Les enfants des autres

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 16 juin 2023

SUCCINCTEMENT.
Rachel a 40 ans, pas d’enfant. Elle aime sa vie : ses élèves du lycée, ses amis, ses ex, ses cours de guitare. En tombant amoureuse d’Ali, elle s’attache à Leila, 4 ans, sa fille de ce dernier.

 

Le FILM
de la semaine

CRITIQUE

★★★★

Assumer entièrement sa féminité, c’est surtout se sentir également libre de ses actes, d’accepter de remettre en question ses opinions, ses préacquis,  même après un divorce et lorsqu’on a un amant, séparé de sa femme, et père d’une enfant.

 

texte
Élie Castiel

Le cœur qui chavire

 

Mais elle n’a plus le temps que lorsqu’on a 20 ans. En toute conscience, elle voudrait être la « maman » de substitut, non pas par orgueil ou posssession, mais vivre ce qu’elle n’a pas pu réaliser jusqu’ici. Et c’est une comédienne d’exception, Virginie Efira, qui endosse ce rôle. Elle y consacre tout son être à ce personnage exigeant, épuisant même, tel que construit dans le nouveau film de Rebecca Zlotowski

Plus que jamais, l’auteure, entre autres, du reluisant Grand Central (2013), puise dans les contours du drame romanesque, bien plus, de la tragédie des relations qui ne se réalisent pas tel qu’on le voudrait. Et cette approche n’est que plus gagnante, car permettant des dispositifs narratifs plus intraitables comme se faire « accepter comme nouvelle mère » par Leïla, la petite de son amant, celle-ci incarnée par la très attachante et adorable Callie Ferreira-Gonçalves, étonnante de nuances et de sobriété.

Mais avant tout, dans son récit, d’une grande simplicité, Les enfants des autres, titre on ne peut plus mélo, dissimule les aspects excentriques d’un genre désuet pour créer une sorte d’intensité, de parcours quasi initiatique, comme se voir grandir à partir de rudes épreuves quelles que soient les conséquences.

Rendre possible l’intégration.

Et l’Homme, dans ce jeu de sentiments souvent aléatoires et de caresses éparses? Ali est vraiment épris de Rachel. Les quelques brèves séquences intimes traduisent l’engouement partagé et sincère entre elle et lui. Mais au fond, inconsciemment peut-être, il aime encore Alice (convaincante Chiara Mastroianni), celle avec qui il ne vit plus et qui, chacun son tour, partagent la garde de l’enfant.

Entre les sentiments du départ et ceux qui se forment entre-temps, quelles sont les lois de l’amour, du possible retour, de l’éternité d’une vie amoureuse? Paradoxes du bonheur qui n’existe peut-être que dans notre imaginaire, nos fantasmes.

Entre ces jeux de l’amour et du hasard, Rachel, qui se trouve dans un engrenage entre le prise de possession d’un rôle qu’elle n’a jamais eu jusqu’ici – être mère, se crée un monde d’illusions, de rêves sans doute insensés. Et si c’était possible après tout? Elle fera tous les efforts même s’il s’agit de l’enfant d’un autre. Belle allocution de la part de la cinéaste, ouverte à un nouveau discours, très actuel, sur la parentalité.

Pourtant, Rachel est entourée des élèves (d’une certaine façon, enfants) à qui elle enseigne la littérature dans un lycée. Le roman à l’ordre du jour, Les liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos. Mais ce n’est pas la même chose. Autant elles qu’eux ne lisent plus, sauf les messages sur leurs cellulaires. Ces élèves, ça ne compte pas. Pourtant, le Laclos, ressemble à ce Rachel vit en privé.

Elle ira même consulter un gynéco pour voir si elle peut encore concevoir – le Dr. Wiseman, campé avec un calme rassurant par le grand documentariste Frederick Wiseman, plus de 90 printemps, une référence des plus inattendues et de la part de Zlotowski, ça ressemble à une sorte de discours sur les formes de la narration, sur les cinéastes qui comptent, sur ce que le cinéma peut transmettre comme images.

Un film admirable mené tambour battant comme les frémissements d’un cœur qui chavire ou au contraire, renaît patiemment pour se reconstruire.

Et puis, soudain, comme par magie, Alice, qui se (re)pointe à l’horizon, faisant basculer le récit à 360º. Que se passera-t-il dans cet imbroglio amoureux des plus redoutables?

