes lignes. Cela est amplement suffisant.

Ils ont pour prénoms Nasir, Shafik, Faroh, Akram… et j’en passe. Côté fille, notamment Mallika et Shabena. Des interprètes totalement investis les campent dans cette folle proposition qui situe le cinéma hindi grand public dans une sorte de positionnement complice, autant avec le public que la critique indienne, soit-dit-en passant, celle-ci souvent obnubilée par celle de l’Occident qui continue parfois à penser comme dans les années 70.

Mais surtout, Superboys of Malegaon est un film sur la passion du cinéma, l’amitié qui s’effrite parfois selon les circonstances, les regrets, la responsabilité sociale et personnelle… et une dose de féminisme conquérant qui se transmet dans quelques scènes qu’il faut observer attentivement.

Sans oublier cette séquence finale d’une grande émotion palpable qui ne peut laisser personne indifférent. Justement, ‘émotion”, une affection de l’esprit qui, dans certains cercles cinématographiques, est devenue taboue.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Reema Kagti

Scénario : Varun Grover
Direction photo : Swapnil S. Sonaware
Montage : Parnil Vishwasrao
Musique : Sachin-Jigar

Genre(s)
Comédie dramatique
Origine(s)
Inde
Année : 2024 – Durée : 2 h 07 min
Langue(s)
V.o. : hindi; s.-t.a.
Maalegaan ke suparaboy

Reema Kagti

Dist. [ Contact ] @
Cineplex Pictures
[ Amazon Prime Video ]

Diffusion @
Cineplex

Classement
Visa GÉNÉRAL

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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