P R I M E U R [ Hors-série ] Sortie Vendredi 22 octobre 2021
SUCCINCTEMENT.
Zed, un chanteur de hip-hop d’origine anglo-pakistanaise, est sur le point d’entreprendre une tournée importante. En séjour chez ses parents, il est hospitalisé pour une maladie auto-immunitaire inexpliquée, mettant en péril ses projets.
CRITIQUE.
★★★ ½
texte Élie Castiel
PRÉAMBULE : Normalement, nous n’aurions pas dû publier la critique de ce film puisqu’il ne sort que deux fois à Montréal. Notre politique éditoriale s’adresse aux sorties d’au moins une semaine complète à raison d’un minimum d’une fois par jour. Ceci est une exception à la règle que nous tentons d’éviter le plus possible. Pour cette raison, nous avons indiqué P R I M E U R [ Hors-série ] plutôt que [ En salle ].
D’origine pakistanaise, l’Américain Bassam Tariq conserve des traits de sa culture dans son premier long métrage de fiction. Compte tenu de ses influences occidentales acquises dès son jeune âge, alors que ses parents s’établissent aux États-Unis, il signe Mogul Mowgli en intégrant des signes particuliers propres à sa culture à l’intérieur d’un récit qui tient sur deux fils identitaires fragiles, sans véritable lieu, pris entre un Occident libre et fier de sa liberté acquise due une certaine forme de laïcité et un Orient encore profondément épris des valeurs traditionnels et notamment en ce qui a trait à la religion. D’où ces excès dans le film qui, pour le commun des mortels, peuvent paraître énormes, déroutants, anachroniques, appartenant à un autre siècle.
Dans ce contexte, le personnage de Zed – imbattable Riz Ahmed, puissant, spectaculaire, illuminant l’écran avec une puissance dantesque dans toute sa naïveté et sa fragilité – ne peut que déconstruire sa réalité comme chanteur de rap, par ses paroles qu’on comprend à peine, ses compromis avec la terre d’accueil, ses changements de comportement entre la vie ailleurs et celle en famille. Ahmed évoque ainsi Sound of Metal(2019) où il composait un personnage quasi identique.
Bassam Tariq signe un premier film puissant, un récit fictionnel qui prend la réalité et la décortique en petits morceaux qui ont à voir avec les blessures du corps et de l’âme, véritables emblèmes de l’existence. Même si cela mène au délire ou dans des lieux de naufrage existentiels.
Qu’importe, la maladie est ici une métaphore, certes stratégie-cliché, mais non dépourvue de signification. La maladie ou l’impuissance d’être, d’exister, de respirer dans un lieu qui refuse l’identitaire autre, qui le manipule, qui le force à des attitudes excessives pour pouvoir s’exprimer.
Et face à ces difficultés externes, le poids hallucinant de la cellule familiale qui, dans le film en question, donne lieu à des séquences extraordinaires, riches dans l’art de l’interprétation et de la persuasion, surtout entre Riz Ahmed et Ally Khan, Bashir, son père, parfait dans la forme de maintenir ses distances entre le pathos, la masculinité propre aux principes orientaux et cette philosophie de vie, retenue de l’Islam quant au destin que réserve Dieu à tous les individus.
Déconstruire
les codes de l’assimilation
Riz Ahmed, une performance digne de l’Actors Studio.
Et comme on s’y attend, comme dans les films Bollywood ou même dans le cinéma d’auteur indiens, on ne passe pas par quatre chemins. Les gestes, les attitudes, les comportements, les paroles directes ou celles que l’on retient, tout est chorégraphié selon un mode de vie impossible à modifier, quel que soit l’endroit où l’on se trouve.
Comme dans Sound of Silence, un refus du différent en même temps qu’une farouche envie de changer. Pris entre deux feux qui consument l’âme.
Et lorsque la maladie se présente, comme cela, à l’improviste, les enjeux sont d’autant plus dramatiques qu’ils renvoient à une remise en question totale de l’existence : son physique, son identité propre, ses amitiés, ses amours, sa cellule familiale.
Bassam Tariq signe un premier film puissant, un récit fictionnel qui prend la réalité et la décortique en petits morceaux qui ont à voir avec les blessures du corps et de l’âme, véritables emblèmes de l’existence. Même si cela mène au délire ou dans des lieux de naufrage existentiels.
P R I M E U R [ En salle ] Sortie Vendredi 22 octobre 2021
SUCCINCTEMENT. Une généticienne prend les grands moyens pour retrouve sa fille.
CRITIQUE.
★★★
texte Luc Chaput
La vie quoiqu’il en coûte
Dans un hôpital, un couple discute de manière acerbe dans une pièce très vitrée. Leur fille Zoé est gravement malade et ils se renvoient la responsabilité de son état.
L’actrice française Julie Delpy, devenue célèbre pour la trilogie Before… de Richard Linklater, est maintenant une réalisatrice de films et de séries reconnue spécialement aux États-Unis où elle réside. Son dernier long métrage, présenté au TIFF en 2019, sort finalement. Elle l’a aussi écrit et construit en trois actes séparés par des plans noirs et elle en est l’interprète principale. Isabelle, généticienne vit à Berlin et a la garde partagée conflictuelle de Zoé avec son ex-mari James.
Isabelle entretient une relation fusionnelle avec sa file de huit ans à laquelle Sophia Ally apporte une naturelle luminosité intérieure. Aucune musique n’accompagne les scènes de ce film dont la bande son très travaillée évolue en accord avec les éléments du drame.
Une relation mère-fille fusionnelle.
Un matin, Zoé est retrouvée inconsciente dans son lit par sa mère et est rapidement transportée dans un hôpital où son très grave état est diagnostiqué. La cinématographie de Stéphane Fontaine devient alors plus froide soulignant toutefois la blancheur et la clarté des lieux. Des échanges avec les médecins sur les procédures à suivre et la visite de la mère d’Isabelle illustrent avec précision l’accompagnement habituel de ce cas hyper-traumatisant d’un enfant gravement atteint. Ce deuxième acte, médical en son essence, est deux fois plus long que le premier, heureux, mais de même longueur que le troisième dans lequel la science-fiction prend son envol.
Les considérations éthiques y sont rapidement traitées et les aspects techniques du clonage sont quelque peu expliqués au cours de ce segment dans lequel Daniel Brühl (2 Days in Paris), interprète du gynécologue Thomas Fischer, amène un soutien sérieux que confirme son statut de producteur. Gemma Arterton, dans un emploi trop court comme Laura épouse de Fischer, contribue une écoute attentive à cette mère éplorée et têtue qui veut retrouver une Zoé renouvelée mais identique. Le projet cinématographique dans laquelle Julie Delpy s’est tant investi débouche donc dans une avenue trop fantastique.
Le projet cinématographique dans laquelle Julie Delpy s’est tant investi débouche… dans une avenue trop fantastique.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE Réalisation Julie Delpy
Scénario Julie Delpy
Direction photo Stéphane Fontaine
Montage Isabelle Revinck
Genre(s) Drame
Origine(s) Grande-Bretagne / Allemagne France / États-Unis
Année : 2019 – Durée : 1 h 42 min
Langue(s) V.o. : anglais, français ; s.-t.f. Ma Zoé