Les enfants des autres est un film fait de regards, de caresses aussi intimes que passagères, de moments qui prennent le temps de se composer ou au contraire, rétrécissent à vue d’œil.

Elle, c’est Rachel Friedmann, lui, c’est Ali Ben Attia. On l’aura compris, elle est juive, il est musulman. Qu’importe le partage des confessions. La judaïcité n’est ici illustrée que dans le privé – séquences, d’une année à l’autre, du Choffar, à la synagogue, où malgré tout, pour la mouvance juive, le rituel de la tradition permet de conserver l’identité intacte; mais dans le social, l’intégration et l’assimilation aux préceptes laïcs de la République demeurent des principes de vie fondamentaux dans un Hexagone contemporain, notamment dans les milieux urbains. Zlotowski n’a jamais été aussi lucide dans sa façon d’élucider ou au contraire, de compromettre les élans du cœur. Surtout lorsque ce facteur se confond avec l’intime.

Un film admirable mené tambour battant comme les frémissements d’un cœur qui chavire ou au contraire, renaît patiemment pour se reconstruire.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Rebecca Zlotowski

Scénario
Rebecca Zlotowski
Direction photo
George Lechaptois

Montage
Géraldine Mangenot
Musique
Robin Coudart
Gael Rakotondrabe

Rebecca Zlotowski.
Et si c’était encore possible.

Genre
Drame

Origine
France
Année : 2021 – Durée : 1 h 44 min
Langue(s)
V.o. : français; s.-t.a.

Other People’s Children

Dist. [ Contact ] @
Sphère Films
[ Wild Bunch International ]

 

 

Diffusion @
Cinéma Beaubien
Cineplex

Classement
Visa GÉNÉRAL
[ Déconseillé aux jeunes enfants ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Past Lives

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 16 juin 2023

SUCCINCTEMENT.
Nora et Hae Sung, deux amis d’enfance sont séparés après que la famille de Nora a émigré de Corée du Sud. Deux décennies plus tard, ils se retrouvent à New York.

CRITIQUE

★★★ ½

texte
Élie Castiel

 

Avant tout, le premier long métrage de Celine Song est fait de raffinements, séquences mémorables, d’odes aux amours de jeunesse même si elles ne se distinguent que par des jeux d’enfant innocents.

Le

temps

retrouvé

Et les années passent, d’où cette approche narrative chez Song, vouant au temps sa démarche constante, ses timides épanchements inavoués, ces choses qu’on n’ose pas dire et qui, du jour au lendemain, se transmettent par voix discordantes ou, au contraire, médusées par la recherche de la vérité.

Déjà, dans le titre du film, au générique du début, les vocables Past et Lives apparaissent sur une simple ligne, mais largement séparés, comme si d’une certaine façon, la cinéaste annonçait d’ores et déjà le dénouement de cette histoire d’amour.

Film autobiographique qui fredonne les origines sud-coréennes de la réalisatrice, et surtout son immigration, bien sûr avec ses parents, aux États-Unis. Mais déjà, à Séoul, cette famille d’artistes n’est-elle pas au courant de la civilisation occidentale qu’elle semble affectionner. Non seulement comme contrepoint à la rigidité d’une certaine culture asiatique, mais pour cette liberté acquise selon les fondements de la démocratie.

Celine Song, avant tout, sublime le plan, embellit les cadres d’accents de volupté et de sensualité qu’elle compare parfois aux clichés photographiques. Le visage de Nayoung, devenue avant même son arrivée à New York, Nora, est de la plupart des plans. Adulte, elle conserve sa coupe de cheveux qui évoque ces stars de la Nouvelle Vague française des années 60, quelque chose qui confirme le mythe, le superpose au réalisme et mine de rien, lui donne un caractère des plus séduisants.

L’implacable mutation du temps

Nora va épouser un jeune romancier new-yorkais de confession juive, et comme la plupart des hommes de sa condition, ne suivent leur religion que de façon uniquement identitaire – Le premier roman d’Arthur, c’est son prénom, s’intitule Boner (qui veut dire, dans un langage châtié, érection). Et qui semble avoir un certain succès. Hasard ou coïncidence?

Le premier amour de Nayoung (la très astucieuse jeune actrice Moon Seung-ah) est celui qu’elle éprouve pour Hae Sung (très belles partitions autant du jeune Leem Seung-min que de l’adulte Teo You), presque du même âge et qui partage les mêmes sentiments, même si exprimés différemment.

Tout semble croire qu’ils partageront, plus tard, leur amour. Départ de Nora. Par un concours de circonstances bien orchestrées, un lien par voie-courriel et zoom; la possibilité d’une rencontre.

Rencontres, en effet, à travers des laps de temps considérables qui font que les gens changent, les habitudes aussi, l’intégration totale à l’Amérique se manifeste à travers ses multiples variations.

Une chose est certaine. L’Amérique de Celine Song est celle d’une multitude d’individus, hommes et femmes, en provenance de presque toutes les parties du monde. L’Amérique blanche, elle, ne disparaîtra pas, certes, mais ne sera plus la même. Le monde change et avec lui, le rêve américain n’est plus ce qu’il était, mais il a muté, s’est transformé en quelque chose de plus rationnel, de plus proche de la réalité.

Past Lives est fait de ces rapports narratifs où le formel s’accomplit pour saisir de fond en comble la thèse de départ. Et lorsque les interprètes, sans exception, sont tous remarquables, le résultat n’est finalement que plus probant.

Entre les promesses non tenues, le déchirement du départ, l’assimilation aux préceptes de l’Occident, les penchants amoureux entre Teo You et Nayoung/Nora ont changé de cap.

La séquence du début – à gauche, Hae Sung/You, au milieu, Nora/Greta Lee et à droite Arthur/John Magaro, constitue le cadre d’un triangle amoureux en train de se reconstituer et dont on ne connaîtra le dénouement qu’à la fin, une finale qui évite le pathos pour se constituer fidèle à un cinéma qui réfléchit.

Entre le cinéma sud-coréen romantique, qui semble affecter la cinéaste et le film indie américain, une sorte d’amalgame bienheureux de la part de Song. Un mélange envoûtant qui remet en question les préceptes du film romantique. Et sans crier gare, se permet de repenser le plan, de restructurer le cadre pour lui avancer des propositions symboliques.

Past Lives est fait de ces rapports narratifs où le formel s’accomplit pour saisir de fond en comble la thèse de départ. Et lorsque les interprètes, sans exception, sont tous remarquables, le résultat n’est finalement que plus probant.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Celine Song

Scénario
Celine Song
Direction photo
Shabier Kirchner

Montage
Keith Fraase
Musique
Christophe Bear
Daniel Rossen

Celine Song.
Comme le souvenir d’une autre vie.

Genre
Drame

Origine
États-Unis
Corée du Sud
Année : 2022 – Durée : 1 h 46 min
Langue(s)
V.o. : anglais, coréen; s.-t.a.

Jeonseung

Dist. [ Contact ] @
Cineplex Pictures
[ A24 ]

Diffusion @
Cinéma du Parc 

Cineplex

Classement
Visa GÉNÉRAL

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Royan, la professeure de français
@ TNM

CRITIQUE.
[ Scène ]

★★★

texte
Élie Castiel

 

Le titre est une évidence, une idée d’écriture qui passe par le vécu, par une expérience qui ne laisse pas la mémoire intacte. Un texte qui fait partie de la littérature du monologue.

Se

cacher

des

convenances

En format-lecture, une expérience qui peut s’avérer bénéfique, qui rejoint notre conscient, nos appréhensions, nos doutes, toutes ces sensations inexplicables. Ses incidents de la vie que, parfois, nous occultons, pour tenter de mieux vivre.

Sur scène, par contre, l’exercice est plus périlleux, même si dans ce cas, l’auteure a expressément écrit le texte pour Nicole Garcia.

Dans l’espace dramaturgique, le jeu est plus pointilleux puisque l’unique personnage occupant le terrain n’est que le comédien ou dans le cas de Royan, la professeure de français, une comédienne. Nicole Garcia, avant  tout le cinéma, mais aussi au petit écran et au théâtre, bien sûr.

Garcia s’est intéressée au récit de Marie Ndiaye, auteure qui pèse ses mots, les mesure jusqu’à les posséder. Évite que ‘son’ personnage dise n’importe quoi. Elle est tout à fait consciente que son texte sera, en principe, lu. Sur scène, c’est autre chose.Suite

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